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PARTIE 2 MARCHES FONCIERS : REGULATIONS FAMILIALES, INEGALITES ET SECURISATION FONCIERE

2. Le « droit de vendre » : terres achetées versus terres ancestrales

Nous avons montré, dans le Chapitre 3, que l’usage des terres est un droit qui s’exprime à l’échelle du ménage nucléaire. Mais cette échelle est-elle pertinente pour analyser les transactions foncières ? Le « droit de vendre » est-il une prérogative du ménage ? Si le droit de vendre est gouverné « en commun », ou comme nous le verrons « en famille », qui est inclus ou exclu des décisions ? D’autre part, les règles s’appliquent-elles de manière identique pour toutes les terres ?

L’analyse des faisceaux de droits nous permettra d’appréhender la dimension plus ou moins collective des ventes de terres. Nous verrons que le droit de vendre dépend de l’origine de l’acquisition de la terre par les individus. Ainsi, céder des terres initialement acquises par défriche ou achat définitif relève de la seule décision des propriétaires. Pour les terres acquises dans le cadre de transactions « vivantes », le droit de vendre s’inscrit dans des relations bilatérales avec l’ancien propriétaire. Quant aux terres initialement acquises via héritage ou donation, le droit de vendre est soumis à un contrôle collectif dans lequel les rapports de parenté jouent un rôle central.

2.1. Le droit de vendre les terres acquises personnellement par le travail ou l’achat

Parmi les terres qualifiées de biens « fila » (Ottino, 1963; Blanc-Jouvan, 1964; Rarijaona, 1967; Ottino, 1998), c’est-à-dire acquises directement par le travail du propriétaire et à titre personnel, nous distinguons les terres obtenues par la mise en valeur (aménagement, défriche, etc.) et par achat.

2.1.1. Les terres acquises « par la bêche »

Les terres dites lafam-pangady (obtenues « par la bêche ») constituent de véritables possessions individuelles. Elles correspondent à des acquisitions issues de la défriche ou de la mise en valeur de terres vacantes. L’ensemble du faisceau de droits, y compris le droit de vendre, est détenu par le propriétaire. Vendre est possible à tout moment, la décision n’implique que le ménage propriétaire et aucune contrainte ne s’applique dans le choix de son acheteur.

2.1.2. Les terres achetées via des ventes « mortes »

Si la terre a été acquise à travers une transaction définitive, l’ensemble du faisceau de droits, y compris le droit de vendre, est transféré à l’acquéreur. Cela n’empêche pas un certain degré d’encastrement social des ventes. En effet, les normes du « vivre ensemble » voudraient que la parcelle soit d’abord proposée à l’ancien propriétaire. Comme le souligne un enquêté :

« Si je vends cette terre, je la proposerai d’abord à mon vendeur [un voisin], c’est mieux de proposer à l’ancien propriétaire [...]. Ce n’est pas obligatoire, mais ça permet de préserver le lien social [fihavanana] » (17/05/2016).

Cette pratique, apparemment fréquente, est néanmoins peu contraignante en comparaison des règles qui s’appliquent aux terres acquises par vente « vivante » ou acquises par héritage/donation. Il s’agit plutôt d’une norme de courtoisie. C’est une bonne stratégie, car ce geste est socialement valorisé. De plus, l’ancien propriétaire est une personne potentiellement très intéressée. Ce dernier peut avoir un attachement émotionnel particulier à cette terre (i.e. si c’était une terre héritée) ou un intérêt particulier lié au fait qu’il peut posséder des terrains voisins, lui offrant ainsi une possibilité de remembrement.

2.1.3. Les terres achetées via des transactions « vivantes »

Si la terre a été acquise au moyen d’une vente « vivante », le droit de vendre s’inscrit d’abord dans le cadre d’une relation bilatérale entre le vendeur et l’ancien propriétaire.

