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La pluralité des arrangements marchands : ventes « mortes » et ventes « vivantes »

PARTIE 2 MARCHES FONCIERS : REGULATIONS FAMILIALES, INEGALITES ET SECURISATION FONCIERE

1. La pluralité des arrangements marchands : ventes « mortes » et ventes « vivantes »

entre 25% et 37% parcelles possédées par les ménages dans la zone d’étude. Ces chiffres englobent une diversité d’échanges qui ne recouvrent pas le même type de transferts de droits fonciers. L’analyse empirique des faisceaux de droits transférés permet d’identifier plusieurs arrangements marchands désignés comme des ventes. En effet, il existe plusieurs expressions désignant des formes de transactions monétarisées construites à partir du terme malgache « mivarotra » qui signifie littéralement « vendre ». Ainsi, durant nos entretiens, les villageois utilisent les expressions de « ventes mortes » (varo maty) pour désigner des transactions définitives et de « ventes vivantes » (varo belona) pour désigner des transactions comportant une clause de rachat ou un droit de préemption. Ces clauses peuvent prendre différentes formes.

1.1. Les ventes « mortes » : transferts définitifs de droits fonciers

« Si nous disons que la vente est "morte"... c’est pour la différencier avec une vente "vivante". Ça veut dire que la terre est à nous définitivement. Le vendeur ne peut pas venir réclamer » (24/05/2015).

L’expression imagée d’une transaction « morte » illustre bien le fait que la relation d’échange (ouverte entre l’acheteur et le vendeur au moment de la transaction) est close une fois que les droits fonciers et la contrepartie monétaire sont transférés. C’est une transaction définitive et complète au sens où le vendeur cède l’ensemble du faisceau de droits à l’acheteur. Les droits d’usage, de gestion, d’exclusion et d’aliénation sont transférés de manière définitive à l’acheteur. En somme, cette

transaction correspond à la définition habituelle d’un échange marchand, au sens d’un transfert volontaire de droits basés sur un système d’équivalence qui clôt la relation (cf. Chapitre 1).

Ces caractéristiques n’empêchent pas les transactions d’être insérées dans des relations sociales. En effet, ces transactions impliquent souvent une interconnaissance préalable. Les vendeurs préfèrent céder les terres à des personnes familières et avec lesquelles ils estiment pouvoir s’entendre. Cette préférence est d’autant plus marquée que le vendeur (ou des membres de sa famille) possède encore des terrains à proximité. La gestion de l’eau (dans certaines configurations du système d’irrigation) et les dégâts causés par les bovins qui paissent dans les interstices ou directement dans les champs sont des sujets très communs de discorde. Une bonne entente préalable et une connaissance de longue date permettent souvent de s’assurer que l’acheteur respectera ce qu’on appelle ici le

fiarahomonina160, à savoir les règles de vie en société. De plus, nous verrons plus loin que ces ventes, si elles concernent des terres lignagères, sont soumises à des règles mises en œuvre par les familles.

1.2. Les ventes « vivantes » : pacte de rachat et droit de préemption

D’autres types de « ventes » sont réalisés dans cette zone : les ventes dites « vivantes » (varo belona). Ces arrangements permettent au vendeur de négocier le rachat futur de la terre cédée. S’il en existe une grande variété, les ventes « vivantes » partagent toujours la même logique : après la transaction le vendeur ne s’est pas complètement détaché de cette terre et se réserve une possibilité de rachat dans des conditions plus ou moins favorables. Les conditions d’application des clauses de rachat varient selon les cas et ces contrats sont généralement très incomplets. Parmi la diversité des pratiques observées, nous distinguons schématiquement deux variantes.

1.2.1. Première variante : les ventes avec pacte de rachat ou réméré

Dans une première variante, nous parlerons de ventes avec pacte de rachat. Cet arrangement est analogue à ce que nous connaissons en France comme des « ventes à réméré », définies comme un contrat par lequel le vendeur se réserve le droit de reprendre la chose vendue161. L’accord sur la vente stipule que le cédant pourra récupérer sa terre dès lors qu’il sera en mesure de rembourser la somme versée par l’acheteur. Le prix de rachat est donc identique au prix de vente.

