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C - Le plan de mobilité : une obligation légale largement ignorée

Introduit par la loi relative à transition énergétique pour la croissance verte de 2015, le plan de mobilité des entreprises a été rendu obligatoire le 1er janvier 2018 pour les entreprises et les administrations regroupant plus de 100 salariés sur un même site inclus dans le périmètre d’un plan de déplacement urbain. Des entreprises voisines peuvent souscrire à cette obligation en établissant un plan de mobilité interentreprises. Dans tous les cas, ces plans de mobilité doivent être transmis à l’autorité organisatrice de la mobilité territorialement compétente.

Le projet de loi d'orientation des mobilités (LOM), voté par l'Assemblée nationale le 17 septembre dernier, prévoit un élargissement du champ de la mesure aux entreprises comportant des établissements de plus de 50 salariés ainsi que l'inscription du thème des mobilités dans le champ des négociations obligatoires au titre de la QVT. À défaut d'accord, le plan de mobilité devrait être décidé par l'employeur ou l'employeuse après consultation des comités sociaux et économiques.

L’objet des plans de mobilité est d’optimiser les déplacements liés à l’activité de l’entreprise, en particulier ceux du personnel, de manière à réduire les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques ainsi qu'à limiter la congestion des infrastructures et des moyens de transports. L'enjeu est donc important.

"Le plan de mobilité évalue l'offre de transport existante et projetée, analyse les déplacements entre le domicile et le travail et les déplacements professionnels, comprend un programme d'actions adapté à la situation de l'établissement, un plan de financement et un calendrier de réalisation des actions, et précise les modalités de son suivi et de ses mises à jour."

21 Audition de Guillaume Duval, ibid.

22 Avis du CESE, Climat énergie : la France doit se donner les moyens. Op.cit. pp. 50-51.

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"Le programme d'actions peut notamment comporter des mesures relatives à la promotion des moyens et usages de transports alternatifs à la voiture individuelle, à l'utilisation des transports en commun, au covoiturage et à l'auto-partage, à la marche et à l'usage du vélo, à l'organisation du travail, au télétravail et à la flexibilité des horaires, à la logistique et aux livraisons de marchandises."23

Dans un contexte de montée en charge du dispositif, une étude réalisée par l’ADEME à la fin de 2018, a montré que seuls 8 % des 17 348 établissements en principe concernés, les avaient mises en œuvre. Le défaut d'accompagnement de la mesure et le caractère peu contraignant de cette obligation légale peuvent expliquer cette lenteur24. Il convient d’ajouter que les autorités régulatrices des transports auprès desquelles les employeurs et employeuses doivent déposer leurs plans sont rarement en mesure d’assurer un suivi efficace de l’obligation et que les 68 conseillers et conseillères en mobilité déployés sur le territoire national dans des communautés d’agglomérations ou des chambres de commerce et d’industrie, ne suffisent pas pour démarcher et, le cas échéant, accompagner toutes les entreprises concernées. Ces conseillers et conseillères en mobilité, plutôt présents dans les agglomérations importantes, proposent gratuitement aux entreprises volontaires, un accompagnement méthodologique et technique et se consacrent en priorité à l’animation de plans interentreprises, en lien étroit avec les démarches mobilité et les plans de déplacements urbains (PDU) des collectivités qui les emploient25. Il semble que beaucoup d'entreprises et administrations soient encore dans l’ignorance de la réglementation les concernant alors que d’autres ne voient dans cette démarche qu’une contrainte imposée, ce qui les conduit parfois à s’en remettre à des bureaux d’études peu scrupuleux qui proposent, à des coûts importants, des plans de mobilité

« clés en main » dépourvus de véritable contenu26.

Certaines entreprises, encore peu nombreuses, conscientes de leur responsabilité sociétale comme de leur intérêt économique, s'engagent dans des démarches prenant mieux en compte les conditions de transport et leurs effets sur la qualité de vie, les ambiances de travail et in fine, la productivité. Elles se sont impliquées dans l'aménagement des déplacements de leurs salariés avant même que l’élaboration du plan de mobilité ne devienne obligatoire. En outre, dans une démarche de promotion de leur responsabilité sociétale et environnementale, les entreprises et les organisations peuvent mesurer leur empreinte carbone en y

23 Article L. 1214-8-2 I du code des transports.

24 La seule sanction prévue par la loi est la privation du soutien technique et financier de l’ADEME, dont beaucoup d’employeurs et employeuses ignorent jusqu’à l’existence.

