• Aucun résultat trouvé

f < fEuler : r´eversible (stable) f > fEuler : irr´eversible (instable → stable)

Fig. 3.1 – Instabilit´e d’Euler, ou flambage d’une fine barre ´elastique sous l’effet d’une compression longitudinale. Les extr´emit´es de la barre sont mont´ees sur pivots, donc libres. La situation est ainsi analogue `a la recherche des orientations initiale et finale minimisant l’´energie ´elastique du WLC (point col, § 2.2). L’effet d’une perturbation de la barre diff`ere selon que la compression exc`ede ou non la force critique fEuler = Aβ πL

2

.

3.4

Bien d’autres pistes

Nous avons esquiss´e les principes de quatre m´ethodes d’approximation au mod`ele du WLC. Ce sont toutes des d´eveloppements perturbatifs aux r´egimes de grande et faible longueurs (§§ 3.1 ,3.2 et §§ 3.3, 2.4 respectivement). La vari´et´e d’angle sous lequel le probl`eme est abord´e produit toutefois des expressions de forme, et de domaine de validit´e divers. Malgr´e leurs imperfections respectives elles ont rencontr´ees une certaine popularit´e ces dix derni`eres ann´ees aupr`es des scientifiques s’int´eressant aux propri´et´es ´elastiques de l’ADN. Si un physicien d´ecide de travailler sur ce sujet, ce n’est toutefois pas quatre mais une collection impressionnante de m´ethodes qu’il doit s’attendre `a trouver dans la litt´erature. Cette richesse ne rend pas toujours intuitif leurs comparaisons, et c’est pourquoi le choix de « la » m´ethode la plus pertinente11 n’est pas toujours ´evident. Tou-

tefois, pour ne pas donner une vue trop partielle du probl`eme nous ´enum´erons ci-dessous quelques unes de ces alternatives, toutes aussi respectables que les quatre pr´ec´edentes.

Ainsi, nous pouvons penser reconstruire la distribution en extension r du WLC `a partir de ses moments hr2ni. Par d´efinition, la fonction caract´eristique s’ex-

3.4 Bien d’autres pistes 44

prime alors comme une s´erie sur ces moments, dont la transform´ee de Fou- rier (inverse) redonne la distribution initiale. Nous pouvons exprimer exacte- ment les premiers moments (§ 2.1) mais les ordres sup´erieurs ne sont acces- sibles que par r´ecurrence, comme d´eveloppements en puissances de la longueur

r´eduite L/A [HU52, Yam73, YF74, NMF78]. La limite r . L A montre alors

la non pertinence du d´eveloppement dans ces conditions. Autrement, la forme du hamiltonien du rotateur rigide sous champ (§ 2.1) sugg`ere le traitement du terme de « force » complexe fixant la distance bout `a bout, comme perturbation au mo- ment cin´etique du rotateur [Mes95, Sch68, Sak94]. En 2002, Stepanow et Sch¨utz ont explor´e cette voie [SS02b, Ste03, Ste05] au moyen de la m´ethode de la r´esolvante, r´eutilis´ee depuis par Spakowitz et Wang (2004) [SW04, SW05, Spa04]. Un an plus tard, Hamprecht et Kleinert ont publi´e une relation de r´ecurrence exacte entre les ordres successifs de perturbation, pour les vecteurs et ´energies propres du hamiltonien [Kle04, HK05, HJK04]. En identifiant les moments ainsi obtenus avec ceux d’une distribution S(r; L) ad hoc ils d´eterminent les pa- ram`etres de cette derni`ere, permettant alors un accord quantitatif sur une large ´echelle de longueurs.

En 2003, Marucho et Carri [MC03b, MC03a] ont propos´e une fonction carac- t´eristique d´ecrivant exactement les deux r´egimes limites ´elastique/entropique et v´erifiant la contrainte d’inextensibilit´e exacte. Le comportement aux longueurs interm´ediaires est alors ajust´e au moyen du moment hr2i exact, puis jug´e a

posteriori en consid´erant par exemple la distribution en extension r. L’expres- sion propos´ee est en fait obtenue par approximations successives de la fonction caract´eristique du WLC. Sa transform´ee de Fourier est r´e´ecrite comme une trans- form´ee de Borel g´en´eralis´ee, que les auteurs ont employ´e lors de leurs travaux ant´erieurs. Bien que peu intuitif, le raisonnement ne pr´esente pas de difficult´es majeures. Il en revanche assez calculatoire : il utilise un calcul variationnel men´e sur une « ansatz », divers d´eveloppements limit´es permettant d’exprimer les int´egrales n´ecessaires comme fonctions sp´eciales12 et la transform´ee de Borel.

