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LA PIRATERIE DANS L’ANTIQUITE (Lecture)

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CULTURE ANTIQUE

LA PIRATERIE DANS L’ANTIQUITE (Lecture)

Montesquieu écrit : « Les premiers Grecs étaient tous pirates. » (Esprit des Lois, XXI, 7). Cette affirmation a de quoi surprendre ; néanmoins, elle semble corroborée dès les mythes les plus anciens. Les Argonautes n’étaient-ils pas à leur manière des pirates ? Dans plusieurs passages des poèmes homériques, les héros racontent sans honte leurs exploits de pillards. On citera nombre d’états dont la

fonction de leur taille, un rôle militaire considérable en Grèce, parfois dans toute la Méditerranée. Ainsi la Samos de Polycrate, qui, dans la seconde moitié du VIème siècle ACN intervient en Asie Mineure, en Afrique du Nord et en Egypte, ou Egine, île-état vivant tant du commerce que de la piraterie. On notera que, selon par exemple Thucydide, la piraterie n’était pas une activité honteuse, mais même glorieuse, en plus d’être lucrative.

A l’époque de la Ligue de Délos, la puissance maritime d’Athènes eut pour effet un recul important de la piraterie en Méditerranée Orientale. La situation resta maîtrisée ensuite, avec des hauts et des bas, jusqu’à la mort d’Alexandre le Grand.

Ensuite, lors des guerres des Diadoques, la situation redevint grave, jusqu’à ce que vers 200 ACN l’état commerçant de Rhodes s’attache à rendre les mers plus sûres.

Cependant, la puissance commerciale de Rhodes s’effondra en 167 ACN, à la suite de l’intervention des Romains, qui firent de Délos un port franc. La piraterie s’intensifia progressivement.

La Méditerranée Occidentale fut elle aussi le théâtre des ravages des pirates étrusques, ligures et carthaginois. Ces pirates furent dès le Vème siècle ACN mis en échec par les cités grecques, notamment Syracuse et Marseille. Cependant, vers 300 ACN, Agathocle, le tyran détrôné de Syracuse se fit lui-même pirate et s’allia avec de nombreux brigands des côtes de l’Italie méridionale, qui longtemps après sa mort, pillèrent la Sicile.

La victoire de Scipion à Zama marqua la fin de la puissance carthaginoise en Méditerranée, et ainsi la renaissance des pirates, car Rome ne s’intéressait guère à l’époque au gouvernement des mers. Valère Maxime raconte que des chefs pirates, de passage près de la maison de campagne de Scipion l’Africain, vinrent exprès lui rendre hommage.

Du reste, dès le Vème siècle, la Mer Adriatique restait le domaine incontesté des pirates illyriens. Denys l’Ancien, tyran de Syracuse, s’allia même avec eux, alors qu’il guerroyait contre les Etrusques. Leurs pillages ne cessèrent de croître en importance. Ils ne redoutaient plus rien. Leur reine Teuta fit massacrer une ambassade romaine venue se plaindre de ses sujets. Ce n’est qu’après une longue

guerre que Rome put pacifier l’Illyrie (219 ACN). Les Romains durent alors éliminer les pirates étoliens (198 ACN).

En 123 ACN, Rome conquit les Baléares, habitées elles aussi de peuples s’adonnant à la piraterie.

Soudain, en 88 ACN, le roi du Pont, Mithridate, soutenu par les Arméniens, se jette sur l’Asie Mineure, s’en empare et envahit la Grèce. Il s’allie aux pirates qui dévastent la Mer Egée. Sylla mène la contre-offensive et charge son lieutenant

Lucullus de rassembler une flotte pour anéantir les pirates ; il n’y parvient pas, mais, au contraire, la défaite de Mithridate ne laisse à ses marins licenciés que le choix de se faire eux aussi pirates. Des aristocrates se joignaient à eux pour les commander, et même des citoyens romains, pris dans l’ouragan des guerres civiles. Leur base était la Cilicie (Sud de Turquie actuelle), difficile d’accès et riche en forêts, qui leur

permettaient la construction de nombreux navires. La navigation devint quasi impossible. César lui-même, qui fuyait Sylla, fut capturé par ces pirates.

Rome envoie alors Murena et Dolabella, sans succès, puis Publius Servilius Isauricus, qui pendant 3 ans (78-76) dévaste la Cilicie, s’empare des trésors des pirates, mais ne peut empêcher la plupart d’entre eux de fuir vers la Crète, où ils reconstituent leurs flottes. Rhodes appelle Rome au secours. Marcus Antonius, père du triumvir, est vaincu par une flotte créto-pirate (74). Enfin, au terme d’une guerre longue et cruelle (69-66), Quintus Metellus Creticus soumet l’île. Mais rien n’y fait, d’autant moins que Mithridate a repris les hostilités contre Rome. Lucullus est toujours à la tête de la flotte qui les combat, avec des succès sans lendemain.

