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Plasticité synaptique hippocampique et processus mnésiques

CHAPITRE II. MEMOIRE, HIPPOCAMPE ET PLASTICITE CEREBRALE

II.3. Plasticité cérébrale hippocampique et processus mnésiques

II.3.1. Plasticité synaptique hippocampique et processus mnésiques

La plasticité synaptique se définit comme la capacité des neurones à modifier leurs propriétés (morphologiques, chimiques et fonctionnelles) au cours du temps. L’hippocampe, structure clé dans les processus d’apprentissage, a été largement décrit comme étant le siège de phénomènes de plasticité synaptique (Morris, 2006).

La potentialisation à long terme (PLT) est la première forme de plasticité synaptique mise en évidence chez le mammifère (Bliss and Lomo, 1973). Elle se caractérise par une augmentation rapide et durable de l’amplitude des potentiels post-synaptiques (au niveau extracellulaire) enregistrés dans le GD mais également par une diminution du seuil d’induction du potentiel d’action. Cette PLT n’est observée qu’après une stimulation "tétanique" (stimulation à haute fréquence) des fibres perforantes et n’a pas seulement été montrée que dans le GD mais également dans les différentes régions de l’hippocampe : CA1 (Izquierdo et al., 2008), CA3 (Dumas and Foster, 1995).

L’hypothèse selon laquelle la PLT sous-tendrait la formation de la mémoire a été appuyée par de nombreuses études. En effet, des mesures de PLT dans l’hippocampe ont été corrélées avec les niveaux de performance des animaux dans de nombreux tests d’apprentissage et de mémoire spatiale (Jaffard and Jeantet, 1981; Jodar and Kaneto, 1995; Jaffard et al., 1996).

Il existe plusieurs formes de PLT mais dans les régions CA1 et GD, la PLT la plus décrite est celle dépendante de l’activation des récepteurs au glutamate NMDA (Zhong et al., 2006; Bliss and Cooke, 2011; Drever et al., 2011). Le phénomène de PLT-NMDA peut être décrit de la manière suivante : (1) une stimulation à haute fréquence de la région pré-synaptique entraine une libération de glutamate au niveau de la synapse. (2) La fixation du glutamate sur les récepteurs AMPA et NMDA entraine une dépolarisation au niveau synaptique. (3) La dépolarisation post synaptique associée à la fixation du glutamate sur le

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récepteur NMDA va induire une ouverture des canaux et ainsi l'entrée de Ca2+ dans la cellule. (4) L'augmentation intracellulaire de Ca2+ dans la cellule va être à l'origine de l'activation d'une cascade moléculaire de signalisation aboutissant à des mécanismes de synthèse protéique. Les conséquences qui en résultent sont des changements durables de l'efficacité de la transmission du signal qui peuvent se traduire par exemple au niveau pré-synaptique par une augmentation de la libération de neurotransmetteurs ou au niveau post-synaptique par le recrutement de récepteurs glutamatergiques (Figure 4). La transcription de gènes codant pour des protéines impliquées dans la facilitation de la transmission suite à une PLT a également été mise en évidence. Parmi ces molécules de signalisation, certaines se retrouvent au niveau pré-synaptique comme synaptophysine et neuromoduline (GAP43), et d’autres sont situées dans le compartiment post-synaptique comme PSD-95 et neurogranine (RC3). Par ailleurs, d’autres protéines telles que les facteurs de croissance BDNF (Brain Derived Neurotrophic Factor) ou encore NGF (Nerve Growth Factor) jouent également un rôle important dans les processus de plasticité synaptique. Le facteur trophique BDNF est une protéine sécrétée au niveau les compartiments pré- et post-synaptiques en réponse à une stimulation neuronale (Hartmann et al., 2001; Kohara et al., 2001; Kojima et al., 2001). Ses récepteurs, TrkB, sont également présents dans les deux régions (Drake et al., 1999). De nombreuses études montrent le rôle critique de BDNF dans l’induction de la PLT (Kang and Schuman, 1995; Figurov et al., 1996; Patterson et al., 1996) en particulier au niveau de la région CA1 (An et al., 2008) mais également dans les processus de mémorisation dépendants de l’hippocampe (Tyler et al., 2002; Yamada and Nabeshima, 2003). Le facteur trophique NGF appartient à la même famille de protéine que BDNF et présente donc des propriétés similaires. Il se fixe préférentiellement aux récepteurs TrkA et son rôle dans les processus de PLT au niveau hippocampique a été démontré dans plusieurs études (Maguire et al., 1999; Hennigan et al., 2009). Par ailleurs, une augmentation de son expression a été associée à une amélioration des performances mnésiques chez l’animal âgé en particulier (Fischer et al., 1991; Woolf et al., 2001).

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Figure 4 : Les mécanismes moléculaires de la potentialisation à long terme (PLT). Source : Bliss and Cooke (2011)

(A) L’induction de la PLT est déclenchée par l’activation des récepteurs glutamatergiques de type

NMDA. Ce récepteur ionotropique détecte la coincidence de l’activité pré et postsynaptique impliquant la fixation du neurotransmetteur, et la perméabilisation aux ions Ca2+. (B) Le Ca2+ se lie alors à la Ca2+/calmoduline, qui à son tour vient activer de nombreuse kinases et phosphatases dont CaMKII, PKC et la Calcineurin (PPB2) de façon directe et PKA et PP1 de façon indirecte. L’activité kinase et phosphatase dépend de la concentration et du profil temporel de Ca2+ postsynaptique. Une transition de Ca2+ faible et prolongée induira la DLT (dépotentialisation à long-terme) alors qu’une transition brève et forte induira une PLT. (C) La PLT est également exprimée via la phosphorylation de récepteur glutamatergique AMPA notamment par la CaMKII. (D) Le trafic des récepteurs AMPA joue un rôle majeur dans l’expression de la PLT en augmentant le nombre de récepteurs à la membrane postsynaptique. (E) Les mécanismes présynaptiques permettent également d’augmenter la liberation de neurotransmetteurs et contribuent ainsi à l’expression de la PLT. Ces mécanismes nécessitent l’action de messagers rétrogrades comme l’oxyde nitrique (NO) ou les endocannabinoïdes (EC). (F) La DLT peut également se faire via les récepteurs mGluR conduisant à l’activation de la PKC qui en phosphorylant le récepteur AMPA peut réduire sa conductance. (G) Le BDNF joue un rôle complexe dans la PLT et la DLT et contribue de diverses façons à la plasticité à court et à long-terme. (H) La PLT, persistant plus de quelques heures, nécessite la synthèse de nouvelles protéines, soit par le biais de la transcription de nouveaux gènes (I) soit par l’initiation de la traduction locale de transcrits existants. (J) La synthèse de la kinase PKMζ permet de maintenir la PLT en maintenant la présence de récepteurs AMPA insérés pendant l’induction de la PLT. L'inhibition de cette kinase peut effacer la PLT et la mémoire de nombreux jours après l'induction. (K) Enfin, le BDNF peut également jouer un second rôle dans la plasticité synaptique, comme un produit nouvellement synthétisé qui modifie la structure de la synapse pour renforcer les changements à long terme.

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