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Notre thèse s'organise en trois parties.

La première est consacrée à l'angle du risque que constitue pour l'individu la prise en compte des données le concernant issues d'Internet et des réseaux sociaux numériques. Partie décomposée en considérant dans un premier temps la prise en compte de ces données en ligne dans l'évaluation des compétences, qui serait propre à discriminer et renforcer la personnalisation du recrutement, puis, dans un second, en analysant les formats de la visibilité sur ces dispositifs de réseaux sociaux numériques, notamment professionnels, et le type de valorisation des compétences qui en émergent. Dans un troisième temps, il est question de la régulation de ce risque pour l'individu en croisant les initiatives des pouvoirs publiques avec d'autres modes de régulation.

La seconde partie portant sur les prescriptions des acteurs de la e-réputation propose dans un premier temps une entrée dans le marché de la e-réputation touchant les individus au travers de différentes conceptions du service portées par les acteurs interrogés, l'enquête de terrain auprès de ces experts permet d'analyser leur style et représentations liées à leurs pratiques, qui sont à même de faire émerger dans leur application au recrutement ce que nous appelons une « convention de sympathie ». Dans un second temps, nous mettons au jour à travers les entretiens recueillis les conceptions, en train d'être formalisées pour leur évaluation, de la « bonne réputation » en ligne à l'heure du web social.

La troisième partie porte sur les usages de ces réseaux dans un but professionnel et de recrutement, de part et d'autre du marché du travail. Ceci par le biais dans un premier temps de l'exemple de jeunes étudiants en écoles de commerce, dont les présences en ligne et leurs stratégies de visibilité à l'approche de leur entrée sur le marché du travail sont analysées. Dans un second temps, à travers l'exemple de recruteurs issus de différentes configurations de recrutement (grande entreprise, cabinet spécialisé, recruteurs occasionnels), nous rendons compte d'usages des réseaux sociaux numériques dans leurs pratiques professionnelles de captation et évaluation de candidats.

Nous résumons maintenant le parcours que nous proposons au lecteur à travers l'organisation suivante.

4.1 Partie 1: Au risque de l'évaluation numérique85. Usages de la visibilité personnelle en ligne sur le marché professionnel et enjeux de régulations

4.1.1 Chapitre 1: La difficile évaluation de l'impact de la googlisation des candidats. Vers une personnalisation croissante du recrutement?

L'axe du risque, classique des théories de la privacy, mais également des études sur le recrutement (thème de la discrimination) justifie sa place en tout premier développement de ce travail de thèse: la question du danger des surveillances et de l'exposition non maîtrisée pour l'individu étant d'ailleurs le préambule à la majorité des articles, sujets de télévision et des opinions d'enquêtés sur le thème de la visibilité en ligne. La ressource d'une littérature grise de management RH, de sites de jobboards ou de blogueurs en e-réputation nous permet de décortiquer des sondages et études traitant de ces questions d'impact négatif de certaines traces numériques (sur la base du déclaratif des employeurs principalement). Cette étude des critères d'évaluation qui ressortent de telles études nous invitent à nous pencher sur ce qui constitue un grossissement par le biais de ces traces, d'une tendance déjà identifiée à la personnalisation des modes d'évaluation lors des recrutements, une caractéristique à même de renforcer la discrimination sur le marché du travail.

4.1.2 Chapitre 2. Formats et fonctionnalités du web social, effets d'évaluation et de sélection sur le marché du travail

Ce chapitre se base sur les méthodes de la sociologie de l'innovation, des sciences et des techniques, qui prônent l'entrée dans la boite noire des objets techniques dans le but d'en analyser les présupposés et les déterminants. Il s'intéresse aux formats de l'information telle qu'elle est véhiculée et classée sur Internet (à travers les moteurs de recherche et les sites eux-mêmes). La façon dont est hiérarchisée l'information au prisme du PageRank de Google, la prépondérance en référencement des grands géants du web (Facebook, LinkedIn...), uniformisant les identités numériques des internautes. Le design structuré de ces sites, le rôle actif des concepteurs dans les incitations à communiquer divers types de données personnelles, ne sont pas neutres et participent à la formalisation de nouvelles conventions de visibilité des compétences d'une part et de modes d'évaluations de l'autre.

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Formule qui fait référence à l'ouvrage de M-C. BUREAU, E. MARCHAL, (2005), Au risque de l'évaluation : la mise

4.1.3 Chapitre 3: Questions de droit(s). Régulation et établissement de normes sur la privacy et la relation de travail

Ce chapitre résulte d'une collection de cas - rejets de candidatures ou licenciements - de traces et d'activités numériques s'étant avérées préjudiciables à leurs auteurs, et leur issue judiciaire pour certains d'entre eux. La chronologie de l'enquête correspond à un accroissement des débats et des jugements en faveur d'une législation sur le droit des personnes et de la vie privée à l'heure numérique. Nous étudions alors les débats portant sur les différents types de régulations proposées pour renforcer la protection des internautes tels que le « droit à l'oubli numérique » au niveau européen, le caractère incomplet de ces mesures nécessitant la mise en pratique d'autres types de régulations, des « soft law » instaurées au sein de la profession des recruteurs, de la diffusion de mesures de prudence à l'égard des internautes et de la promotion des pratiques de privacy by design.