Les pactes de rachat (première variante) ne permettent pas à l’acquéreur de vendre la terre à une tierce personne. Nous avons même vu que l’initiative d’une nouvelle transaction (le rachat) est impulsée par l’ancien propriétaire. Dans cette variante le droit de vendre est partagé entre l’acheteur

et l’ancien propriétaire. Les conséquences sont importantes puisque cela signifie que l’acquéreur ne pourra revendre la terre que si l’ancien propriétaire est en mesure de racheter. Cette contrainte forte prend son sens si nous rappelons l’objectif principal de cet arrangement : faire face à des chocs (domestique ou productifs) sans « faire sortir la terre » du cadre familial. Suivant cette logique de crédit, le vendeur reste au cœur de la prochaine décision de vente par laquelle il se verra restituer sa terre.

Au contraire, dans le cadre d’acquisition avec droit de préemption (seconde variante), le droit de vendre est détenu par l’acheteur, avec une contrainte initiale sur l’identité de l’acheteur. La transaction doit, dans un premier temps, être proposée à l’ancien propriétaire (le préempteur). C’est seulement à condition que ce dernier décline l’offre que le propriétaire peut élargir sa clientèle et vendre à qui bon lui semble.

On notera donc que derrière la même expression vernaculaire de vente « vivante », ces deux types de transactions sont en réalité analytiquement très différents du point de vue du droit de vendre.

2.2. Le droit de vendre les terres ancestrales

À côté des biens dits fila, acquis par défrichement ou par achat, les ménages possèdent aussi des biens dits lova, obtenus au titre d’une relation de filiation (Ottino, 1963; Blanc-Jouvan, 1964; Rarijaona, 1967; Ottino, 1998). Les agriculteurs d’Ambatomena emploient les expressions de « terres ancestrales » (tanindrazana), « terres héritées » (tany lova) ou encore d’« anarandray »166, pour désigner les espaces acquis par transferts intergénérationnels de droits, c’est-à-dire par donation ou héritage. Ces terres lignagères ont une forte dimension symbolique (cf. Chapitre 3). Nous allons voir que le droit de vendre y est soumis à l’approbation de la famille. Afin de préciser les contours de la « famille » et identifier les prérogatives de chacun, nous distinguons les terres reçues en donation (du vivant des parents) et celles héritées (à la mort des parents). Enfin, nous verrons le rôle de la règle de priorité familiale dans l’exercice du droit de vendre.

2.2.1. La responsabilité collective des terres héritées

La famille met en œuvre des règles qui encadrent le droit de vendre, même pour les terres dont l’héritage a été déjà partagé entre différents ménages nucléaires.

Concernant les rizières irriguées, les héritiers (généralement les hommes d’une fratrie) se partagent égalitairement ce patrimoine une fois que les deux parents sont décédés. Le partage est dit

166 Nous rappelons que la notion d’anarandray désigne, selon Ottino, « à la fois des groupes de cohéritiers et les fractions de

terres ancestrales auxquelles ils ont accès et qui, avec leur filiation, contribue à leur identité ». L’anarandray renvoie donc « à un mode d’accès à la terre autant qu’à l’idée d’une identité commune au sein du groupe de parenté » (Ottino, 1998, p. 45).

« définitif ». Chaque héritier cultive ses rizières séparément et gère au sein de son ménage l’ensemble du cycle de production. Chaque héritier est le seul ayant droit sur les récoltes et il peut choisir de céder cette terre en métayage ou en location. Il peut aussi choisir de vendre sa terre, mais la famille élargie est toujours impliquée dans la procédure. Autrement dit, l’initiative d’une cession reste propre à chaque ménage, et l’argent de la vente lui revient, mais le reste de la famille doit être consulté et donne un avis. Le droit de vendre s’inscrit donc dans une négociation à laquelle prend part un cercle familial plus vaste qui correspond au groupe des « coresponsables » (mpiray adidy ou mpiara

mitondra), tel que défini au Chapitre 3167. La légitimité de la vente dépend de la consultation (teny

ierana) de cette famille élargie. Cette dernière doit impérativement être informée et donner un accord

de principe (tsara vavaka). Notons que tous les coresponsables ne résident pas nécessairement au village et les absents ne sont pas toujours consultés. Comme le rappelle Monsieur Kiady qui a vendu récemment :

« En cas de vente je dois réunir ma famille et obtenir leur bénédiction [tsara vavaka]. […] Dans mon cas, j’ai appelé mes frères et sœurs ainsi que mes oncles qui vivent à Ambatomena, et je leur ai dit que j’avais besoin d’argent et que je devais vendre » (21/06/2017).