La date de rachat n’est pas fixée à l’avance ou est comprise dans une fourchette temporelle souple. Ce type de transactions relève d’arrangements de nature processuelle : ils se précisent, voire se révisent,

160 Dans certains entretiens, nous rencontrons aussi l’expression de « fihavanana » qui est synonyme, quoiqu’un peu plus

forte, car elle introduit en plus l’idée d’une parenté affective. Cf. Glossaire

161En France, le pacte de rachat est défini par les Articles 1659 et 1673 du Code civil. Il prévoit la possibilité pour le vendeur

au fil de la relation et d’évènements particuliers. La date de rachat dépend généralement du vendeur et correspond au moment où il est en mesure de racheter cette terre. La relation d’échange foncier se rapproche ainsi d’une relation de crédit, la terre représentant à la fois une garantie sur le capital et une source de revenus correspondant aux intérêts.

Par exemple, Monsieur Donné (cf. film, témoignage n°4) a acheté une terre à son oncle, mais sans intention de la cultiver. Dans ce contexte, Donné souhaitait un remboursement le plus rapidement possible :

« Notre père nous avait obligés à acheter cette terre pour aider notre oncle à respecter ses obligations financières lors des prochains ‘famadihana’. [...] On a acheté ça beaucoup plus cher que le prix normal, c’était plutôt pour l’aider. Nous n’avons rien fait de cette terre, car c’était un mauvais ‘tanety’. On a bien précisé que dès que notre oncle aurait de l’argent, il devait nous rembourser au plus vite » (09/07/2016).

Dans d’autres circonstances, les acheteurs peuvent au contraire demander à décaler la date du rachat afin d’en conserver l’usage plus longtemps. Par exemple, lorsque Charles et son frère ont conclu cette vente « vivante », la question de la durée du contrat n’avait pas été précisée. Charles a acheté une parcelle à son frère qui avait besoin d’argent. Il a financé cela en vendant quelques cochons. Cependant, peu de temps après la vente, son frère est revenu le voir, argent en main, pour racheter la terre. Du point de vue de Charles :

« Généralement ça prend du temps de racheter sa terre, donc on n’avait rien précisé. Mais il [son frère vendeur] a trouvé quelqu’un d’autre que moi pour lui acheter cette même parcelle à meilleur prix ! L’autre acheteur lui avait avancé la somme pour qu’il me rembourse. [...] Comme j’avais fait des sacrifices lors de l’achat, on a convenu qu’il devait attendre au moins la prochaine récolte avant de racheter sa terre » (20/07/2016).

Concernant la date limite du rachat, l’arrangement est, là encore, souple et processuel. En effet, il n’y a pas de date explicite d’expiration de la clause de rachat. Cette flexibilité est cruciale, car c’est notamment ce qui différencie ce contrat des mises en gage. En effet, la différence fondamentale avec la mise en gage (natao antoka), telle que pratiquée localement, est que cette dernière présente un risque réel de « perdre » sa terre. Le créancier peut saisir la propriété en cas de non-remboursement à la date prévue. Or c’est précisément ce que cherche à éviter la vente « vivante ». Un enquêté explique :

« On préfère faire ‘varo belona’ parce qu’on est frères et surtout pour conserver notre héritage. En cas d’urgence mon frère me vend et lorsqu’il peut me rendre l’argent je lui redonne sa terre. C’est une entraide qui permet de garder l’héritage de nos ancêtres. » (03/11/2016)

La logique principale de ces ventes est de servir un besoin urgent de liquidité sans pour autant perdre son patrimoine de manière définitive et compromettre l’exploitation agricole à long terme. Du point de vue de l’acheteur, la transaction permet un accès à la terre, mais renvoie aussi au registre de l’entraide. En effet, l’incertitude sur la durée et l’absence d’augmentation du prix de rachat rendent ce contrat moins intéressant de l’avis des preneurs. C’est d’ailleurs ce qui explique, aux yeux d’un chef de

fokontany, l’abandon progressif de cette forme de transaction au profit d’une seconde variante.

1.2.2. Seconde variante : des ventes avec droit de préemption

Dans une seconde variante – parfois appelée du même nom, varo belona, ou parfois qualifiée de

varotra miverina (« vente qui revient ») – l’arrangement facilite la récupération de la parcelle grâce à

une sorte de droit de préemption. Un droit de préemption donne la priorité à quelqu’un pour acquérir un bien, lorsque le propriétaire manifeste l’intention de le céder.

