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E. LES FREINS DE LA LEGISLATION

4) La place de la personne de confiance dans les prises de décision

a) Responsabilité et compétence de la personne de confiance

En France, la personne de confiance a pour vocation l'accompagnement du patient tout au long de son parcours médical et sa représentation en cas d'incapacité à exprimer sa volonté. On assiste avec les dernières lois de bioéthiques à un glissement vers un consentement substitué comme dans les pays anglo-saxons. Cela amène plusieurs questions : celle de la concordance entre l'avis de la personne de confiance et celui du patient, celle de sa compétence pour faire des choix au nom d'autrui et la place à donner à l'avis de la personne de confiance par rapport à celle du médecin (32). Ces interrogations sont parfaitement exprimées par l'un des médecins de notre étude, qui s'inquiète du poids de la responsabilité reposant sur la personne désignée, sur les motivations qui sous-tendent ses choix et sur la remise en question des choix du médecin en matière de soins.

La responsabilité de la personne de confiance dans les prises de décision est, dans la plupart des situations définies par la loi, limitée à celle d'un avis consultatif. C'est le médecin qui choisit au final. Cependant l'avis de la personne de confiance est parfois déterminant pour s'orienter vers un choix ou un autre. Avoir une part de responsabilité dans ce contexte où l'issue des décisions difficiles est souvent le décès du patient peut-être source de culpabilité (29) (32).

L'évaluation de la concordance des choix a donné lieu à de nombreuses études, surtout anglo-saxonnes. Une étude française de 2008 a cherché à "tester les personnes de confiance dans l'hypothèse où elles seraient interrogées à propos d'un prélèvement d'organes en vue d'un don", en incluant 125 couples personne de confiance/patient dont le pronostic vital n'était pas engagé à cours terme, au CHU d'Amiens. Seulement un tiers des patients avaient déjà discuté de ce sujet avec leur personne de confiance. Les personnes de confiance apportaient un témoignage qui n'était pas concordant avec la position du patient dans 40% des cas (83). Il

faut bien sûr noter que notre étude n’aborde pas la problématique des dons d’organe mais cela nous donne un aperçu sur les avis partagés du patient et de la personne de confiance. Rappelons qu'actuellement la loi ne prévoit pas la consultation de la personne de confiance pour le consentement au don d'organe.

Certains auteurs soulignent la difficulté de rester objectif sur les choix présumés d'un proche, tout particulièrement dans des situations mettant en jeu énormément d'émotions. L'un d'eux s'interroge : peut-on dans ces conditions avoir toutes les facultés pour rapporter les volontés d'un patient et quel sera le retentissement psychologique si la personne de confiance donne seule son avis (77) ? André Quétil, médecin généraliste dans l'Essonne, intervenant au Centre d'Ethique Clinique de l'Hôpital Cochin (2007), pense qu'il est compliqué pour un malade en fin de vie et son aidant naturel d'avoir "la même lecture de la situation", qu'il existe nécessairement un temps de maturation psychique des différentes personnes impliquées pouvant être différent. Il fait aussi l'analogie d'être "juge et partie" pour un proche qui doit donner son avis mais qui a aussi sa propre représentation de la situation, ses propres limites et ses propres angoisses.

Enfin, le vécu de la maladie peut modifier radicalement les priorités d'un patient et rendre caduque une opinion préalablement émise.

Denis Bertiaux du centre de recherches en droit médical à Malakoff s'interroge lui sur l'ambigüité du rôle de la personne de confiance dans la loi. Pour lui cela peut laisser la possibilité de s'écarter de la philosophie de la loi en considérant en fonction de ce qui arrange le médecin que la personne de confiance émet soit un avis qui lui est propre, soit qu'elle représente fidèlement la volonté du patient. Pour le patient, il suggère que cela peut être source d'inquiétude : celui souhaitant un représentant fidèle peut être déçu, alors que le patient craintif peut avoir peur des dérives, surtout depuis que la loi introduit des fonctions décisionnelles à la personne de confiance. Il emploi les termes "d'insécurité juridique" (84).

De nombreuses interrogations émanent de la place floue accordée par la loi à l'avis de la personne de confiance. Cet avis à la base "consultatif" peut finalement prendre une importance différente en fonction des situations, des personnes concernées et du point de vue de chacun. La place accordée à la personne de confiance serait bien évidemment autre, si celle-ci avait un réel pouvoir décisionnel, comme dans les pays anglo-saxons par exemple.

b) Remettre en cause la légitimité de l'entourage

Pour certains médecins de notre étude, demander au patient de choisir une personne de confiance reviendrait à remettre en cause la légitimité des accompagnants habituellement présents. Aude Charbonnel, juriste, émet une opinion similaire. Pour elle, le terme confiance est difficile à définir pour le patient, et faire le choix d'une personne de confiance reviendrait à dire que le reste de l'entourage n'est pas digne de confiance. Elle invite à réfléchir sur la pertinence du vocabulaire employé dans la loi française et plébiscite l'appellation suisse de "représentant thérapeutique" (74).