4.2 Partie 2. Entrée(s) dans le monde de la réputation numérique et du e-recrutement 4.2.1 Chapitre 4. Socio-économie des consultants en recrutement 2.0 et en e-réputation

Ce chapitre plonge dans un milieu professionnel émergé des problématiques propres à la visibilité en ligne, celui des consultants en e-réputation et en gestion de l'image numérique. Lors des débuts de l'enquête, nos premiers interlocuteurs ont été ceux que nous avions identifiés à l'occasion d'articles dans la presse. Des conceptions du service de e-réputation visant les personnes sont analysées en fonction de leur plus ou moins importante personnalisation. Par leur activité, ces professionnels participent à l'émergence de représentations fortement ancrées dans l'imaginaire d'Internet concernant entre autres la libre expression, la franchise et la sympathie, des caractéristiques qui se retrouvent tant dans leurs lieux de travail, leurs façon d'être et de s'exprimer, que dans le type d'évènements et conférences qu'ils organisent. Nous voyons de quelle façon cet esprit porté par l'usage de la technologie peut se diffuser dans les rapports de recrutement.

4.2.2 Chapitre 5. Prescriptions de « bonne réputation »

Ce chapitre rend compte des discours de ces professionnels experts de la visibilité en ligne et la façon dont cette normativité concernant la vision d'une « bonne » façon de se montrer par opposition de fait à une « mauvaise » dépasse le rôle d'intermédiation de la profession entre les deux versants du marché du travail en participant à créer de nouvelles normes et conventions en la matière. Ces préconisations participent à une responsabilisation de l'individu qui se voit contraint de prendre en charge, tout particulièrement dans un but professionnel, une série d'objectifs stratégiques concernant sa visibilité en ligne. L'importance affirmée de l'anticipation, de l'actualisation, de la

singularisation de son identité sur les différents supports du web social y est analysée, autant d'injonctions qui semblent ainsi dépendre des types d'activité exercés.

4.3 Partie 3. Usages du web social sur les deux versants du marché du travail: futurs candidats et recruteurs

4.3.1 Chapitre 6. Le web social et les étudiants, usages et représentations de la visibilité en ligne concernant l'insertion professionnelle

Nous investiguons ici les usages d'internautes en termes de choix et d'anticipations concernant leurs mises en visibilité sur Internet en rapport avec le travail, en ayant fait le choix d'une population d'étudiants en écoles de commerce. Le domaine professionnel est particulier ici, les emplois visés à la sortie des écoles de commerce (banque, conseil, communication, marketing, RH, etc.) Nous analysons alors les usages des réseaux sociaux numériques en notant leur fort investissement en termes de visibilité sur ces plateformes, contrastant avec des conceptions traditionnelles exprimées sur leurs manières de chercher du travail, qui est en lien avec leur capital social plus ou moins développé. L'importance prise par la mise en pratique de conseils concernant par exemple la visibilité de leurs réalisations sur Internet, permet d'interroger la diffusion, par le biais du web social, d'enjeux de mise en visibilité propres aux évaluations des compétences dans le domaine des professions artistiques.

4.3.2 Chapitre 7. Usages du web social par les recruteurs et critères d'évaluation

Sur l'autre versant du marché, nous étudions les recruteurs et leurs usages de ces données et de ces espaces de mise en visibilité de profils professionnels en ligne. Sujet sensible d'un point de vue juridique lorsqu'il s'agit des informations issues de la pratique du googling, les critères d'évaluation des professionnels du recrutement ne sont pas facilement accessibles à l'observation. Nous montrons que l'utilisation des réseaux sociaux numériques et un canal supplémentaire permettant certaines économies, bien que limité pour l'obtention de candidatures. L'enjeu de la communication et de l'image « jeune » véhiculée par leur utilisation pour l'entreprise apparaît quant à elle déterminante. Les pratiques d'utilisation dépendent alors de la structure d'où sont organisés les recrutements et des types de profils recherchés. Les critères formels et planifiés en vigueur au sein de la grande entreprise étudiée entraînent une utilisation centrée sur la collecte de profils « rares » sur ces réseaux, la nécessité de fournir des garanties au client entraîne une recherche extensive de conformité à des profils correspondants à leurs attentes présumées à travers les traces numériques des candidats au sein du cabinet de recrutement étudié. Pour les recruteurs occasionnels et non professionnels rencontrés, l'utilisation des informations issues de ces plateformes pour identifier et

sélectionner les candidats laisse entrevoir la diffusion de critères d'évaluation identifiées par les experts en e-réputation. L'insistance au sein de la profession demeure toutefois forte quant à la stabilité des méthodes traditionnelles d'évaluation des compétences.

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