Ces ventes sont définitives, au sens où l’acheteur restera le seul à décider de conserver ou de revendre la terre. S’il ne souhaite pas revendre, il ne pourra pas y être contraint. Néanmoins, ces ventes laissent ouverte la perspective de négociations privilégiées entre l’ancien propriétaire et l’acheteur. Cet arrangement se distingue des ventes mortes (varo maty), car il intègre un accord sur les transactions futures : l’ancien propriétaire doit être le premier informé d’une nouvelle intention de vendre la parcelle. Mija, une vendeuse, explique :

« On a fait une vente vivante avec mon oncle ce qui veut dire qu’il doit d’abord nous proposer cette terre s’il vend. Il doit nous privilégier, car c’est notre ‘anarandray’. Mais si on ne peut pas payer, il pourra vendre ailleurs. » (14/06/2017)

À la différence de la première variante, ici l’acheteur n’est pas tenu de revendre au même prix. Le montant du rachat tient compte de l’augmentation du niveau des prix et des investissements potentiellement réalisés par l’acheteur entre temps. D’ailleurs ce prix de rachat n’est jamais spécifié au moment de la vente. Ainsi, au sujet de la même transaction, l’acheteur (l’oncle) interrogé séparément, précise :

« Personne dans sa famille proche ne pouvait acheter. Comme je suis le seul survivant parmi mes frères, c’est moi qui ai dû acheter. [...] À peine un an plus tard son fils est venu me voir. Il souhaitait récupérer leur terre et m’a demandé quel prix je voulais. Cette terre ne m’avait encore rien rapporté donc j’ai proposé un prix élevé pour tenir compte des sacrifices que j’avais dû faire pour acheter. C’était trop cher pour lui donc il n’a pas acheté. » (04/08/2016)

De plus, ce contrat permet en pratique aux vendeurs de venir directement faire des propositions de rachat. Ils peuvent ainsi passer outre une norme sociale – sur l’importance de laquelle nous reviendrons – qui empêche d’exprimer spontanément des demandes d’achat.

Le vendeur peut faire valoir son droit de préemption jusqu’à sa mort et le transmettre à ses enfants ou à ses petits-enfants. Donner aux générations futures l’opportunité de racheter une terre est fondamental du point de vue des acteurs. Dans l’exemple de Mija déjà cité, cette dernière estime :

« Moi je suis pauvre, en revanche si mes enfants ou mes petits-enfants sont intéressés ils peuvent aussi venir lui proposer le rachat. » (14/06/2017)

Cette formule permet de ne pas voir les décapitalisations comme des échecs et laisse l’espoir de pouvoir reconstituer un patrimoine censé être transmis aux enfants. De plus, cela permet effectivement d’augmenter ses chances de rachat. Comme dans les verbatims précédents, le cas de Louisette (cf. film, témoignage n°7) montre qu’elle compte sur ses enfants pour tenter de racheter les terres vendues :

« J’ai trois jeunes enfants à entretenir et je suis seule donc c’est difficile pour moi de racheter. [...] Mais mes enfants pourront peut-être récupérer leur patrimoine [...] ils pourront travailler ailleurs et gagner plus d’argent que moi » (10/07/2017).

On pourrait penser que le fait d’accorder un droit de préemption au vendeur soit compensé par une décote sur prix d’achat. Nos entretiens qualitatifs ne permettent pas d’aller dans ce sens. Les données quantitatives ne permettent pas non plus de répondre par l’affirmative à cette question. En combinant les deux variantes, le prix moyen à l’hectare n’apparaît pas significativement inférieur dans les ventes « vivantes » par rapport aux ventes « mortes »162.

