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5 Discussion

5.4 Stratégie thérapeutique des cystites

5.4.4 Place de la nitrofurantoïne

La nitrofurantoïne est utilisée depuis plus de 30 ans dans le traitement des IU, avec des taux de résistance des entérobactéries qui restent faibles et parfaitement stables dans le temps (41, 49, 52, 53, 54, 55, 56, 66). Les taux urinaires d’antibiotiques sont élevés et l’impact sur le microbiote intestinal est décrit comme faible (193). La nitrofurantoïne est efficace sur de nombreux bacilles à gram négatif et sur S. saprophyticus. Les genres Proteus, Morganella et Providencia sont naturellement résistants. Une activité sur les infections à germes multi- résistants a été décrite (47, 194). La nitrofurantoïne doit, selon certains auteurs, rester un traitement de choix dans les CS (195, 196).

L’efficacité a été montré avec un traitement de 7 jours, voire de 5 jours, tandis que des traitements de 3 jours ont été montré insuffisants (197). Une méta-analyse en 2015 retrouvait une efficacité clinique et microbiologique dans les IU évaluée entre 79 et 92%, comparable au cotrimoxazole, à la ciprofloxacine et à l’amoxicilline (198). Cette même étude montrait une efficacité moindre avec un traitement de 3 jours.

Son principal inconvénient réside dans la gravité potentielle de ses effets indésirables. En France, en 2014, la HAS (Haute Autorité de Santé), suite à une enquête de pharmacovigilance de 2005, a restreint l’AMM et modifié les conditions de prescriptions du médicament (199). Le rapport bénéfice / risque reste favorable dans le traitement curatif documenté due à des germes sensibles chez la femme adulte en l’absence de traitement alternatif présentant un rapport bénéfice / risque meilleur (199). L’utilisation est possible en probabiliste selon l’état de la patiente (nécessité d’instaurer un traitement en urgence) et ses antécédents. La nitrofurantoïne ne doit par ailleurs plus être proposée en traitement prophylactique ou en cures répétées en raison du risque immuno-allergique potentiel. L’intérêt de la nitrofurantoïne est maintenu en raison de son activité sur la plupart des uropathogènes y compris les EBLSE. Dans la littérature, la contre-indication est la clairance inférieure à 40 ml/min. En France, la HAS a restreint l’usage chez les patients ayant une clairance supérieure à 60 ml/min (199). Certaines études ont cependant montré une efficacité et une sureté d’emploi chez les patients insuffisants rénaux avec clairance comprise entre 30 et 60 ml/min (200).

En dehors des nausées et vomissements sans gravité, des atteintes hépatiques (201) et pulmonaires (202) sévères ont été décrites avec un mécanisme possiblement immuno- allergique. Plusieurs cas cliniques d’atteintes pulmonaires aigues en lien avec la nitrofurantoïne ont ainsi été publiés (203) dont certains fatals (204), survenant notamment chez la personne âgée ou en cas de traitement prolongé (205). Cette toxicité pulmonaire est décrite comme réversible sous réserve qu’elle soit reconnue précocement et que le traitement par nitrofurantoïne soit arrêté (205, 206). Des atteintes hépatiques ont également été décrites. Un cas clinique d’hépatite avec une étiologie auto-immune (anticorps anti-nucléaires et anti- muscles lisses positifs) chez une patiente âgée et traitée par nitrofurantoïne au long cours a aussi été décrit (207). L’évolution était décrite comme favorable avec l’arrêt du traitement incriminé, et avec un traitement par corticothérapie et azathioprine. D’autres atteintes hépatiques ont été décrites : réaction granulomateuse, cholestase, hépatite auto-immune, hépatite chronique pouvant conduire à une cirrhose ou au décès (208).

A côté de ces cas cliniques isolés, les méta-analyses sur les effets indésirables de la nitrofurantoïne sont plutôt rassurantes. Une revue américaine, en 2017, a ainsi étudié 3 400 sujets de plus de 65 ans traités par nitrofurantoïne sur une période de 5 ans (209). Il était retrouvé un effet indésirable mineur chez 7% des sujets, 3,9% remplissant les critères d’effets en lien avec la nitrofurantoïne. Parmi ces patients, cinq avaient une forte suspicion de toxicité de la nitrofurantoïne : quatre une toxicité pulmonaire et un une toxicité hépatique. L’utilisation

de la nitrofurantoïne était chronique pour quatre patients sur les cinq. Une autre méta-analyse des effets indésirables pour des traitements de moins de 15 jours de nitrofurantoïne avait inclus 4 807 patients (198). La toxicité était évaluée entre 5 et 16%, peu sévère, réversible à l’arrêt du traitement, principalement gastro-intestinale. Les réactions pulmonaires et hépatiques n’avaient pas été observées dans cette étude. Enfin, une cohorte rétrospective de 13 421 patients a montré que seule l’exposition prolongée à un traitement par furanes augmentait le risque d’atteinte pulmonaire (202). Les autres facteurs de risque de toxicité décrits étaient le sexe féminin, l’âge avancé et la diminution de la fonction rénale (208, 210).

5.4.4.2 Place dans les recommandations actuelles en France et à l’étranger En France, la nitrofurantoïne n’est pas recommandée dans le traitement des CS, elle trouve sa place en première intention dans la stratégie probabiliste des CC et en troisième intention en traitement documenté (4). Elle n’est plus recommandée en traitement préventif des IU récidivantes (199). Le schéma proposé est de 150 à 300 mg (3 à 6 gélules) par jour, en 3 prises, pendant 5 jours dans les CS et pendant 7 jours dans les CC (3).

A l’étranger, la nitrofurantoïne est proposée en première intention dans la prise en charge des CS en Norvège (165), aux Pays-Bas (166), au Royaume-Uni (183), en Suède (167) et aux Etats- Unis (29). En Espagne, la nitrofurantoïne est utilisée pour le traitement des CS (5 à 7 jours) et suggérée dans le traitement des CC avec une durée plus longue (plus de 7 jours) (10). Au Royaume-Uni et au Canada, il est décrit une place de la nitrofurantoïne dans la prise en charge des CC (23, 115).

5.4.4.3 Données de la présente étude

L’étude ici présentée a retrouvé des taux de résistance inférieurs à 5% pour tous les groupes de patients, hormis 6,6% pour les patients multi-inclus. Les données d’efficacité et les taux de résistance autoriseraient donc un usage probabiliste de la nitrofurantoïne. Cependant, les données de sécurité d’emploi doivent conduire à rester prudent, mais les études semblent plutôt rassurantes pour les traitements courts. Ainsi, la nitrofurantoïne semble devoir garder toute sa place dans l’arsenal thérapeutique probabiliste des CS et des CC, tout en limitant les durées de traitement et le nombre de cures et en restant prudent chez les patients âgés et insuffisants rénaux.