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II. La sténose valvulaire aortique

II.6. Physiopathologie

Longtemps estimée comme un processus dégénératif passif lié à l’âge, la SVA calcifiante est aujourd’hui considérée comme un processus actif de remodelage tissulaire pathologique biologiquement régulé (Helske et al, 2007). Des études expérimentales et épidémiologiques ont montré récemment que les processus physiopathologiques initiaux impliqués dans la SVA partagent de fortes similitudes avec ceux impliqués dans l’athérosclérose vasculaire, à savoir l’inflammation, l’angiogenèse, la fibrose et la calcification (tableau III) (Mazzone et al, 2006).

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En effet, sur le plan anatomopathologique, les lésions valvulaires aortiques précoces s’apparentent aux plaques d'athérosclérose dans lesquelles on observe un processus inflammatoire chronique (figure 21). Au niveau de ces lésions, ont été décrits des dépôts lipidiques (principalement des LDL athérogènes), une accumulation de cellules inflammatoires, ainsi qu'une activation des processus d'oxydation des LDL, puis de calcification (Otto et al, 1994; O'Brien et al, 1996; Olsson et al, 1999; Freeman and Otto, 2005; O'Brien et al, 1995). Mais des différences existent : les cellules musculaires lisses constituant la chape fibreuse de la plaque d’athérome sont absentes dans les lésions valvulaires qui renferment des myofibroblastes. Bien que la calcification soit décrite dans les plaques athéroscléreuse, elle survient plus tôt dans les lésions valvulaires et est un processus important dans la SVA. En effet, il est décrit au cours de SVA un processus de calcification et d’ossification avec l’apparition de foyers de minéralisation et d’ostéoblastes/ostéoclastes dans le tissu valvulaire (Mohler et al, 2001). L’accumulation progressive de dépôts calciques (cristaux d’hydroxyapatite) et le remodelage tissulaire aboutissent à une diminution de la surface fonctionnelle et structurale de l’orifice aortique et donc à un obstacle à l’éjection ventriculaire.

De plus, la SVA et les pathologies coronariennes ont des facteurs de risque communs tels que le tabagisme, le sexe masculin, l'HTA, l'obésité, la dyslipidémie, des niveaux élevés de CRP et l'hyperhomocystéinémie (Stewart et al, 1997; Freeman and Otto, 2005) (tableau III).

Figure 21 : Coupes histologiques de lésions précoce et tardive de la sténose valvulaire aortique (Freeman and Otto, 2005). Lésions précoces : accumulation de cellules et de lipides extracellulaires, lésions tardives : accumulation prédominante de lipides et de matrice extracellulaire et présence de zones calcifiées

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Tableau III : Comparaison entre la sténose aortique calcifiée et l’athérosclérose, d’après (Otto and O'Brien, 2001; Freeman and Otto, 2005).

Sténose aortique calcifiée Athérosclérose

Caractéristiques histopathologiques

Accumulation lipoprotéines ++++ ++++

Oxydation des lipides ++++ ++++

Calcification +++++ ++ Inflammation ++++ ++++ Marqueurs inflammatoires systémiques ++ ++ Polymorphisme génétique ++ +++

Type cellulaire majoritaire Fibroblastes, VIC Cellules musculaire lisse, macrophage

Mécanisme des évènements cliniques

Rigidité valvulaire Instabilité de plaque

Facteurs de risque Âge ++++ ++++ Dysfonction rénale ++++ ++++ Tabagisme +++ ++++ Hypertension +++ ++++ Dyslipidémie +++ ++++ Diabète + +++++ Dysfonction endothéliale ++ ++++

Par ailleurs, plusieurs auteurs ont décrit la coexistence de sclérose ou sténose aortique chez des patients atteints de pathologies coronariennes (Vandeplas et al, 1988; Losi et al, 2010; Stewart

et al, 1997) confortant l’hypothèse que la sténose aortique puisse être une localisation

méconnue de la maladie athérosclérotique plutôt qu’un processus dégénératif passif (Freeman and Otto, 2005; Mazzone et al, 2006). Il est désormais admis que le SVA est une pathologie « atherosclerotic-like » (Breyne et al, 2010).

La pathogénie reste encore mal connue. Jusqu'à présent, plusieurs travaux soutiennent l’hypothèse selon laquelle la calcification de la valve aortique est un processus cellulaire actif impliquant plusieurs composantes lipidiques, inflammatoires, et phosphocalciques (figure 22) (Bosse et al, 2008).

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Les contraintes mécaniques et le « shear stress » (ou forces de cisaillement) semblent être à l’origine de l’initiation de ces processus pathologiques via une lésion endothéliale. En effet, les calcifications prédominent aux endroits soumis aux plus fortes contraintes mécaniques, sur la face aortique des valves, au niveau de l'attachement à la racine aortique (Freeman and Otto, 2005; Goldbarg et al, 2007). La dégénérescence des valves bicuspides est plus rapide, du fait d’un stress mécanique plus important dans une conformation à 2 feuillets (Beppu et al, 1993).