Les auteurs ont synth´etis´e leur r´esultat en termes plus g´en´eraux d’une fonc- tion g´en´eratrice, mais cela reste tr`es formel [CM04, Car04]. C’est aussi le cas de la g´en´eralisation du d´eveloppement de Wilhelm et Frey, propos´ee en 2005 par Kleinert et Chervyakov [KC05] au moyen de d´eveloppements diagramma- tiques, n’apportant que peu d’am´elioration selon les auteurs eux-mˆemes.

Citant Marucho et Carri, le lecteur peut `a ce niveau se demander pourquoi il a besoin d’autant de m´ethodes d’approximation pour r´esoudre un seul mod`ele. Ne peut-on pas utiliser la mˆeme m´ethode pour ´etudier toutes les propri´et´es du WLC, compl´et´ee par un d´eveloppement perturbatif syst´ematique ? La r´eponse est malheureusement n´egative pour le moment. Peut-ˆetre doit on alors changer

12C’est l’occasion pour le lecteur de r´eviser ses fonctions : de Bessel, gamma, hy-

3.4 Bien d’autres pistes 45

de mod`ele. . . Si le WLC d´ecrit un comportement ´elastique de l’ADN en accord avec les nombreuses exp´eriences de mol´ecule unique mont´ees ces dix derni`eres ann´ees, il n’a pas a priori de justification microscopique. Depuis 1989, Kholo- denko a ainsi fait la promotion de la chaˆıne de Dirac [Kho93, KV94, KBAG98]. Ce mod`ele d’´elasticit´e de l’ADN n’est pas plus justifiable microscopiquement. Il se r´esout toutefois de mani`ere exacte et montre un bon accord quantitatif avec la fonction caract´eristique du WLC (simulations) et de l’ADN (exp´eriences). Si nous continuons la recherche d’un mod`ele r´esoluble, nous devons faire attention `a ce que ce dernier s’accorde avec le WLC quelque soit sa longueur. Le groupe de renormalisation nous rappelle en effet que les mod`eles appartenant `a la classe d’universalit´e du WLC, s’ils pr´esentent le mˆeme comportement aux grandes lon- gueurs peuvent totalement diff´erer aux faibles longueurs [WN05].13

Pour conclure, il existe d’autres travaux proposant des expressions de la distribu- tion en distance bout `a bout ou du facteur de cyclisation, valables sur des ´echelles de longueurs couvrant plusieurs des approximations pr´ec´edemment cit´ees. Ce sont en fait des combinaisons de ces derni`eres n´ecessitant le plus souvent l’ajuste- ment d’un ou plusieurs param`etres. De ce fait nous ne d´ecrivons pas ces derni`eres dans ce travail.14Citons toutefois la formule propos´ee en 1999 par Ringrose, Cha-

banis, Angrand, Woodroofe et Stewart [RCA+99] pour le facteur de cyclisation.

Il s’agit d’une unique expression analytique visant `a l’interpolation des r´esultats du polym`ere gaussien d’une part (§ 2.3), et de Shimada et Yamakawa15 d’autre

part (§ 2.4). Elle ne d´epend d’aucun param`etre ajustable dans sa formulation initiale. En 2001, Rippe [Rip01, DRDK02, SLR00] en proposa sa g´en´eralisation non pas `a la distribution en distance bout `a bout mais `a une quantit´e analogue, importante pour la suite de ce travail (§§ 4.3 et 5.4) et par ailleurs d´ej`a introduite pour le polym`ere gaussien en fin de section 2.3

Prob(r; L)/  4 3π r 3  = Jgauss(L)× exp  −(L/A)8− p2+ p  . (3.1)

En ajustant le param`etre p par comparaison `a des donn´ees num´eriques (voir exp´erimentales) cette expression permet notamment de prendre en compte un rayon de boule r ≥ 0 (§ 4.3). Si r = 0, p = 0 et l’on retrouve la formule pro- pos´ee par Ringrose et coll. pour le facteur de cyclisation. Nous d´esignons (3.1) dans la suite de ce travail, comme la formule de Rippe et Ringrose (R&R). Nous retenons qu’elle n’est, par principe, pas adaptable de mani`ere syst´ematique afin,

13Non pertinence des d´etails microscopiques au-dessus d’une longueur de lissage

m´esoscopique, ou de « coarse graining » en anglais.

