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CHAPTER 1 : REVUE DE LITTÉRATURE

1.4 Défenses naturelles de la carotte

1.4.4 Phytoalexine de la carotte : la 6-méthoxymélléine (6-MM)

1.4.4.1 Biosynthèse de la 6-MM

La 6-méthoxymélléine (3-méthyl-6-méthoxy-8-hydroxy-3,4-dihydroisocoumarine : 6-MM) est une isocoumarine dérivée de la voie métabolique des pentakétides, plus précisément des acétates polymalonates (Figure 1.4). Plusieurs études ont été effectuées sur les voies de synthèse de cette molécule (Coxon et al., 1973; Jaworski et Kuć, 1974; Sarkar et Phan, 1975; Stossel et Stothers, 1978; Stoessl, 1982; Kurosaki et Nishi, 1988, 1991; Marinelli et al., 1990, 1994). Par l’action de la 6-hydroxymélléine synthase (6-HM synthase), il y a condensation de l’acétyl-CoA et du malonyl-CoA pour former un intermédiaire trikétide (Kurosaki et al., 1991, 1993). Cet intermédiaire subit une kétoréduction en présence de NADPH (Kurosaki et al., 1989a; Kurosaki, 1996; Kurosaki et al., 1998; Kurosaki, 1998; Kurosaki et al., 2000a, b, 2002). S’ensuivent d’autres condensations entre l’intermédiaire trikétide et des molécules de malonyl-CoA, pour aboutir à la formation de la 6-Hydroxymélléine (6-HM). Enfin, par l’action de la 6-hydroxymélléine O-méthyltransférease (Kurosaki et Nishi, 1988, 1991), la 6-HM subit une méthylation pour donner la 6-méthoxymélléine (6-MM). En absence de NADPH, la kétoréduction aboutit à la formation d’acide triacétique lactone.

Acétyl-CoA NADPH 4 malonyl-CoA 5 H+ 2 malonyl-CoA 6-hydroxymélléine H+ + synthase H2O NADP+ 5 coenzyme A 3 coenzyme A 2 CO2

6-hydroxymélléine Acide triacétique lactone

S-adenosyl-L- Méthionine 6-hydroxymélléine-O- + méthyltransférase H+ S-adénosyl-L- Homocystéine 6-méthoxymélléine

Figure 1.4 : Biosynthèse de la 6-Méthoxymélléine (Adaptée de Capsi et al., 2010) Cycle des pentose-

phosphates

Cycle de l’acide tricarboxylique

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1.4.4.2 Élicitation de la 6-MM

La 6-MM (Sondheimer, 1957) s’accumule dans les carottes en réponse à un éliciteur ou à d’autres stress biotiques ou abiotiques. Cette molécule est également synthétisée par certains microorganismes comme produit métabolique résiduel (McGahren et Mitscher, 1968 ; Schroeder et Stipanovic, 1975).

La 6-MM est induite dans les carottes suite à des signaux d’origine biotique, comme par exemple une infection par des microorganismes pathogènes (Coxon et al, 1973 ; Jaworski et Kuć, 1974 ; Goodliffe et Heale, 1978 ; Kurosaki et Nishi, 1983 ; Marinelli et al., 1990), des polysaccharides dérivés de la paroi cellulaire de carottes ou de microorganismes (Kurosaki et Nishi, 1984 ; Bowen et Heale, 1987; Marinelli et al., 1994), ou des enzymes dégradant la paroi cellulaire des plantes et libérant des oligosaccharides et des peptides (Marinelli et al., 1990 ; Kurosaki et Nishi, 1984 ; Kurosaki et al., 1985a, b ; Amin et al., 1986).