Selon nous, la légitimité des coresponsables sur le droit de vendre s’explique par le lien très étroit existant entre accès aux terres familiales et prises de responsabilités sociales (cf. Chapitre 3). Même si les droits d’usage ont été divisés entre les ménages qui composent ce groupe, les obligations sociales restent mutualisées à ce niveau 168. Ainsi, selon Monsieur Naivo : « je me sens responsable si mon frère

vend une "terre de responsabilité" [‘tanim-pitondrana’], car nous cotisons ensemble aux retournements des morts » (13/11/2016). Ce sentiment de responsabilité, justifiant l’autorité du collectif familial, a

une dimension identitaire et économique. Identitaire, parce que les ventes fragilisent un patrimoine au centre de la conception même de la parenté (cf. chapitre 3). Économique, parce que nous avons vu précédemment que certaines obligations sociales coûteuses sont mutualisées à l’échelle du groupe des coresponsables (mpiray adidy). La vente de terres héritées peut faire craindre la perte d’un cotisant aux retournements des morts, entraînant une augmentation de la part des autres et/ou la réduction des dépenses collectives affectant alors le prestige de la famille. C’est un sujet de conflit important dans la région (cf. chapitre 6).

167 Pour rappel, ce groupe comprend toutes les personnes apparentées et possédant au moins un ascendant vivant en

commun. Cela correspond généralement aux frères d’un héritier (ou leurs descendants si certains sont décédés) ainsi que ses oncles paternels (ou leurs descendants).

168 C’est d’ailleurs le sens même de cette catégorie locale de « coresponsable ». En effet, elle renvoie en malgache à

l’expression mpiray adidy qui signifie « une seule responsabilité sociale ». Ce groupe est aussi qualifié par l’expression mpiara

Concernant les terres de collines (tanety), nous avons déjà vu que les droits fonciers peuvent rester en indivision sur plusieurs générations. Ce régime foncier particulier impacte l’exercice du droit de vendre pour les cohéritiers. En effet dans ce cas, les ventes sont plus complexes, car elles impliquent la réalisation d’un partage préalable169. Autrement dit, la vente contribue à précipiter le partage du patrimoine. Dans les cas étudiés, seul le vendeur sort de l’indivision et peut alors vendre les terrains qui correspondent à sa quote-part (qui était restée jusqu’alors virtuelle). Comme pour la vente de rizières, la vente de tanety implique la consultation des autres membres de la famille, particulièrement celle des indivisaires. Dans ces transactions, le plus délicat semble être la décision préalable sur le partage du patrimoine. Elles nécessitent donc à plus forte raison l’intervention d’autorités familiales, telles que le loholona pianakaviana (« responsable de famille »). Leur rôle est de renseigner la famille sur l’historique des terres pour tenter de trouver un compromis équitable. Néanmoins, ces opérations engendrent souvent des tensions intrafamiliales, comme nous le verrons plus en détail dans le Chapitre 6.

Finalement, la famille intervient dans les ventes de terres ancestrales à travers une consultation aussi obligatoire qu’indispensable pour légitimer les transferts. Mais dans quels cas peut-elle s’opposer à la transaction et quelle est l’effectivité de son contrôle ? D’une part, la famille considère le motif de la cession. Si ce dernier est jugé déraisonnable, elle peut s’opposer. Hendry, un homme qui a été désigné par sa famille pour gérer ce type d’affaires (il est le loholona pianakaviana) explique :

« Si quelqu’un veut vendre il doit m’en parler, mais je ne décide pas seul, je réunis les autres et on donne notre avis. [...] Si c’est pour passer la « belle vie », s’acheter une moto ou pour boire on s’oppose. On ne peut pas, non plus, vendre parce qu’on quitte le village, ça c’est vraiment tabou [fady]. Mais on ne peut pas empêcher de vendre si c’est pour une urgence. » (13/05/2017)

Selon d’autres personnes enquêtées :

« Seulement les maladies, l’hospitalisation, les décès sont validés pour vendre une terre héritée. Le reste est inacceptable ! […] On peut aussi vendre pour acheter d'autres terres ». (19/06/2017) « Si le vendeur est dans un cas de force majeure et explique ses motifs, la famille ne peut pas l’empêcher. Mais parfois certains veulent vendre par pure folie et on essaie donc de les raisonner. » (24/04/2016)

