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Comme tous les cancers, le MPM résulte d’une perturbation de l'homéostasie cellulaire aboutissant à l’immortalisation et une prolifération incontrôlée, une dé-différenciation et l’acquisition d’un potentiel invasif par les cellules mésothéliales.

La carcinogenèse pleurale est un processus multi-étapes qui requière de nombreux changements génétiques avant que la transformation néoplasique ne soit complète et irréversible. A ce jour, les mécanismes exacts de la carcinogenèse induits par l'amiante ne sont pas encore établis avec précision. Les recherches des caractéristiques carcinologiques du MPM étant confrontées à certaines difficultés, dont l’absence de lésion précancéreuse clairement identifiée, si ce n'est des lésions d'hyperplasie mésothéliale bénignes parfois observées sur des biopsies de sujets exposés à l'amiante avec pleurésie bénigne récidivante, et surtout un temps de latence extrêmement long entre exposition à l’amiante et la survenue de la tumeur. Néanmoins, il est établi que les fibres inhalées migrent des alvéoles périphériques jusqu'à la cavité pleurale virtuelle, soit passivement soit après phagocytose par des macrophages, incapables de dégrader ces fibres et qui pour une raison non comprise actuellement, ne pourraient être éliminées ou drainées dans la circulation lymphatique. L’exposition continue à l’amiante à ce niveau entraînerait une réaction inflammatoire chronique, avec production chronique de ROS (Reactive Oxygen Species) induisant des mutations de l'ADN ou des altérations épigénétiques responsable d'une croissance incontrôlée, d'une résistance à l'apoptose et donc de la survenue d'un MPM (Dianzani et al., 2006; Kumar- Singh et al., 1999; Lee et al., 2007) (Figure 8).

Récemment, l'instillation de longues fibres d'amiante (ou de longs nanotubes de carbone) dans la cavité pleurale de souris non immunodéprimées sur de longues périodes de temps (jusqu'à 6 mois ou 1 an) a permis de reconstituer expérimentalement les étapes morphologiques et moléculaires aboutissant à la formation d'un mésothéliome en tous points semblables à ceux

Figure 9 : Activation de voies de signalisation intracellulaires par interactions directes de l'amiante au récepteur de l’EGF ou aux intégrines.

La fixation des fibres d'amiante à l’EGFR et/ou aux intégrines active des voies de signalisation cellulaires, qui régulent l'expression de gènes et le devenir de la cellule conduisant à la transformation cellulaire, à la survie et à la prolifération des cellules cancéreuses, à l'angiogenèse et à l'invasion. L'interaction directe avec le récepteur à EGF active la voie Ras-Raf et les ERK (Extracellular signal- regulated kinase), qui contrôlent l'expression et l’activité transcriptionnelle des membres de la famille Fos de la protéine activatrice-1 (AP-1). L'activation de la PI3K/AKT favorise la survie cellulaire par NF-kB. (d’après Benedetti et al., 2015)

Invasion cellulaire Intégrines

Fibres d’amiante

Intégrines

Angiogenèse

Dommage à l’ADN

Survie cellulaire

Prolifération

cellulaire

Transformation

des cellulaire

observés chez l'homme, avec l'apparition de lésions inflammatoires chroniques, riches en lymphocytes T et fibroblastes (Chernova et al., 2017). A 6 mois post-injection apparaissaient des lésions d'hyperplasie mésothéliale avec une augmentation du marquage Ki67, cependant l'ADN de ces cellules était enrichi en 8-OH-2'-deoxyguanosine (8-OH-dG), un marqueur de stress oxydatif bien connu. Sur 32 souris exposées à l'amiante (25 à 50 g) dans cet article, 3 ont développé un mésothéliome 18 à 20 mois post-injection (Chernova et al., 2017).

L’hypothèse privilégiée pour expliquer les mécanismes par lesquels l’amiante induit le MPM est donc une action indirecte des fibres d’amiante provoquant une inflammation chronique de la plèvre pariétale recrutant des phagocytes (Lee et al., 2007) (Figure 8). La phagocytose incomplète des fibres par les macrophages génèrerait des ROS et de l’azote mutagènes qui entretiendraient l’inflammation et altèreraient la molécule d’ADN des cellules mésothéliales, avec l’apparition d’aberrations chromosomiques et une altération des mécanismes de réparation de l’ADN (Carbone et al., 2012; Dianzani et al., 2006). En réponse à l’inflammation, les cellules mésothéliales sécrèteraient de nombreuses cytokines et facteurs de croissance stimulant une néo-angiogenèse et la prolifération cellulaire pouvant rendre compte de la croissance et dissémination des cellules tumorales. La sécrétion de TNFα (Tumor necrosis factor α) aboutit à l’activation de la voie NFκB (Nuclear factor-kappa B) qui joue un rôle dans la prolifération cellulaire et la résistance à l’apoptose, augmentant ainsi le nombre de cellules mésothéliales qui survivent à l’exposition à l’amiante (Benedetti et al., 2015). La sécrétion d'IL6 (Interleukine 6) a aussi été rapportée récemment (Chernova et al., 2017).

Une action directe de l’amiante par des interactions physiques avec l’ADN reste discutée mais il semble que les fibres d’amiante puissent provoquer directement des cassures et des lésions de l’ADN responsables de délétions et surtout d’une mauvaise dysjonction des chromosomes pendant la mitose, ce qui et entraînerait à terme des anomalies chromosomiques structurales et numériques (Huang et al., 2011; Lee et al., 2007).

En plus de leur action sur l’ADN des cellules mésothéliales, les fibres d’amiante activeraient plusieurs voies de signalisation (STAT3, MAPK, PI3K/AKT/mTOR) intervenant dans la survie des cellules mésothéliales en aval de récepteurs tyrosine kinase tel que le récepteur à l'EGF, à l’HGF, ou en aval des intégrines (Figure 9). Des modifications épigénétiques précoces sont aussi décrites telles que la phosphorylation des histones H3 (Chernova et al., 2017).

Figure 10 : Les longues fibres de nanotube de carbone entraînent un mésothéliome à l’instar des longues fibres d'amiante car altèrent l’expression du gène suppresseur de tumeur CDKN2A (Ink4a/Arf).

Représentation schématique de la séquence des événements dans les plèvres d'animaux exposés aux longues fibres d’amiante ou aux longues fibres de nanotube de carbone montrant une similitude dans la progression de la maladie induite par ces deux types de fibres longues qui reproduit le développement du mésothéliome chez l'homme (Chernova et al., 2017).

Longs nanotubes de carbone

Longues fibres

d’amiante

Cdnk2a (p16Ink4A/p19Arf) HYPERMETHYLATION

RETENTION DES FIBRES & INFLAMATION SIGNALISATION PRO-ONCOGÉNIQUE LÉSION OXYDATIVE DE L’ ADN LE SION S IN FL A M M A TOIRE S DELETION ALLELIC DE p19Arf SILENCE TRANSCRIPTIONNEL PERTE DES SUPPRESEURS DE TUMEURS p16 & p19

ME

SO

THELIOME

Les altérations génétiques récurrentes du MPM