La synthèse de la 6-MM est également induite par des signaux d’origine abiotique chez la carotte, notamment l’éthylène (Carlton et al., 1961; Chalutz et al., 1969; Coxon et al., 1973; Sarkar et Phan, 1974a, 1975, 1979; Hoffman et Heale, 1987; Hoffman et al., 1988; Lafuente et al., 1989, 1996), l’ozone (Forney et al., 2007), des métaux comme le mercure ou le chlorure de cuivre (Marinelli et al., 1991; Guo et al., 1993), les radiations UV (Yates et al., 1987; Mercier et al., 1993a), la buthionine sulfoximine (Guo et al., 1993), le 2,4-D: acide 2,4- dichlorophenoxyacétique (Marinelli et al., 1991, Chalutz et al., 1969), l’acide indole-3-acétique ou l’acide 2,4,5- trichlorophenoxyacétique (Chalutz et al., 1969).

La 6-MM s’accumule relativement rapidement dans les cellules de carottes après une élicitation biotique ou abiotique. Cependant, il a été montré que cette molécule est toxique pour les cellules des plantes qui la produisent (Marinelli et al., 1996). Au delà d’une concentration maximale dans les cellules hôtes, cette molécule est convertie en composés moins toxiques par déméthylation ou par glycosylation, un processus de détoxification mis en évidence par Kurosaki et al. (1984b).

1.4.4.3 Activité biologique et rôle dans la résistance de la 6-MM aux agents pathogènes La méthylation de la 6-HM par l’intermédiaire de la 6HM-O-méthyltransferase pour donner la 6-MM serait à l’origine de la toxicité élevée de cette molécule, du fait de l’accroissement de sa liposolubilité et donc de sa capacité à altérer les membranes des agents pathogènes (Marinelli et al., 1996). Amin et al. (1988) expliquerait l’effet toxique de la 6-MM sur les cellules sensibles par une perturbation des fonctions membranaires après une interaction avec les liposomes dérivant de la phosphatidylcholine, du cholestérol et du diethyl phosphate. La 6-MM a effectivement montré un effet antibiotique efficace contre plusieurs

microorganismes pathogènes (Kurosaki et Nishi, 1983), aussi bien des moisissures que des levures et des bactéries, avec une efficacité graduelle entre 0.05 et 0.5 mM. Les valeurs ED50 de la 6-MM sur la croissance du mycélium et sur la germination des spores sont estimées à 0.7 mM à 0.5 mM, respectivement (Goodliffe et Heale, 1978 ; Harding et Heale, 1980). Mercier et al. (1993a) ont aussi montré que l’induction des défenses naturelles de la carotte par les radiations UV-C permettait une résistance à B. cinerea et à S. sclerotiorum, et que cette résistance montrait une forte corrélation avec la forte accumulation de 6-MM.

Kurosaki et al. (1984a) montraient toutefois que plusieurs microorganismes développaient une tolérance à la 6-MM, un problème qui serait dû à une acclimatation des microorganismes en présence de doses répétées d’une faible concentration de la phytoalexine, alors qu’à des concentrations supérieures ou égales à 0.5 mM, presque tous les microorganismes testés devenaient sensibles. Les chercheurs rapportaient en outre que dans ce processus de tolérance à la 6-MM, il n’y avait pas de détoxification, c’est-à-dire aucune dégradation ni transformation de la phytoalexine par les microorganismes.

Plusieurs études ont mis en questions le rôle de la 6-MM dans la résistance des carottes aux agents pathogènes. Déjà, en 1969, Chalutz et al. (1969) concluaient que la 6-MM n’était pas le facteur déterminant de la résistance des carottes à Cerotocyctis fimbriata. Plus récemment, Hoffmann et Heale (1987) observaient que l’éthylène induisait la synthèse de 6-MM dans les carottes, mais que ces dernières n’étaient pas résistantes à B. cinerea. En empêchant la synthèse de la 6-MM chez les carottes par l’utilisation de la norbornadiene, un inhibiteur de la fixation de l’éthylène sur les récepteurs, Hoffman et al. (1988) constataient enfin que la résistance des carottes n’était pas réduite, un constat qui mettait un doute, encore, sur le rôle possible de la 6-MM dans la résistance aux mmaladies chez la carotte.

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