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II.2 Photoémission

Nous l’avons dit, le mode de croissance épitaxiale d’un matériau sur un substrat dépend de l’hétéro-généité chimique d’une part et cristallographique d’autre part (cf. chap. I.3.1). On s’intéresse dans cette partie à la spectroscopie de photoélectrons (XPS pour X-ray Photoelectron Spectroscopy), une méthode de caractérisation chimique des surfaces et des interfaces.

II.2.1 Principe

L’XPS est une technique née dans les années 50 des travaux du professeur Siegbahn (prix Nobel de physique 1981) qui permet une analyse non-destructive des surfaces et en particulier des liaisons chimiques des atomes de surface. Elle repose sur l’effet photoélectrique observé pour la première fois par Frank et Hertz en 1887.

Le principe de la spectroscopie de photoélectrons repose sur une théorie relativement simple. Excité par un photon X d’énergie hν, un électron de coeur de l’atome d’énergie de liaison El est éjecté avec une énergie cinétique Ec (fig. II.2). En appliquant la règle de conservation de l’énergie, on détermine l’énergie de liaison de l’électron Elcomme la différence entre l’énergie du photon incident et l’énergie cinétique du photoélectron (relation d’Einstein, équation de base de la spectroscopie de photoélectrons) :

El= hν − Ec (II.1) En scannant l’énergie cinétique des photoélectrons, le détecteur compte les électrons depuis les électrons de coeur les plus profonds jusqu’aux électrons les plus faiblement liés (bande de valence).

FigureII.2 – Diagramme d’énergie de la photoémission113.

Un spectre XPS correspond à la signature chimique des éléments constituant la surface du matériau considéré.

Chapitre II - Techniques expérimentales

En effet, les électrons émis lors du processus de photoémission peuvent subir des chocs inélastiques lors de leur sortie de l’échantillon. On définit pour ces électrons un libre parcours moyen qui dépend de la nature et de la densité du matériau traversé et de l’énergie cinétique de l’électron. Ce libre parcours moyen est généralement de l’ordre de quelques nanomètres.

La profondeur d’analyse de la spectroscopie de photoélectron dépend donc de ce libre parcours moyen mais aussi de l’angle d’émission c’est-à-dire l’angle auquel est placé l’analyseur par rapport à la surface de l’échantillon.

Les photoélectrons qui subissent des chocs inélastiques avant de sortir de l’échantillon ont donc une énergie cinétique diminuée. Leur énergie de liaison apparaît alors supérieure à l’énergie de liaison du niveau de coeur considéré. Ces électrons contribuent à la formation d’un fond continu du côté des hautes énergies de liaison.

II.2.2 Le déplacement chimique

La spectroscopie de photoélectrons (XPS) est, avant tout, une analyse chimique et non destructive de la surface d’un échantillon. Elle a été utilisée, dans le cadre de cette thèse, pour une analyse fine des liaisons chimiques à la surface du substrat (STO) et à l’interface (Ge/STO).

Le déplacement chimique en spectroscopie de photoélectrons est un phénomène qui a été découvert puis expliqué par l’équipe de Siegbahn de l’université d’Uppsala en 1957122et 1963123et qui est essentiel en XPS. On appelle alors cette technique ESCA (pour Electron Spectroscopy for Chemical Analysis). Lors de la formation de liaisons chimiques avec d’autres espèces, l’environnement électronique d’un atome est modifié. Il y a transfert de charges. Dans le cas de liaisons même partiellement ioniques, l’atome voit sa charge apparente augmenter ou diminuer. Les électrons de coeur réagissent à cette modification de l’environnement électronique de l’atome, par rapport à la situation d’un atome isolé, par des variations d’énergie d’orbitale de 0.1 à quelques eV. Dans le cas d’une diminution de la charge apparente des élec-trons de valence ou d’une augmentation du degré d’oxydation de l’espèce, les élecélec-trons de coeur vont apparaître avec une énergie de liaison plus importante. Dans le cas inverse, l’énergie de liaison apparente des électrons de coeur va diminuer.

