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Altérations neurofonctionnelles au cours du vieillissement

CHAPITRE III. PROCESSUS MNESIQUES ET ALTERATIONS

III.2. Altérations neurofonctionnelles au cours du vieillissement

Le vieillissement du cerveau se manifeste à plusieurs niveaux :

- Au niveau systémique, il se caractérise par une diminution des facultés d’adaptation, une baisse des capacités d’apprentissage et de mémoire, des états dépressifs, un ralentissement psychomoteur… (Erickson and Barnes, 2003).

- Au niveau anatomique, il est caractérisé par de nombreux changements neurobiologiques observables en imagerie tels qu’une perte d’intégrité de la matière blanche, une diminution de l’épaisseur corticale et du volume de matière grise, mais également par des altérations de l’activité métabolique et de l’activité des neurotransmetteurs (Li and Rieckmann, 2014). Il se manifeste par une perte neuronale, une atrophie cérébrale et une dilatation ventriculaire.

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- Au niveau cellulaire, une diminution de la densité de certains récepteurs tels que les récepteurs glutamatergiques NMDA et AMPA (Dickstein et al., 2007) a été observée ainsi qu’une diminution de la libération des neurotransmetteurs, une démyélinisation des fibres nerveuses et une diminution de la densité des épines dendritiques, leur longueur et leur nombre..

III.2.1.Altérations morphologiques

D’un point de vue anatomique, on peut observer une atrophie cérébrale et une dilatation ventriculaire, ces modifications étant souvent hétérogènes entre les individus (Sullivan et al., 2001). Les altérations cérébrales majeures sont en partie dues à des changements morphologiques au niveau des neurones, tels qu’une réduction de la complexité de l’arborisation dendritique, une diminution de la longueur et du nombre d’épines dendritiques, une baisse de l’expression des récepteurs au glutamate NMDA et AMPA, intervenant dans la mise en place de la PLT (Dickstein et al., 2007). Ces modifications morphologiques se traduisent par des altérations de la plasticité cérébrale et s’accompagnent d’une perte des fonctions cognitives.

III.2.2.Altérations de plasticité cérébrale associées aux déficits mnésiques au cours du vieillissement

III.2.2.1.Plasticité synaptique au cours du vieillissement

Les études menées chez l’Homme comme chez l’animal suggèrent que le vieillissement cérébral s’accompagne d’une réorganisation neuronale principalement dans le cortex préfrontal et la région hippocampique (Burke and Barnes, 2006). Ainsi, il a été montré que le vieillissement entraine des déficits de PLT, corrélés avec des déficits mnésiques observés dans des tâches évaluant la mémoire spatiale (Rosenzweig and Barnes, 2003).

Certaines études ont montré que des changements structuraux au niveau de l’hippocampe, impliquant des pertes synaptiques associées à des modifications de la concentration de certains marqueurs synaptiques, sont à l’origine des altérations de plasticité synaptique observées au cours du vieillissement et contribuent à l’apparition des déficits de PLT et des déficits cognitifs (Selkoe, 2002; Salehi et al., 2003; Coleman, 2005; Burke and Barnes, 2006; 2010). En effet, une diminution d’environ 30% du nombre de synapses a été observée dans le GD de rats âgés, de manière concomitante à une baisse de leurs performances de mémoire spatiale (Bondareff and Geinisman, 1976; Geinisman et al., 1977;

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Geinisman et al., 1986; Geinisman et al., 1992). Une diminution du nombre d’épines dendritiques et de leur longueur a également été décrite dans les neurones du GD, associée à des déficits cognitifs hippocampo-dépendants (von Bohlen Und Halbach, 2007).

De plus, la signalisation calcique semble elle aussi altérée par l’âge. En effet, une augmentation de la conductance du Ca2+ conduisant à des modifications de l'homéostasie calcique et par conséquent à des altérations de plasticité synaptique a été mise en évidence dans les neurones d'animaux âgés (Landfield, 1988; Thibault and Landfield, 1996; Foster and Norris, 1997; Rosenzweig and Barnes, 2003; Toescu et al., 2004).

Parmi les facteurs situés en aval du signal calcique, d’autres voies de signalisation telle que celle des MAP kinases sont affectées par le vieillissement. A ce niveau, il est important de préciser que l’encodage d’une nouvelle information engendre une cascade d’évènements moléculaires aboutissant à la synthèse de nouvelles protéines qui permettront alors des modifications cellulaires durables, s’inscrivant dans les processus de plasticité synaptique des réseaux neuronaux activés (Wang et al., 2006). L’une des voies de signalisation les plus impliquées dans ces mécanismes de plasticité, est la voie des MAP kinases (Mitogen-activated protein kinases) ERK (Extracellular signal regulated kinase) et du facteur de transcription CREB (cAMP-response element-binding protein). C’est en effet une voie ubiquitaire très conservée au cours de l’évolution et qui constitue un point de convergence de nombreuses autres voies pour le déclenchement de processus à long terme (Weeber and Sweatt, 2002). L’activation de cette voie joue donc un rôle crucial dans la formation de la mémoire à long terme, notamment en initiant la transcription de gènes précoces tels que c-fos (Carlezon et al., 2005). Cependant, de nombreuses études ont montré que le vieillissement est accompagné d’une altération de cette voie. En effet, Simonyi et al. (2003) ont montré une réduction de 20% de l’expression des transcrits de ERK1 dans la région CA3 hippocampique de rats âgés de 13 mois par comparaison à des rats âgés de 3 mois (Simonyi et al., 2003). Des souris âgées de 23-24 mois présentent une réduction de l’activation de CREB dans leur hippocampe par comparaison à des souris adultes de 5-6 mois, corrélée à de faibles performances de mémoire spatiale, mesurées dans le labyrinthe aquatique de Morris (Porte et al., 2008).