Ainsi, dans le cas de situation de détresse (choc de production, insécurité alimentaire, maladie, etc.), la famille élargie ne s’oppose pas à la vente parce qu’elle constitue un mécanisme d’assurance en dernier ressort. Il n’est pas envisageable d’empêcher une cession si l’argent doit servir à répondre à

un choc domestique. Dans ce cas, les coresponsables pourront proposer d’acheter la terre : « empêcher la terre de sortir de la famille » reste en effet une préoccupation majeure chez tous les ménages enquêtés.

D’autre part, le groupe des coresponsables peut émettre une objection si la vente risque de faire disparaître l’obligation d’un de leurs membres à cotiser aux dépenses communes lors des retournements des morts (famadihana). Selon un chef de fokontany :

« Il y a souvent des tensions dans les familles à cause des cotisations [‘adidy’] pour les retournements des morts [‘famadihana’]. Certains craignent que les vendeurs ne veuillent plus cotiser s’ils n’ont plus de terres. La perte d’un organisateur diminue le prestige du ‘famadihana’, car il y a moins de cotisants et d’invités ». (22/06/2017)

En effet, comme nous l’avons montré dans le chapitre 3, les droits sur les terres lignagères s’accompagnent d’obligations sociales. Or dans plusieurs familles enquêtées, si un héritier se sépare de l’ensemble de ses rizières, l’obligation de participer financièrement aux retournements des morts disparaît. Ainsi, la perte d’un des cotisants impacte tout le groupe des coresponsables. Ces derniers peuvent tenter de s’opposer à la vente tant pour défendre le prestige familial que le budget de leur propre ménage qui risque sinon de s’alourdir.

Par ailleurs, l’opposition des membres de la famille prend rarement la forme d’une décision autoritaire, qui s’impose telle une sentence. Les enquêtés préfèrent généralement dire qu’ils tentent de « dissuader le vendeur », de le « raisonner », ou encore de lui faire « prendre conscience » de la gravité de son acte. Le respect accordé aux membres de la famille ainsi que les risques de litiges encourus suffisent généralement à assurer le respect et l’exécution (enforcement) des règles par les vendeurs. De même, peu d’acheteurs se risquent à conclure une transaction sans s’être assurés eux-mêmes de l’aval de la famille du vendeur (cf. Chapitre 6).

2.2.2. L’autorité parentale sur les terres cédées en donation

La plupart des ménages possèdent également des terres données par leurs parents encore en vie. Rappelons que les donations (omena/tolotra) concernent uniquement les rizières et la réception des droits fonciers implique en contrepartie de nouvelles obligations sociales. En effet, sur les terres de colline (tanety) il n’existe pas de donation à proprement parler170 (cf. Chapitre 3).

170 Sur les tanety, tant que les parents sont en vie, les jeunes ménages peuvent seulement en demander des droits d’usage

sous la forme de prêts (ampindramina). Il s’agit d’une délégation temporaire de droits d’usage et les récipiendaires de ces terres n’ont aucun droit de vendre sur ces espaces.

Sur les rizières, les donataires disposent, à titre individuel, des droits d’usage et de gestion. Les droits de louer ou de vendre restent sous l’autorité des parents. En revanche, on observe que l’initiative d’une cession émerge toujours des donataires. Autrement dit, lorsque les enfants souhaitent céder une terre reçue en donation, ils doivent impérativement consulter leurs parents qui sont décisionnaires. Cependant, les parents ne peuvent pas reprendre une terre donnée pour la vendre eux-mêmes. Il serait en effet immoral, du point de vue des acteurs, de priver ses propres enfants de leur accès à la terre. De plus, vendre une terre cédée en donation serait contraire au devoir éminent des parents de perpétuer le patrimoine familial (anarandray) (cf. Chapitre 3). Des cas de reprise par les parents ont été observés, mais jamais pour la vente171.