14Pas plus que nous ne tenterons de faire un bilan exhaustif des diverses simulations

num´eriques r´ealis´ees sur ce sujet.

15Le r´esultat de S&Y n’est pas `a proprement parler inclu : la divergence aux faibles longueurs

du J(L) gaussien est supprim´ee en le modulant par un facteur exponentiel empirique, diff´erent de (2.4) mais reproduisant au mieux le J correspondant.

3.4 Bien d’autres pistes 46

par exemple, de prendre en compte une extension non nulle ou une cassure `a mi-longueur (§ 5.4) : elle n´ecessite l’introduction d’au moins un param`etre ajus- table, ce qui r´eduit son int´erˆet th´eorique.

Pour les lecteurs perdus Rippe a publi´e deux revues : avec van Hippel et Lan- gowski [RvHL95] en 1995, puis seul [Rip01] en 2001. Leurs contenus sont as- sez p´edagogiques, formulant les probl´ematiques tant au niveau exp´erimental que th´eorique (ou num´erique). Ces travaux tentent ´egalement de prendre en compte la vari´et´e de ph´enom`enes biologiques observ´es in vivo lors d’une cyclisation d’ADN.

Chapitre 4

Fermeture de la boucle : effets

dus `a la taille finie des prot´eines

Le calcul de la distribution en distance bout `a bout d’un WLC de longueur quelconque n’est pas r´ealisable analytiquement. Pour estimer sa valeur parti- culi`ere `a extension nulle (configurations de boucle), appel´ee facteur de cyclisa- tion, nous proc´edons donc num´eriquement. L’algorithme choisit permet en outre d’´evaluer les effets d’une non fermeture rigoureuse de la « boucle », reflet de la taille finie des prot´eines permettant une cyclisation de l’ADN, impliqu´ee dans une r´egulation de l’expression g´en´etique `a l’´etape de transcription. Bien que cette ´etude soit men´ee `a force ext´erieure nulle, la relation de force/extension du WLC est tout d’abord trait´ee. Cette « digression » permet de se faire une meilleure id´ee du comportement ´elastique du mod`ele, et par cons´equent d’une mol´ecule d’ADN (pour des forces inf´erieures `a 10 pN). Mais il existe surtout une analogie entre ce probl`eme et le calcul de la distribution en extension, selon la direc- tion d’´etirement du polym`ere, que nous comptons utiliser pour notre ´evaluation num´erique du facteur de cyclisation. Enfin cette relation de force/extension ne se r´esout exactement que de mani`ere num´erique, validant a priori notre approche du ph´enom`ene de cyclisation.

4.1

Relation de « force/extension » : une digres-

sion ?

Dans les dispositifs exp´erimentaux typiques permettant la manipulation de mol´ecules biologiques uniques (un brin d’ADN par exemple), la mol´ecule est contrˆol´ee au moyen d’une force appliqu´ee par l’op´erateur (m´edaillon de la fi- gure 4.1) [BMW00, SDC+03]. Pour ´etudier une configuration donn´ee de la mol´ecule,

cette force ext´erieure est maintenue uniforme. Elle correspond au terme f~ez que

nous avons inclu dans l’´energie du WLC (§ 2.1). La relation de force/extension d´etermine comment la force modifie l’extension moyenne du polym`ere, dans la

4.1 Relation de « force/extension » : une digression ? 48

direction privil´egi´ee ~ez de l’´etirement.1 La fonction de partition du WLC montre

que l’extension moyenne sous force h ~R~t; L, f·~ezi = hzi se calcule sans connais-

sance explicite de la distribution correspondante, par hzi

L =

∂ ln Z(ΩL|Ω0; L, f )

∂(βLf ) .

