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IV. La Polyarthrite rhumatoïde

3. Physiopathologie

La polyarthrite rhumatoïde est une inflammation chronique de la membrane synoviale des articulations, aboutissant à des lésions voire à une destruction des articulations sans traitement. Ce processus lésionnel est divisé en plusieurs phases. (39,40,47,48)

Phase d’initiation : Le mécanisme déclencheur de cette phase reste aujourd’hui encore inconnu. Cependant, il est supposé que l’initiation de la maladie serait liée à une réponse inflammatoire « non spécifique », déclenchée par un stimulus non identifié. Il est suggéré que les lymphocytes T CD4 joueraient un rôle dans cette phase d’initiation par présentation d’un antigène inconnu par les molécules HLA de classe II (cf. paragraphe suivant). Cette inflammation s’accompagne d’une accumulation de cellules et molécules du système immunitaire comme des macrophages et des cytokines pro-inflammatoires (Il-1, Il-6 et TNFα)

dans la membrane synoviale. Cette phase se déroule avant que les premiers symptômes de la maladie n’apparaissent.

La phase d’initiation fait appel à l’immunité innée, et trois modèles différents ont été proposés, avec au centre de ceux-ci « l’épitope partagé ». Cet épitope correspond à une séquence commune retrouvée dans les différents allèles HLA impliqués dans le développement de la polyarthrite rhumatoïde.

Le premier modèle implique la reconnaissance par l’épitope partagé d’un peptide du soi, favorisant ainsi la persistance d’un clone auto-réactif de lymphocyte T, s’activant dans des conditions spécifiques.

Le deuxième modèle implique la liaison de l’épitope partagé à un antigène responsable de la polyarthrite rhumatoïde (il a été démontré par exemple une grande affinité entre l’épitope partagé et les peptides citrullinés).

Enfin, le troisième modèle impliquerait l’interaction de l’épitope partagé avec un peptide exogène ayant une structure comparable à un peptide du soi. On parle ainsi de « mimétisme moléculaire ».

Phase de recrutement et d’inflammation : Cette phase fait intervenir l’immunité acquise. Les macrophages accumulés lors de la phase d’initiation permettent le recrutement d’autres cellules inflammatoires, comme les polynucléaires neutrophiles, les lymphocytes T. Cela s’effectue grâce à l’activité chimiotactique des cytokines pro-inflammatoires, ainsi qu’à l’augmentation des molécules d’adhésion par le TNFα. Les macrophages étant des cellules présentatrices d’antigènes, ils interagissent avec les lymphocytes T en leur présentant des peptides antigéniques via les molécules HLA de classe II. Cette interaction entraîne la production de cellules et molécules effectrices du système immunitaire, jouant un rôle dans l’inflammation locale et son amplification et provoquant des lésions tissulaires.

Les lymphocytes T auto-réactifs et activés par les cellules présentatrices d’antigènes produisent de l’interféron-γ, de l’interleukine-2 et 17 qui sont des cytokines pro- inflammatoires. Cette réponse est une réponse dite Th1. Les lymphocytes T peuvent également être activés via leurs Toll-like récepteurs. Les lymphocytes activés interagissent avec les cellules endothéliales afin de produire des molécules d’adhésion, permettant le recrutement de cellules inflammatoires. Ils interagissent également avec les synoviocytes qui vont sécréter des molécules pro-inflammatoires mais également des molécules participant à la destruction ostéocartilagineuse (métalloprotéinases MMP, IL-6).

Les lymphocytes B activés localement se différencient en plasmocytes et produisent des immunoglobulines polyclonales ainsi que le facteur rhumatoïde (FR). Ces immunoglobulines participent à la formation de complexes immuns FR-IgG allant se déposer sur les parois vasculaires et entraînant des lésions de vascularites. Ces complexes immuns favoriseraient également la production de cytokines pro-inflammatoires par les monocytes et macrophages, et joueraient un rôle dans la formation du pannus synovial.

Les cellules dendritiques, présentatrices d’antigènes et présentes dans la synoviale rhumatoïde, présenteraient un défaut de régulation chez les personnes malades. En effet, des facteurs anti-apoptotiques présents dans l’environnement synovial prolongeraient leur durée de vie et ainsi favoriseraient la pérennisation de l’inflammation.

Les cytokines pro-inflammatoires produites en excès par les macrophages jouent un rôle dans l’angiogenèse et la prolifération de facteurs de croissance (PDGF, VEGF), permettant le recrutement continu de cellules inflammatoires qui participent à la chronicité de l’inflammation (le rôle des différentes cytokines est détaillé dans la partie V.). L’action des cytokines se fait par signalisation intracellulaire, via des phosphorylations et la participation de protéines kinases.

Enfin, les polynucléaires neutrophiles recrutés dans le liquide synovial produisent des métabolites de l’oxygène et autres médiateurs de l’inflammation comme l’acide arachidonique, qui renforcent les phénomènes inflammatoires.

Phase de prolifération synoviale et de destruction de l’articulation : Il s’agit d’un phénomène d’activation cellulaire d’origine inconnue, conduisant à l’hyperplasie synoviale par prolifération des synoviocytes. Il y a formation d’un « pannus ». Ce pannus est constitué de synoviocytes venus s’attacher au cartilage, de fibroblastes synoviaux, chondrocytes, lymphocytes mais également de macrophages. Les fibroblastes ainsi que les macrophages produisent des cytokines comme Il-1 et TNFα qui sécrètent de nombreuses métalloprotéases responsables des lésions cartilagineuses. Des ostéoclastes peuvent également être retrouvés dans le pannus, ils induisent des lésions osseuses et cartilagineuses (induction par l’activation du système RANK-RANK ligand). Parallèlement à la formation du pannus synovial, une néovascularisation ou angiogenèse se met en place, permettant aux cellules de l’inflammation un passage facilité vers l’articulation concernée.

Phase de réparation : En réponse à la destruction articulaire, un mécanisme de réparation se met en place, sous l’influence de facteurs de croissance comme, par exemple, le TGFβ qui induit la synthèse de collagène. Cependant, ce mécanisme est freiné par l’IL-1. Il existe également deux autres molécules participant à la réparation de l’articulation : l’IL-10 (cytokine anti-inflammatoire) et les TIMP (Tissue Inhibitor of MetalloProteases) qui inhibent la sécrétion des métalloprotéases. Néanmoins, ce mécanisme de réparation n’est pas suffisant pour compenser la destruction de l’articulation.

Rôle du TNFα : Cette cytokine joue un rôle particulier dans la physiopathologie de la polyarthrite rhumatoïde, elle est d’ailleurs la cible de certains traitements de la maladie. Le TNFα produit en trop grande quantité se lie à ses récepteurs membranaires et solubles et entraîne donc la destruction de l’articulation par de nombreux mécanismes (cf. figure 15). Le TNFα agit en synergie avec l’IL-1 et permet la synthèse de cette interleukine. Le TNFα présente des effets locaux mais également systémiques (40).

Figure 19 : Activités du TNFα (49).