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LES MOBILITES DU TRAVAIL : UN ENJEU DE LA TRANSITION ECOLOGIQUE

INTRODUCTION

Le changement climatique ainsi que les risques majeurs et immédiats qu'il fait courir aux sociétés humaines, questionne fortement la tendance générale à l'accroissement des mobilités en relation avec le travail et l'emploi. De fortes attentes en matière de qualité de vie au travail appellent aussi une meilleure gestion de ces mobilités. Ce sont en effet les activités professionnelles des femmes et des hommes qui génèrent la plus grande part de déplacements quotidiens. Or une part très majoritaire de ces déplacements s'effectue en voiture individuelle, mode de transport le plus émetteur des gaz à effet de serre (GES).

Le dernier rapport publié par le GIEC en octobre 2018 a mis en évidence l'impact déjà très sévère d'un réchauffement global limité à 1,5° à la fin du siècle. Il souligne également la dérive en cours par rapport à cet objectif, en raison de l'insuffisance des actions mises en œuvre dans chaque pays. Tenant compte de ce constat, le CESE a réaffirmé dans sa résolution du 31 octobre 2018, son engagement pour la transition écologique vers une économie bas carbone juste et solidaire7.

La réflexion conduite dans cet avis envisage les voies et moyens que le monde du travail doit mettre en œuvre pour réduire le volume des mobilités nocives à l'environnement et à la qualité de vie au travail. Le CESE a identifié des leviers qui, dans le monde du travail, pourraient permettre de modifier les comportements et les organisations afin d'améliorer la qualité de vie et lutter contre le changement climatique.

L’urgence de ces objectifs implique une transformation des organisations et des pratiques, en particulier celles du travail. Les mobilités quotidiennes intensives sont au cœur du compromis entre les exigences du monde professionnel et le désir d’ancrage, propre à la vie familiale et personnelle8. L’objectif d’une mobilité généralisée" qui a caractérisé la modernité du XXème et de ce début de XXIème siècles se trouve actuellement remis en cause.

7 Résolution du CESE suite à la publication du rapport du GIEC, 31 octobre 2018.

8 Stéphanie Vincent-Geslin et Jean-Yves Authier, Les mobilités quotidiennes comme objet sociologique, Cahiers de recherche sociologique, n° 59-60, 2015-2016, p. 90.

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Les questions de mobilités doivent être reliées à la modification radicale de notre rapport à l'espace et au temps depuis le milieu du XXème siècle, sous l’effet de moyens de transports plus rapides, du développement des systèmes de communication à distance et d’une interdépendance accrue des marchés associée au mouvement accéléré des capitaux. Dans ce contexte, la mobilité géographique a été présentée comme un élément incontournable d’adaptation aux attentes du marché du travail, malgré ses effets négatifs sur l’environnement, le travail, les inégalités sociales et territoriales. L’émergence récente du terme de mobilité, qui tend à se substituer à celui de transport, accompagne cette évolution9.

L'enjeu d'une réduction des émissions de GES et celui d'une amélioration de la qualité de vie liée au travail se rejoignent. Les politiques incitant à la mobilité professionnelle trouvent leur limite dès lors qu'elles ne peuvent concerner de la même manière tous les actifs et toutes les actives et qu'elles contribuent à l'augmentation des GES.

La capacité des personnes, qu'elles soient ou non en emploi, à répondre à l’injonction d’une mobilité généralisée, est une question complexe car le sens et les conséquences de la mobilité varient beaucoup selon la position sociale, la profession et le genre10. Les distances à parcourir et les durées pour se rendre au travail ne sont pas également soutenables pour toutes les catégories d'actifs et d'actives. De plus, les facteurs sociologiques liés à l'âge, à la qualification, au patrimoine, aux responsabilités de la vie parentale et familiale, au coût du logement, peuvent aussi expliquer la non-mobilité résidentielle11. Les évolutions observées liées à ces facteurs montrent que les mobilités contraintes se sont accrues au cours des dernières décennies.

Toutefois, l'intégration des objectifs de transition écologique et de la qualité de vie au travail dans l'organisation des mobilités professionnelles, suppose que les collectivités publiques et les acteurs et actrices du monde du travail s'approprient ces enjeux, dont les dimensions leur étaient jusque-là inconnues. C'est pourquoi les futures autorités organisatrices de mobilité (AOM) devraient être mises en pleine capacité de développer une offre de services de mobilité propres, adaptés aux besoins des territoires, que ce soit dans les zones denses ou dans les zones rurales.

Dans les entreprises et les administrations, la prise de conscience d'un enjeu lié à une meilleure organisation des mobilités professionnelles, dans un objectif de transition écologique, doit encore progresser.

Par cet avis, le CESE entend compléter les préconisations qu'il a récemment formulées12 en vue de "faciliter des mobilités choisies et de limiter les mobilités contraintes", notamment celles imposées aux personnes qui n’ont pas d’autres solutions que d’utiliser quotidiennement leur véhicule en solo, en particulier dans les

9 Ibid, pp.79-97.

10 Audition d'Éric Le Breton devant la section du travail et de l’emploi, 11 juillet 2019.

11 Le sociologue Jean-Noël Retière a développé la notion de « capital d’autochtonie » par opposition au capital de mobilité, in Capital d’autochtonie dans Ilaria Casillo (dir.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation, Paris, 2013.

12 Fractures et transitions : réconcilier la France, avis du CESE, 2019.

Rapport

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zones peu denses. Ces propositions entendent tenir compte des urgences écologiques et sociales.

Ce rapport constate que les mesures prises dans le champ des mobilités pour relever le défi de la transition écologique sont encore insuffisantes (I). Une politique volontariste est nécessaire pour agir sur les déplacements liés aux activités professionnelles dont les déterminants présentent certaines rigidités (II). Le CESE observe néanmoins les premiers développements de mobilités respectueuses de l'environnement et de la qualité de vie des actifs et des actives (III).

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I - DES MESURES ENCORE INSUFFISANTES