Exp´erimentalement, l’orientation des extr´emit´es du brin d’ADN est contrainte : l’une est attach´ee au plan de travail et l’autre `a une bille, sensible au champ magn´etique responsable de la force. C’est donc bien le propagateur de Ω0 `a ΩL

qu’il faut consid´erer, et non l’amplitude du vide obtenue par sommation des orientations limites. Nous savons que le probl`eme est r´esolu si le spectre du hamiltonien du rotateur rigide sous champ est connu, mais sa diagonalisation est impossible analytiquement (§ 2.1). Pour des longueurs L  A, situation la plus fr´equente exp´erimentalement, seul l’´etat fondamental (non d´eg´en´er´e) Hg(f )

et hΩ|Ψg(f )i = Ψg(Ω; f ) est toutefois n´ecessaire

Z(ΩL|Ω0; L, f )' Ψg(ΩL; f ) eΨg(Ω0; f ) e− L AHg(f ) donc hzi L ' − ∂Hg(f ) ∂(βAf ). L’´etude de l’´etirement dans la limite ´elastique L A n’est en effet pas instruc- tive : avec ou sans force, l’ADN est a priori quasi-compl`etement ´etir´e.2 La th´eorie

des perturbations stationnaires [Mer97] permet de r´e´ecrire hzi L ' −hΨg(f )| ∂ bH(f ) ∂(βAf )|Ψg(f )i = X ` `ψ`−1(f ) epψ`(f ) + ψ`(f ) eψ`−1(f ) (2`− 1)(2` + 1)

exprim´ee en fonction des composantes ψ`(f ) = h`, 0|Ψg(f )i. Seules les compo-

santes m = 0 sont a priori non nulles, car le fondamental poss`ede la sym´etrie cylindrique (§ B.2). Ce dernier n’est pas calculable analytiquement mais esti- mable num´eriquement [PTVF02, MS95, BWA+99], d’autant plus facilement que

le hamiltonien est tridiagonal et sym´etrique. Ce dernier est tronqu´e tel que le r´esultat est stable, condition peu coˆuteuse en terme de temps de calcul : nous avons utilis´e `max= 100, mais une valeur bien inf´erieure fait tout aussi bien l’af-

faire. En it´erant la proc´edure pour diverses forces, nous obtenons la courbe de force/extension pr´esent´ee en figure 4.1.

En 1994, Marko et Siggia [BMS94, MS95] ont propos´e une relation de force/ex- tension analytique s’ajustant notamment aux mesures exp´erimentales de Smith, Finzi et Bustamante [SFB92]. Cette relation reproduit exactement les limites de faible et grand ´etirements. Elle interpole le r´egime interm´ediaire avec envi- ron 10% d’´ecart `a la solution exacte, que nous venons de d´eterminer (figure 4.1).

1Qui est nulle en l’absence de force, par isotropie (la limitation `a z > 0 par le substrat n’est

pas formellement consid´er´ee).

4.1 Relation de « force/extension » : une digression ? 49 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 0.01 0.1 1 10 100

Extension relative moyenne

z

/L

(sans unité)

Force d’étirement réduite βAf (sans unité)

Faible étirement Grand étirement Diagonalisation Marko et Siggia Bouchiat et al. Extension z Polymère L                                         N         S Bille f Etirement

Fig. 4.1 – La relation de force/extension sp´ecifie comment une force

ext´erieure f~ez modifie l’extension moyennehzi d’un polym`ere, dans la direction

d’´etirement. La formule propos´ee par Marko et Siggia (pointill´es) d´ecrit exacte- ment les limites de faible et de grand ´etirement. Pour des force interm´ediaires elle interpole la solution exacte du WLC (ligne pleine) avec moins de 10% d’´ecart. Notre diagonalisation num´erique du hamiltonien du rotateur rigide sous champ, reproduit bien les donn´ees obtenues par Bouchiat (symboles 3) par r´esolution num´erique de l’´equation de Schr¨odinger correspondante.

Elle s’´ecrit βAf = hzi L + 1/4 (1− hzi/L)2 − 1 4 '    3 2 hzi L hzi L et βAf  1, 1 1 4βAf hzi L .1 et βAf  1.

Le deux limites s’´evaluent de mani`ere analytique, `a partir respectivement du mod`ele gaussien (§ 2.3) et d’un traitement perturbatif du WLC analogue `a celui de Wilhelm et Frey (§ 3.3) [MS95]. Nous voyons que le polym`ere commence `a s’´etirer sous l’action d’une force typique βAf ' 1, soit moins d’un dixi`eme de

piconewton pour un brin d’ADN `a temp´erature ambiante.3 Le comportement

´elastique d’un tel ADN est en fait bien d´ecrit par le WLC, pour des forces allant jusqu’`a environ 10 pN. Au-del`a la mol´ecule pr´esente une extensibilit´e, n´ecessitant la relaxation de la contrainte d’inextensibilit´e du WLC (§ 3.2, voir par exemple

3Rappelons que dans ces conditions k