La lésion endothéliale favorise l’infiltration dans le tissu interstitiel des lipides circulants principalement les LDL qui subissent une étape d’oxydation. Cet environnement facilite le recrutement et l’infiltration des monocytes qui se différencient en macrophages, capables de phagocyter les LDLox hautement cytotoxiques et de se transformer en cellules spumeuses identiques à celles des plaques d'athérosclérose (Olsson et al, 1999; Freeman and Otto, 2005).

L’infiltration de cellules inflammatoires telles que les lymphocytes T et les macrophages est responsable de la réaction inflammatoire locale par sécrétion de diverses cytokines pro- inflammatoires. Les dépots lipidiques et l’infiltration cellulaire activent un sous-type de fibroblastes valvulaires ou VIC en myofibroblastes qui possèdent des propriétés de CML, promouvant la prolifération cellulaire puis le remodelage tissulaire par l’intermédiaire des enzymes impliquées dans la dégradation de la MEC telles que les MMP. La production accrue de collagène par les fibroblastes et l’accumulation des composantes de la MEC conduisent à un épaississement des feuillets de la valve (Helske et al, 2007).

En pathologie, la fibrosa est particulièrement enclin à un processus de remodelage, caractérisé par une désorganisation des fibres de collagène, une fragmentation de l’élastine et une augmentation des dépôts de protéoglycanes. Les MMP sont impliquées dans ce remodelage et donc dans la progression de la maladie valvulaire (Satta et al, 2003; Koullias et al, 2004). La libération de cytokines pro-inflammatoires au sein des lésions valvulaires induit l’augmentation d’expression des MMP (Kaden et al, 2003). Deux isoformes (MMP-2 et MMP-9) ont été détectées dans les calcifications valvulaires (Soini et al, 2001).

La littérature actuelle suggère que ces 2 isoformes produites par les cellules inflammatoires dont les macrophages et les VIC, peuvent participer au remodelage pathologique de la MEC des valves sténosées en induisant une augmentation de la dégradation des fibres élastiques conduisant à la fibrose (Edep et al, 2000; Fondard et al, 2005). Enfin, l’augmentation de la production du collagène et de la dégradation de l’élastine conduit à une diminution du ratio élastine/collagène au niveau de la valve, contribuant à la rigidité valvulaire. Par ailleurs, ces

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enzymes élastolytiques sont localisées dans les valves au niveau des calcifications et leur action de digestion de la MEC rend possible les dépôts calciques (Perrotta et al, 2011).

De plus, l’angiogenèse et la formation de néovaisseaux, induits par les cytokines inflammatoires, interviennent dans la physiopathologie de la SVA. Alors que les valves aortiques humaines saines sont des structures avasculaires, un processus angiogénique a été mis en évidence dans les valves pathologiques, près des nodules de calcifications et proche des zones d’infiltration des cellules inflammatoires (Mohler et al, 2001). Ces phénomènes vont encore exacerber l'infiltration de lipides et de cellules inflammatoires et aggraver la progression de la maladie (Chalajour et al, 2004).

Enfin concernant la composante phosphocalcique, cet environnement inflammatoire va favoriser l'initiation de la calcification, notamment la différenciation d’un sous-type de VIC en cellules « osteoblast-like » capables de produire des dépôts calciques et du tissu osseux (Kaden

et al, 2005b; Rajamannan et al, 2003).

Ces dépôts calciques évoluent vers d'importantes lésions macroscopiques qui peuvent, au stade terminal de la SVA, prendre la forme d’os lamellaire mature associé à la présence de néovaisseaux, d’ostéoblastes, d’ostéoclastes et de microfractures (Mohler et al, 2001).

Plusieurs protéines spécifiques de la matrice osseuse et du métabolisme phosphocalcique sont décrites dans le processus de calcification de la SVA (Garg, 2006). L’ostéopontine, l’ostéocalcine, les BMP (bone morphogenic proteins), la phosphatase alcaline ou encore le ligand pour le récepteur activateur du facteur nucléaire kappa B (RANK-L) exprimés par les ostéoblastes dans les zones de remodelage osseux actif, ont été détectés dans les valves aortiques calcifiées (Shetty et al, 2006; O'Brien et al, 1995; Mohler et al, 2001; Cappelli et al, 2010). L’expression d’ostéopontine (OPN) augmente progressivement avec la calcification valvulaire, suggérant son importance dans le développement de la maladie (Pohjolainen et al, 2008). Ce processus de calcification résulte d’un déséquilibre dans la balance entre les facteurs pro- et anti-calcifiants. La voie ostéogénique Runx2 via BMP2 est l’une des voies majeures dans la calcification valvulaire (O'Brien, 2006).

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Figure 22 : Schéma des processus impliqués dans la genèse de la sclérose et de la sténose aortique. (Foam cell : cellule spumeuse, IL : interleukine, TGF : facteur de croissance transformant, MMP : métalloprotéinases de la matrice) (Freeman and Otto, 2005).

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