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1.2 Les centres NV dans le diamant

1.2.5 Photochromisme

Le centre NV, nous l’avons vu, peut se présenter sous deux états de charge pos-sibles : la forme ionisée NV et la forme neutre NV0. Ces deux états possèdent des spectres de fluorescence différents, leur ZPL étant séparés de 63 nm en longueur d’onde, chacun émet donc une couleur différente. Dans certain cas, le centre NV peut manifester une alternance entre les deux états de charge, sur des échelles de l’ordre de la µs, ce qui conduit à une signature spectrale hybride entre les deux états, on appelle ce phénomène le photochromisme [75,76]. Qu’elle soit naturelle ou induite, cette manifestation a été observée et étudiée sur un grand nombre de mo-lécules et d’atomes luminescents [77]. Dans le cas du centre NV, la compréhension du phénomène n’est pas encore totale. Cependant, de nombreuses études effectuées dans le diamant massif [75,76] ou dans des nano-cristaux [78], à excitation continue ou pulsée, permettent d’avoir une vision générale du photochromisme. On sait donc que le centre NV, soumis à certaines conditions d’excitation lumineuse ou électrique, peut voir son état charge passer de NV0 à NVet vice versa. Ceci peut être expliqué par le fait que, comme nous l’avons dit, le diamant possède de nombreux défauts, dont des atomes d’azote isolés. Ces atomes constituent des donneurs d’électrons, qui peuvent apporter une charge négative à un NV0 pour donner un NV. Le champ d’excitation peut alors entraîner une transition d’un état à l’autre. Ces transitions peuvent être contrôlées et étudiées lorsque le centre coloré est soumis à des excita-tions laser pulsées [75] ou à des manipulations électroniques de son environnement [79].

Nous avons pu étudier ce phénomène dans le cas de centres NV dans des NDs de 25 nm de diamètre, à différentes puissances d’excitation continue [11]. Aléatoire-ment, on peut trouver un centre NV qui montre du photochromisme sans qu’il n’ait,

a priori, de pré-dispositions particulières pour en montrer. Sur la figure1.15.(a), on peut voir le spectre d’émission d’un de ces centres, pour différentes puissances d’ex-citation P = 0.5 mW (courbe rouge), P = 1 mW (courbe verte) et P = 2 mW

(courbe bleue). On constate la présence des ZPL correspondant aux deux états de charges. Elles sont, de plus, présentes à toutes les puissances.

Pour être sûr que l’on excite un seul centre NV, on réalise une mesure de la fonction g(2). La figure 1.15.(b) montre la mesure de corrélation. Elle révèle clai-rement un dégroupement, et, si l’on tient compte du bruit lors de la mesure, on a bieng(0) = 0, preuve qu’un centre NV unique produit ce spectre hybride. La courbe montre également du groupement de photons. En fait, cette fonction mesurée reflète une moyenne des dynamiques temporelles des deux états de charge. Nous avons donc tenté d’extraire la courbe deg(2) propre à chacun. Pour cela, nous avons détourné le montage HBT original, en ajoutant, devant chaque APD, un filtre passe bande. Le montage est schématisé sur la figure 1.16, sous deux configurations possibles. Dans

Figure1.15 – (a) Spectres de fluorescence du centre NV photochromique enregistrés

à différentes puissances d’excitation 0.5 mW, 1 mW et 2 mW, du bas vers le haut, respectivement. (b) Courbe de dégroupement aux délais courts et pour une puissance d’excitation de 5 mW.

la première configuration appelée NV/0 (1.16.(a)), un filtre passe-bande ne laisse passer que la fluorescence provenant d’un NV dans le bras Start de l’interféro-mètre, et un filtre différent ne laissant passer que la fluorescence du NV0 est placé sur la branche Stop. De ce fait, le montage n’est plus symétrique et durant la me-sure, c’est un photon provenant d’un NV qui active le signalStart pour le module de comptage et un photon provenant d’un NV0 qui active le Stop. La configuration NV0/ présentée en figure1.16.(b) fonctionne de manière complémentaire.

Figure 1.16 – Configurations HBT pour l’étude du photochromisme. (a)

configu-ration NV/0 où un filtre passe-bande (longueur d’onde centrale : 675 nm, largeur spectrale : 67 nm) adapté au centre NV est inséré dans la branche Start du cor-rélateur, et où un filtre passe-bande (longueur d’onde centrale : 593 nm, largeur spectrale : 46 nm) adapté au centre NV0 est inséré dans la branche Stop. (b) cor-respond à la configuration NV/0 où les deux filtres sont inter-changés

Les photons arrivant dans chaque branche sont de natures différentes, nous réa-lisons donc ici une mesure de corrélation croisée. Des techniques similaires ont été

utilisées avec succès pour étudier le photochromisme, que ce soit pour les centres NV, mais également pour d’autres émetteurs comme les boîtes quantiques, même si il reste de nombreuses zones d’ombre.

Nous montrons sur la figure1.17 des mesures de corrélations croisées effectuées à une excitation P = 3 mW. Avant d’analyser les résultats, il est nécessaire de réfléchir à l’implication de cette mesure, analytiquement. En utilisant un formalisme équivalent à l’équation (1.23), on peut écrire :

g(2)/0(τ) = p(e, N V

0, t+τ|g, N V, t)

p(e, N V, t) , (1.57)

où p(e, N V0, t +τ|g, N V, t) est la probabilité conditionnelle que le centre NV soit excité au niveau |ei dans l’état de charge N V0 au temps t+τ sachant qu’il se trouvait au niveau fondamental|gidans l’état de chargeN Và un temps précédent

t. Plus simplement, on mesure ici la probabilité qu’un photon N V0 soit détecté au temps t+τ sachant qu’un photon N V a été détecté au temps t. De la manière complémentaire, pour la configuration NV0/, on a :

g0/(2)(τ) = p(e, N V

, t+τ|g, N V0, t)

p(e, N V0, t) . (1.58)

Figure 1.17 – Fonctionsg(2) mesurées pour le centre NV photochromique dans les deux différentes configurations HBT NV/0 (a) et NV0/(b), et pour une puissance d’excitation de 3mW.

Si l’on revient à la figure1.17, on voit que les courbes ne sont plus symétriques : comme discuté dans la section 1.2.2, le fait d’ajouter un délai électronique supplé-mentaire à l’APD nous permet de sonder à la fois la configuration APD1→Start/ APD2→Stop, donc NV/0, mais aussi la configuration opposée APD2→Start/ APD1 →Stop, donc NV0/, dans la limite du délai électronique appliqué, en une seule me-sure. On voit en effet, sur la figure 1.17 que les deux configurations nous donnent des résultats qui sont symétriques par rapport à délai nul.

toutes les courbes de g(2) vues jusqu’ici. Cela nous prouve que les deux états de charge NV et NV0 possèdent leur photo-dynamique interne qui leur est propre, mais qui surtout sont différentes. On voit que, pour1.17.(a), le trace du NV s’éta-lant sur les temps positifs montre un groupement assez prononcé. Ce groupement, on le voit, l’est beaucoup moins dans le cas du NV0. Nous avons donc réussi à discriminer la dynamique propre à chaque état de charge.

L’analyse plus complète de ces résultats obtenus par Oriane Mollet, qui m’a précédé sur ce projet, peut être trouvée en référence [11]. Nous avons vu jusqu’ici que les états de charge NVet NV0 avaient des tendance différentes quant à l’influence de leur niveau métastable. On a donc réalisé une étude complète, sur chaque type de centre NV, sur la dynamique interne en fonction de la puissance d’excitation.

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