1.2.3. Fréquence des ventes « vivantes » et effectivité de la récupération

Les ventes « vivantes » sont une pratique commune dans notre zone d’étude. Ces arrangements étaient volontiers évoqués par les ménages lors de nos entretiens. Au sein de l’échantillon qualitatif, parmi les ménages pour lesquels nous disposons de l’information, 39% avaient déjà passé un tel arrangement (18 sur 46). Lorsque les ménages n’avaient pas eux-mêmes pratiqué ce contrat, ils en connaissaient le fonctionnement et l’envisageaient comme une option possible. Cette importance est confirmée par les données quantitatives, représentatives à l’échelle de deux communes de cette région. En effet, durant les cinq années précédant l’enquête, 25% des ménages ayant réalisé une

162 Les données quantitatives ne permettaient pas de distinguer les deux variantes. Calculs réalisés pour chaque catégorie de

transaction ont conclu une vente vivante, et ces transactions représentent 40% des 104 transactions réalisées durant cette période163.

Notons cependant que quelques ménages ne connaissaient pas ce type d’arrangement, en particulier les ménages qui étaient originaires d’autres régions. Cette pratique ne semble pas généralisée à tout le pays. À titre de comparaison, dans la commune de Marovoay, située à plus de 400km au nord-ouest d’Ambatomena, la même enquête (SALIMA) montre que seulement 5 transactions (soit 10%) incluaient une clause de rachat (réméré ou droit de préemption)164. L’encadré 4.1. ci-après recense les mentions de ventes vivantes dans la littérature sur Madagascar.

Encadré 4.1 - La mention de ventes « vivantes » dans la littérature sur Madagascar Des arrangements similaires aux ventes « vivantes » (varo belona), notamment tels que ceux décrits dans la première variante (ventes à réméré) ont été identifiés dans d’autres régions à Madagascar.

Rarijaona et Blanc-Jouvan évoquent la présence de transactions avec pacte de rachat dans les zones Betsileo et qui sont appelées localement varobelo (Blanc-Jouvan, 1964; Rarijaona, 1967).

Ottino, chez les Antesaka dans le sud-est de l’île, fait aussi allusion à des contrats similaires appelés debaky (Ottino, 1963).

Cahuzac et Thébault décrivent la pratique du fehivava qui rappelle aussi certaines transactions observées à Ambatomena (Cahuzac, 1900, p. 376; voir aussi Thébault, 1953, 1962). Selon eux, le contrat de fehivava (« lié par la bouche »), permet au vendeur ou donateur de se réserver le droit de reprendre le bien dans un certain délai, et moyennant le remboursement de la somme avancée sans produire d’intérêt. À la différence de la pratique des ventes « vivantes », le contrat de fehivava semble très formalisé et précis, du moins tel qu’il est décrit par les observateurs du début du 20e siècle. Selon Cahuzac :

« Le contrat doit stipuler le délai dans lequel le remboursement devra être effectué. Mais, en ce qui

concerne la durée de ce délai, les parties ont une liberté absolue. [...] Si, à l'expiration du délai, l'emprunteur ne rembourse pas la somme, il peut se présenter deux cas : 1° Le prêteur manifeste la volonté de rentrer en possession de son argent, et alors, au cas où le débiteur ne peut pas s'exécuter, il peut le forcer à lui vendre le bien foncier ou à le vendre à une autre personne. La somme provenant de la vente sera la garantie de sa créance. Quelquefois, l'obligation de fehivava porte qu'en cas de non- remboursement à l'échéance, l'immeuble deviendra la propriété du créancier. 2° Le prêteur garde le silence, ne fait aucune réclamation. Dans ce cas, d'après la coutume, le contrat, par une espèce de tacite reconduction, continue entre les parties pour un temps égal à celui qui avait été primitivement fixé »

(Cahuzac, 1900, p. 377).

Dans la zone du bas Mangoky, située au sud-ouest du pays entre Tuléar et Morondava, Ottino observe des pratiques semblables (Ottino, 1963).

Citons aussi, dans la région Vakinankaratra, les travaux de Blanc-Pamard et Rakoto Ramiarantsoa qui observent aussi un arrangement similaire, appelé varo-mody (littéralement « vente revenir »). Ils décrivent ce contrat comme « une forme de vente à réméré [...] dont le délai n’est pas nécessairement fixé (les descendants peuvent rembourser) » (Blanc-Pamard et al., 2000, p. 121).