25 La notion de « conseil en mobilité » a été introduite par la loi SRU du 13 décembre 2000. Ce texte prévoit que "l’autorité compétente pour l’organisation des transports publics dans les périmètres de transports urbains inclus dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants […] met en place un conseil en mobilité à l’intention des employeurs et des gestionnaires d’activités générant des flux de déplacements importants".

Cette disposition a été introduite dans le dispositif légal pour favoriser les pratiques durables de mobilité et accompagner les prescriptions des plans de déplacements urbains (PDU).

26 Entretien des rapporteurs avec Andrea Zorrilla, animatrice du réseau co action et des plans de mobilité à la CCI Versailles-Yvelines, 25 juin 2019 ; entretien avec Emilie Dubois, chargée de mission à la direction des transports de la région Ile-de-France et Emilie Lepicard, cheffe de projet plan de mobilité inter employeurs et mobilités de l’agglomération de Cergy-Pontoise, 3 juillet 2019.

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intégrant les déplacements des travailleurs et travailleuses et le cas échéant, en valorisant leurs efforts dans leur bilan RSE.

Elles ont aussi pris en considération le fait que des difficultés d’accès au lieu de travail pouvaient nuire à leur attractivité et conduire des personnes à refuser des offres d’emploi. L’élaboration d’un plan de mobilité semble apporter des résultats d’autant plus efficaces qu’elle s’inscrit dans une synergie entre différents acteurs locaux de la mobilité. Les exemples les plus probants sont souvent des plans de déplacement inter-établissements organisés dans une logique de site et en articulation avec les projets des agglomérations et des autorités organisatrices de la mobilité.

Encadré 1 : trois exemples de démarches volontaires d’entreprises L’association Bourget Pro’Mobilité est à l’origine d’un plan de mobilité interentreprises lancé en 2013 et regroupant aujourd’hui l’aéroport du Bourget, la société Manutan, le musée de l’air et de l’Espace, Dassault Falcon Airlines, le groupe ADP et Airbus Helicopters.

L’association est engagée depuis 2015, dans un travail commun avec Ile-de-France Mobilités, pour améliorer le maillage du territoire par les transports en commun. Elle a aussi mis en place depuis 2016, à titre expérimental, une desserte des entreprises par des bus électriques, dispositif dont le bilan fait ressortir tant les effets positifs pour les usagers et usagères et l’environnement que le coût élevé pour les entreprises.

L’établissement de la société L’Oréal, installé depuis 2016 à Saint-Ouen (93), en milieu urbain dense, compte 2 200 salariés sur 60 000 m2. Dans le cadre d’un plan de mobilité, il a d’emblée chercher à promouvoir les solutions de déplacement autre que la voiture individuelle. Il a investi dans l’accueil des cyclistes, mettant à leur disposition les installations nécessaires (parking, vestiaires, douches) et créé une indemnité kilométrique vélo cumulable avec le remboursement de l’abonnement aux transports en commun. Cette dimension du plan de mobilité de l’entreprise accompagne le déploiement de pistes cyclables par la collectivité. L’établissement a également mis en place un service d’auto-partage confié à une société prestataire qui a déployé une flotte de 10 véhicules électriques et hybrides.

Le plan de déplacement inter-établissements de la presqu’île du campus Giant à Grenoble réunit, depuis 2014, 16 établissements industriels et de services dont l’université de Grenoble. Confrontés aux difficultés d’accessibilité croissante de la zone qui compte

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16 000 personnes qui y vivent et y travaillent, ils se sont fixés l’objectif de réduire la part modale de la voiture individuelle. L’association "PDIE Grenoble Presqu’Ile/Giant" regroupe 15 plans de déplacements d’entreprise et gère une trentaine de mesures communes visant à développer les modes de déplacement alternatifs à la voiture individuelle, en particulier par la promotion du covoiturage avec un site web commun, la coordination des référentes et référents de chaque établissement, l’organisation de journées mobilité durable en partenariat avec l’ADEME.

II - LES CARACTERISTIQUES DE LA