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1.2 Ph´enom´enologie et techniques

1.2.2 Mesures de susceptibilit´e di´electrique

1.2.3.3 Photoblanchiment

La technique du photoblanchiment (deep photo-bleaching) est une technique optique bas´ee sur la fluorescence qui permet de mesurer des corr´elations d’orien-tation des mol´ecules.

Quelques mots d’abord sur la fluorescence pour clarifier la suite. Cette tech-nique consiste `a exciter des mol´ecules avec un faisceau laser de mani`ere `a les faire passer de l’´etat stable `a un ´etat excit´e. Ce dernier est choisi pour que la d´esexcitation soit radiative, c’est `a dire accompagn´ee d’´emission de photons dans le domaine du visible : c’est la fluorescence. Si les photons d’excitation sont pola-ris´es, les dipˆoles qui vont fluorescer sont ceux qui sont align´es avec la polarisation et le photon r´e´emis sera lui aussi parall`ele au dipˆole. Mais si la mol´ecule tourne pendant l’intervalle de temps s´eparant l’excitation de la fluorescence, la

polari-Temps (s) In te ns ité ( U A ) (a) (b)

Figure 1.20 – Photoblanchiment. A gauche (a) mesures de la r´eorientation de

l’anthrac`ene dans l’OTP `a 236,5 K : intensit´e du signal lumineux en fonction du temps parall`element (en dessous) et perpendiculairement (au dessus) `a la pola-risation de photoblanchiment. En (b) temps de relaxation dans un diagramme d’Arrh´enius obtenu `a partir des mesures de (a) d’apr`es [40].

sation du photon r´e´emis aura tourn´e elle aussi. En mesurant au cours du temps la fluorescence ´emise parall`element `a l’excitation, on voit qu’elle relaxe vers une constante. Si on la mesure perpendiculairement elle est nulle `a temps tr`es court et augmente vers la mˆeme constante que la fluorescence parall`ele. En effet les mol´ecules excit´ees voient leur orientation varier au fur et `a mesure que le liquide relaxe.

L’inconv´enient de la fluorescence est que sa d´ecroissance est rapide `a cause de la faible dur´ee de vie de l’´etat excit´e et ne permet donc de sonder que des ´echelles de temps tr`es courtes. De plus, il est difficile de reproduire un grand nombre de fois les exp´eriences de fluorescence avec les mˆemes mol´ecules `a cause du ph´enom`ene de photoblanchiment : `a partir de l’´etat excit´e une r´eaction chimique est en concurrence avec la fluorescence et la nouvelle mol´ecule obtenue ne peut plus fluorescer. Ce ph´enom`ene qui gˆene les mesures de fluorescence a ´et´e utilis´e pour la premi`ere fois par Cicerone et Ediger [40] pour mesurer les corr´elations de la dynamique dans les liquides surfondus.

Des mol´ecules fluorescentes (ici du tetrac`ene) sont dispers´ees en tr`es faible quantit´e (environ 10 ppm [40]) dans un liquide surfondu (ortho-terph´enyl, OTP). On suit ici la dynamique de la sonde (le t´etrac`ene) mais comme les mol´ecules

Figure 1.21 – Temps de relaxation de mol´ecules de t´etrac`ene dans l’OTP en fonc-tion du temps d’attente apr`es avoir fait blanchir 60 % des mol´ecules de t´etrac`ene.

On coustate que cette relaxation est beaucoup plus rapide loin de Tg. D’apr`es [41].

sondes ressemblent beaucoup `a l’OTP, on suppose qu’elles vont avoir les mˆemes taux de r´eorientation. De plus la faible quantit´e de mol´ecules sondes permet de peu modifier par leur pr´esence la dynamique du liquide surfondu.

Les mol´ecules de t´etrac`ene sont excit´ees par un laser polaris´e intense qui d´eclenche le photoblanchiment. Dans l’´etat fondamental des mol´ecules sondes il y a alors un d´eficit de mol´ecules de polarisation parall`ele au laser puisque toutes ont photoblanchi. On coupe alors le laser intense et on effectue des mesures de

fluorescence au cours du temps avec un laser 106 fois moins intense que celui qui a

caus´e la r´eaction chimique. Juste apr`es l’excitation du premier laser, il y a un d´eficit de fluorescence de polarisation parall`ele au premier laser. Au cours du temps cette anisotropie va relaxer, et c’est ce qui est mesur´e grˆace `a la fluorescence parall`ele et perpendiculaire au premier laser, cf. la figure 1.20 - a.

De ces courbes de relaxation, on peut extraire les temps correspondants. Ils sont beaucoup plus longs que ce qui est accessible avec d’autres techniques : jusqu’`a

105 s. Ils sont pr´esent´es figure 1.20 - b. Remarquer que des mesures `a l’´equilibre ont

´et´e prises sous Tg grˆace `a une cellule de mesure sp´ecialement con¸cue pour ne pas

appliquer de stress m´ecanique `a l’´echantillon et lui permettre donc de demeurer `a l’´equilibre lorsque la temp´erature diminue (ce qui est important puisque si l’on quitte l’´etat d’´equilibre, il faut des temps tr`es longs pour y retourner).

Cette technique de photoblanchiment est une sonde des mouvements et de la relaxation orientationnelle des mol´ecules qui donne acc`es `a des temps de relaxa-tion difficilement accessibles `a d’autres techniques. Son effet de filtre temporel permet de r´ealiser des mesures similaires `a celles effectu´ees en RMN ou en hole-burning di´electrique. L’´echantillon est illumin´e au laser non polaris´e pendant le temps n´ecessaire pour faire blanchir les 60 % de mol´ecules les plus rapides [41]. On r´ep`ete ensuite apr`es un intervalle de temps ∆t l’exp´erience de photoblanchiment qui vient d’ˆetre pr´esent´ee et on observe (figure 1.21) que les mol´ecules restantes relaxent beaucoup plus lentement si ∆t est court et retrouvent une relaxation nor-male si ∆t est long. Ce travail a ´et´e r´ealis´e pour quelques temp´eratures proches de la transition vitreuse et a montr´e que cet effet d’h´et´erog´en´eit´e survit plus longtemps lorsque la temp´erature est plus basse. Ceci est une preuve de l’h´et´erog´en´eit´e des temps de relaxation, et donc de l’h´et´erog´en´eit´e de la dynamique. Il existe donc des preuves exp´erimentales que la dynamique des liquides surfondus est h´et´erog`ene. Nous allons pr´esenter par la suite des mod`eles qui permettent de rendre compte des ph´enom`enes observ´es dans les exp´eriences.