D’autre part, certaines protéines synaptiques ont été particulièrement étudiées chez l’animal âgé, telles que les récepteurs NMDA impliqués dans les processus de PLT (Magnusson et al., 2007; Topic et al., 2007), mais également la synaptophysine, la

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neurogranine (RC3) ou encore la neuromoduline (GAP-43). Ainsi une diminution d’expression de l’expression de RC3 et GAP-43 intervient au cours du vieillissement (Casoli et al., 2001; Etchamendy et al., 2001; Feart et al., 2005; Boucheron et al., 2006) ; cette diminution de RC3 étant associée à des déficits de PLT et de mémoire spatiale (Etchamendy et al., 2001).

Enfin, l’excitabilité neuronale et la transmission synaptique lors de tâches comportementales hippocampo-dépendantes apparaissent diminuées au cours du vieillissement. Ces déficits concernent à la fois les voies glutamatergiques et cholinergiques qui représentent les principaux systèmes excitateurs dans la communication neuronale hippocampique. Il a ainsi été démontré que les animaux âgés présentent des déficits mnésiques concomitants à une dégénérescence des neurones cholinergiques et une perturbation de la voie de signalisation du NGF, impliquée dans la survie de ces neurones (Williams et al., 2006).

III.2.2.2.Neurogenèse au cours du vieillissement

Bien que la neurogenèse hippocampique persiste au cours du vieillissement, une diminution importante de la production de nouveaux neurones a été mise en évidence dans le GD d'animaux âgés (Abrous et al., 2005). Par conséquent, le déclin de neurogenèse observé chez les animaux âgés pourrait participer au déclin des fonctions cognitives. Cependant, la relation potentielle entre certaines étapes de la neurogenèse et les performances mnésiques des animaux âgés reste à préciser. Toutefois, une diminution de neurogenèse hippocampique a été associée à des déficits cognitifs lors d’une épreuve spatiale dans le labyrinthe aquatique de Morris au cours du vieillissement (Kempermann et al., 1998; Driscoll et al., 2006). De plus, il a été montré que la neurogenèse était altérée dans des modèles de vieillissement pathologique dans lesquels l’apparition des déficits cognitifs liées à l’âge est accélérée (Vallee et al., 1999) et la neurogenèse hippocampique diminuée (Lemaire et al., 2000).

Enfin, d'autres travaux plus récents suggèrent l’existence d’une relation quantitative entre le nombre de neurones nouvellement formés et les performances spatiales au cours du vieillissement. Ainsi, les animaux âgés qui présentent de bonnes performances dans le labyrinthe aquatique sont également ceux dont le nombre de neurones néo-formés est le plus important (Drapeau et al., 2003). Ces données restent toutefois controversées puisque, d’autres études ne révèlent aucun lien entre neurogenèse et capacités mnésiques au cours du vieillissement (Bizon and Gallagher, 2003; Merrill et al., 2003), ou indiquent même des

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corrélations négatives entre le niveau de survie cellulaire et les capacités mnésiques des animaux âgés (Bizon et al., 2004). Par conséquent, le lien précis existant entre les processus de neurogenèse et les performances mnésiques chez l’animal âgé reste encore à élucider.

L’identification de facteurs susceptibles de stimuler la neurogenèse chez le sujet âgé dans le but d’améliorer leurs performances mnésiques, a fait l’objet d’un certain nombre d’études. Ainsi, une exposition de 2 mois à un environnement enrichi induit une amélioration significative des capacités mnésiques accompagnée d’une augmentation de la différenciation neuronale chez la souris âgée (Kempermann et al., 1998). D’autre part, certains facteurs neurobiologiques sont également susceptibles de moduler ces processus de neurogenèse. En effet, le BDNF semble capable de stimuler la différenciation neuronale dans l’hippocampe de rats adultes (Scharfman et al., 2005). Or, au cours du vieillissement, il a été observé une diminution d’expression du BDNF concomitante à celle des récepteurs TrkB sur lesquels ces facteurs vont se fixer afin de contribuer à la transduction des signaux intracellulaires (Silhol et al., 2005). Enfin, une corrélation a été mise en évidence entre le niveau d’expression du BDNF et les performances mnésiques du sujet âgé (Schaaf et al., 2001).

Ces données suggèrent que des altérations de neurogenèse hippocampique pourraient contribuer à certains déficits cognitifs liés au vieillissement. C'est pourquoi, il est envisageable qu'une intervention via certains facteurs neurobiologiques impliqués dans les processus de neurogenèse, permettrait de compenser ces déficits.

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