Toujours dans la région Vakinankaratra, Céline Boué mentionne dans sa thèse un arrangement appelé « varo miverina », mais qui n’a plus cours dans la zone (Boué, 2013). Comme elle le précise :

163 Calculs de l’auteur. Analyse 104 transactions passées sur la période [2011 ; 2015]. Données de l’enquête SALIMA-2016 164 Calculs de l’auteur. Analyse de 47 transactions conclues à Marovoay sur la période [2011 ; 2015]. Données SALIMA-2016.

« Il existait auparavant des ventes à réméré - i.e. avec condition de retour - nommées varo miverina

(littéralement vente qui revient), qui ne se pratiquent plus depuis plus de 40 ans. Aucun cas de vente à réméré, ni de document mentionnant ce type de clause, n’a été évoqué au cours de nos enquêtes. Les ventes sont qualifiées de varo maty (littéralement vente morte) qu’il est possible de traduire par vente définitive. » (Boué, 2013, p. 114)

Dans la logique des vendeurs, les ventes vivantes ont pour objectif d’éviter une décapitalisation définitive. Dans les faits, ce type de transactions ne permet pas toujours d’y parvenir. La clause de rachat peut rester ineffective et ne jamais permettre la récupération des terres. À dire d’acteur, l’augmentation du prix des terres représente le principal obstacle au rachat dans le cas des ventes avec droit de préemption. Néanmoins, les récupérations restent une option crédible, notamment pour les enfants des vendeurs, plus mobiles et pluriactifs que leurs parents : « pour mes parents c’est compliqué

de racheter, car il n’y a pas tant d’activité ici. Mais si je fais une bonne saison dans les mines, je pourrai les aider à récupérer notre patrimoine [anarandray] » estime par exemple un jeune homme. Notre

échantillon qualitatif a permis d’identifier 8 cas de récupérations effectives de terre (sur 12 cas pour lesquelles nous disposons de cette information165). Notons que parmi les 8 cas de rachat de parcelle, dans 4 cas ce n’est pas le vendeur lui-même, mais ses enfants qui ont racheté la parcelle. En définitive, même si le retour de la terre ne se matérialise pas toujours, les ventes vivantes ne sont pas pour autant une simple euphémisation des ventes visant à les rendre socialement plus acceptables.

1.3. Incomplétude et dimension processuelle des arrangements marchands

La section précédente nous a permis de rendre compte de la diversité des arrangements marchands. Elle permet aussi de souligner que la nature des transactions diffère et que des notions simples en apparence, comme l’achat ou la vente, ne sont pas aussi homogènes qu’on peut le penser a priori. Mais cet effort pour distinguer et caractériser ces arrangements vernaculaires ne doit pas masquer une caractéristique tout aussi centrale dans les différents types de contrats marchands : leur incomplétude et leur dimension processuelle. Ces deux caractéristiques semblent d’ailleurs très liées puisque c’est l’incomplétude qui permet d’ajuster les attributs de l’arrangement.

D’une part, les ventes « vivantes » sont très rarement formalisées par un accord écrit. Lorsqu'un petit papier existe (cf. Annexe 2 p.368), celui-ci ne précise ni la variante ni la durée de validité de l’arrangement. Le titre du document précise simplement « vente vivante ». La garantie et la preuve de

165 18 ménages ont réalisé une vente vivante. Parmi eux, 8 déclarent avoir récupéré la terre, 4 déclarent ne pas l’avoir

récupérée et dans 6 cas nous ne disposons pas de cette information. Parmi les 4 ménages n’ayant pas réalisé de rachat, un a renoncé à son droit de préemption. En effet, le vendeur avait à nouveau sollicité son acheteur pour une aide financière. Les deux personnes estimèrent que la dette était annulée si la vente passée il y a plusieurs années devenait dès lors définitive. Ils signèrent donc un acte de vente « morte » mettant fin au droit de préemption.

l’arrangement passé reposent donc, dans bien des cas, sur la parole donnée. Pour les ventes à réméré, des acteurs racontent quelques tensions ou le besoin d’insister pour activer le remboursement ou la restitution de la terre, mais nous n’avons pas identifié de véritable conflit foncier. Les relations de famille et/ou les interactions répétées au village dans lesquelles s’inscrivent ces arrangements semblent permettre d’assurer le respect des engagements. Pour les ventes avec droits de préemption, l’absence d’écrit peut s’avérer plus problématique dans la mesure ou les droits de préemption peuvent

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