Une analyse fine des pics de photoémission va donc permettre de déterminer les différents environnements chimiques des atomes présents à la surface de l’échantillon. Le déplacement chimique est, en particulier, caractéristique du degré d’oxydation de l’espèce considérée ou encore de la nature et de la coordinance des espèces environnant l’atome émetteur.

II.2. Photoémission

Ainsi, les travaux présentés dans cette thèse s’intéressent-ils aux pics de photoémission du Ti et du Ge. Un exemple d’étude de déplacement chimique des pics de photoémission 3d du Ge est présenté sur la figure II.3.

Figure II.3 – Exemple d’ajustement du pic de photoémission Ge3d avec des composantes correspondant au degrés d’oxydation 0, 1, 2, 3 et 4 du Ge extrait de la référence 124.

Nous présenterons dans la suite de ce travail, comme ils apparaissent sur cette figure, des résultats d’analyse des environnements chimiques des espèces considérées à partir des déplacements chimiques observés sur les pics de photoémission.

II.2.3 Analyse des spectres

L’analyse d’un spectre de photoémission doit permettre d’identifier tous les pics et d’extraire toutes les composantes de ces pics.

Il est à noter, dans un premier temps, que certains pics sont dédoublés en raison du couplage spin-orbite des électrons. Un électron est caractérisé, outre son nombre n de couches, par un moment angulaire orbi-tal l (s,p,d,f) et par un spin s (±1/2) dont le couplage donne un moment angulaire toorbi-tal j (j = |l ± s|). Il y a donc deux états possibles pour tous les électrons des sous-couches l 6= 0 (p,d,f) caractérisés par une différence d’énergie de liaison.

Dans notre étude, nous avons travaillé essentiellement sur les pics Ti3p, pour lequel le doublet de pic n’est pas discernable, et Ge3d pour lequel nous avons utilisé les valeurs décrites dans la référence 125.

Chapitre II - Techniques expérimentales

FigureII.4 – Pic de photoémission Sr3d d’un substrat de SrTiO3montrant le multiplet de spin-orbite.

La photoémission étant basée sur le principe de l’effet photoélectrique, des effets de charge pendant la mesure peuvent venir fortement perturber les résultats, notamment dans le cas d’échantillons isolants. Dans notre dispositif expérimental (cf. section III.3.1) en particulier, le chauffage par passage du courant dans un substrat de Si, accolé à l’échantillon, est directement à l’origine d’effet de charge dans l’échan-tillon qui entraîne, pendant la mesure, un décalage des pics de photoémission observés. Par la suite, donc, pour réaliser l’analyse des résultats obtenus sur les échantillons de STO et Ge/STO, tous les spectres de photoémission ont été recalés en énergie de liaison en utilisant comme référence les positions Ti4+

(l’atome de Ti dans son environnement volumique dans le STO) pour le pic Ti3p et Ge0 (l’atome de Ge dans son environnement volumique dans le Ge) pour le pic Ge3d.

Les positions des différentes composantes des pics de photoémission ont été considérées relativement à ces pics de référence (Ti4+ et Ge0) et ces déplacements chimiques ont été comparés aux valeurs de la littérature pour une identification de chaque composante.

Au préalable, un fond de type Shirley a été soustrait pour chaque pic de photoémission pour prendre en compte les interactions inélastiques des photoélectrons émis dans le volume. Puis les spectres ont été ajus-tés avec autant de composantes de type Voigt que nécessaires en fixant une même largeur à mi-hauteur pour toutes les composantes, en fixant les rapports d’intensité des doublets dus au couplage spin-orbite et en fixant les distances entre les composantes à l’aide de la littérature.

II.2.4 Aspects techniques

Les expériences de spectroscopie de photoélectrons présentées dans cette thèse ont été réalisées sur la ligne TEMPO du synchrotron SOLEIL.

SOLEIL est le centre français de rayonnement synchrotron. C’est un accélérateur de troisième génération émettant dans une large gamme spectrale (de l’infra-rouge lointain aux rayons X durs).