Les pirates se faisaient honneur et trophée de leurs brigandages; la magnificence de leurs navires était plus affligeante encore que n'était effrayant leur appareil. Les poupes étaient dorées, il y avait des tapis de pourpre et des rames argentées. Partout, sur les côtes, dit Plutarque, c'étaient des joueurs de flûte, de joyeux chanteurs, des troupes de gens ivres.

Partout, à la honte de la puissance romaine, des citoyens de premier ordre,

villes surprises se rachetaient à prix d'argent. Cicéron parle même d'un consul enlevé par les pirates et d'ambassadeurs romains qui leur furent rachetés. Les corsaires ne redoutaient nullement le voisinage de Rome; chose incroyable, l'île de Lipara, près de la Sicile, payait un gros tribut pour n'avoir point à redouter leur descente. Un de leurs chefs, Héracléon, avait détruit, en 72, une escadre armée contre lui, et, avec quatre embarcations seulement, il avait osé pénétrer jusque dans le port de Syracuse. Quelque temps après, Pyrgamion, son camarade de rapines, se montre dans les mêmes eaux, débarque, se fortifie sur le même point et envoie ses coureurs dans toute l'île.

Dans toutes les provinces, il est désormais d'usage d'avoir une escadre prête et des garde-côtes apostés. Mais cela n'empêche pas les pirates d'arriver et de piller des provinces. Bientôt les audacieux forbans ne respectent même plus le territoire de l'Italie. Ils descendent à terre, infestent les chemins par leurs brigandages et ruinent les maisons de plaisance voisines de la mer. Près de Crotone, ils enlèvent le trésor de Junon Lacinienne, que Pyrrhus et Hannibal avaient respecté; à Caïète, ils dévastent le port sous les yeux d'un préteur; à Misène, ils ravissent la fille d'Antonius, l'amiral romain; à Ostie, la flotte romaine est brûlée; des patriciennes et deux préteurs, Sextilius et Bellinus, sont emmenés avec toute leur suite, avec les haches tant redoutées, les

faisceaux et les autres insignes. Pour comble d'insolence, lorsqu'un prisonnier s'écriait qu'il était Romain et disait son nom, les flibustiers feignaient

l'étonnement et la crainte; ils se frappaient la cuisse, se jetaient à ses genoux et le priaient de pardonner. Le prisonnier se laissait convaincre à cet air d'humilité et de supplication. On lui remettait alors des souliers et une toge, afin qu'il ne fût plus méconnu. Après s'être ainsi longtemps moqués de lui et avoir joui de son erreur, les pirates finissaient par jeter une échelle au milieu de la mer et lui ordonnaient de descendre et de retourner chez lui; si le malheureux refusait, ils le précipitaient eux-mêmes et le noyaient.

Le blocus autour de l'Italie était complet; plus de commerce ni de relations internationales. La cherté la plus affreuse régnait en Italie et surtout dans Rome, qui ne vivait que du blé sicilien et africain. La famine s'y mit. (J.-M.

SESTIER, La piraterie dans l’Antiquité).

En 67, le Sénat vote les pleins pouvoirs à Pompée, avec d’énormes moyens militaires. Il répartit sa flotte sur toutes les rives de la Méditerranée, et, en 40 jours, libère totalement les voies maritimes. Puis, il vainc la flotte des pirates en Cilicie, près de la forteresse de Coracesium, et prend cette place. Les pirates se rendent. Pompée a coulé 1300 navires, en a capturé 400 et il a fait 20 000 prisonniers, qu’il répartit dans de petites villes à l’intérieur des terres.

Cependant, Pompée est assassiné (48), puis César (44). Antoine, Octave et Lépide forment un nouveau triumvirat. Mais Sextus Pompée, le fils du Grand Pompée, a entre-temps reçu du Sénat un commandement maritime (44). Il s’allie à Cassius et à Brutus, puis, après leur défaite, accueille leurs partisans poursuivis par les triumvirs. De très nombreux pirates, vaincus par son père, entrent à son service. Il est maître de la Sicile, de la Sardaigne et de la Corse. Il coupe les voies maritimes et affame Rome. Octave ne peut se débarrasser de lui et est vaincu à plusieurs reprises.

Finalement, Octave confie la réorganisation de sa flotte à Marcus Agrippa. Celui-ci écrase définitivement en 36 ACN les forces de Sextus Pompée, qui est mis à mort l’année suivante à Milet par des lieutenants d’Antoine. Octave achève d’anéantir la piraterie au cours de 3 années de guerre contre les peuples illyriens, qui s’étaient remis au pillage.

Il convient cependant de relever une certaine hypocrisie dans le chef des Romains. En effet, tant que la piraterie ne leur causait que des dommages politiques et économiques mineurs, ils ne la combattaient pas vraiment, car elle leur procurait en abondance ce dont les civilisations antiques avaient un grand besoin : des esclaves.

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