Le droit de vendre est donc négocié entre parents et enfants. Bien que les parents restent décisifs dans la décision de vendre, ils exercent leur autorité de manière différente, selon les familles. Par exemple, du point de vue de Hoby, un homme de 40 ans qui gère de manière autonome son exploitation agricole, ses parents restent les principaux décisionnaires quant aux ventes :

« Tant que les deux parents sont vivants, les rizières qu’ils m’ont données ne sont pas définitivement à moi. Je ne peux pas inscrire la terre à mon nom [certifier ou titrer] ni la vendre. Sinon ce serait comme me faire hériter avant la mort de mes parents...ce qui n’est pas possible chez les malgaches. […] » (12/05/2016).

Du point de vue de Monsieur Nivo, un père de famille et président de hameau de 75 ans, ses cinq fils sont « propriétaires » des terres qu’il leur a données, et ils peuvent vendre à condition de lui en parler :

« Les terres que je lui [un de ses fils] ai données sont à lui, il fait ce qu’il veut avec, car il est ‘tompon- tany’ [maître des lieux, propriétaire]. […] S’il veut vendre ? Alors là il devra m’en parler, mais je ne pourrais pas m’y opposer. J’essaierai simplement de sauver la terre, si je peux la racheter ».

Notons que Monsieur Nivo précisera par ailleurs que l’interdiction est possible si le motif lui semble injustifiable, mais il ne l’envisage pas :

« Mes enfants ne vendraient jamais pour aller boire ou passer la belle vie sans travailler. Mais dans un cas pareil évidemment je les en empêcherais » (11/05/2017).

171 Des cas de reprise ont été observés lorsque les ménages qui ont reçu la terre en donation ne sont plus capables de les

mettre en culture ou lorsqu’ils migrent et quittent l’agriculture. Le temps de leur absence, les parents reprennent la gestion des terres données. Par exemple, Madame Louisette se voit retirer des terres au motif qu’elle est incapable de les exploiter seule depuis son divorce. Monsieur Joachin, pour pallier l’insuffisance de terres, retire les droits à certains de ses enfants pour les allouer à d’autres, et se fait ainsi l’arbitre d’un accès à la terre « chacun son tour ».

En définitive, tout comme pour les terres héritées, si la raison est jugée légitime (acheter une autre parcelle mieux située ou plus fertile), ou si la vente est liée à un choc domestique que les parents ne peuvent pas contribuer à amortir par un autre moyen, la vente sera autorisée.

Les prérogatives des parents sur la terre donnée dépendent aussi de la manière dont ils ont eux-mêmes obtenu cette terre. S’il s’agit d’une terre achetée par les parents, les décisions sur la vente sont prises à l’intérieur de la petite famille (mpianakavy, cf. Chapitre 3). S’il s’agit d’un héritage, le cercle plus large des coresponsables doit être consulté. Le père qui a donné une terre, en tant qu’héritier, en est toujours responsable vis-à-vis du reste de la famille. Si une vente se prépare, il est donc tenu d’informer le reste de la famille, de la même manière que nous l’avons vu précédemment.

2.2.3. Les terres familiales indivisibles et inaliénables

Le statut foncier le plus restrictif sur le droit de vendre concerne les terrains accueillant un tombeau familial. Ces terres ne peuvent être vendues par quiconque. Cela n’empêche pas qu’à Ambatomena, certaines d’entre elles soient cultivées. On observe parfois sur les espaces qui entourent un tombeau quelques parcelles de cultures pluviales. Ces parcelles sont généralement laissées à quelques jeunes qui manquent de terre et peuvent utiliser, un temps seulement, un peu de cet espace disponible. Cependant, à la différence des autres tanety, ces terres ont un statut presque sacré et ne sont pas simplement la propriété indivise des héritiers, mais se conçoivent comme une « propriété collective,

indivisible et inaliénable de la famille », pour reprendre les termes de Rarijaona172(1967, p. 361).Si certaines parcelles peuvent y être cultivées par des ménages de la grande famille, ces terres abritant les tombeaux symbolisent l’unité familiale et elles doivent être conservées de génération en génération. Comme le souligne Cahuzac, elles sont « la propriété de la famille entière, de la famille

d’autrefois, de celle d’aujourd’hui et de celle de demain » (Cahuzac, 1900, p. 39). Sur ces espaces

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