• Aucun résultat trouvé

Une philosophie qui s’éloigne de celle du ski alpin

Dans le document L’histoire du freeski (Page 90-92)

PARTIE III : L’HISTOIRE DU FREESK

Section 1 Une philosophie qui s’éloigne de celle du ski alpin

Le freeski va se construire dans les premiers temps sur l’opposition avec la culture du ski alpin. Selon Mike Douglas qui est aujourd’hui l’une des plus grandes figures du freeski : « Dans les années 1990, le ski s’étouffait. Le freestyle de la FIS était chiant et pas

du tout créatif. Ce que faisait les gars en big mountain était bien plus intéressant, mais c’était très élitiste, inaccessible au skieur moyen. »209. Le ski semble donc souffrir d’un

manque de renouvellement. Il est centré sur les compétitions, les chronomètres, les performances et les débuts d’un freeride encore balbutiant montrent un désir de s’émanciper des lourdes règles des fédérations et du poids du conservatisme des grands industriels. Interrogé sur la progression du freestyle depuis sa création, Mike Douglas explique ainsi : « Au début, ma plus grande peur était que la FIS essaye de contrôler le

freestyle et le tue avec ses règles. On a gagné la bataille il y a longtemps et maintenant le freestyle est suffisamment fort pour marchez tout seul ». Si ces propos peuvent paraître

rudes, Mike Douglas n’est pas le seul à expliquer cet éloignement, pour ne pas dire cette opposition avec le ski alpin traditionnel. Dans le même magazine, son ami Vincent Dorion explique que le freestyle newschool est né « à cause d’un certain manque dans le ski ». Même Henri Authier, l’un des pères du ski acrobatique explique : « Les règles savamment

étudiées par la FIS ont tué le ski parce qu’elles ont étouffées toute créativité » 210. Il règne

pendant longtemps une sorte d’incompréhension de la part des skieurs alpins vis-à-vis de ces nouveaux pratiquant du ski. Dans le même numéro, Fabien Maierhofer s’adonne à un exercice d’auto-interview et l’une de ses question est : « Ta réaction au manque

d’ouverture d’esprit des représentants du ski alpin? (Rien ne sert d’être con, d’autres s’en chargent) ». Il répond en expliquant que le freeski demande lui aussi énormément de

travail contrairement à ceux que pensent les grandes instances du ski alpin. Fabien

209

Interview de Mike Douglas dans Weski : JACCOUX Camille, Carte Vermeil, in Weski n°07, fev/mars 2007, p.134.

210

Cité dans : EULALIE CC.C, Once upon a time : le ski freestyle... ? In WESKI, n°2, freepresse, Le Bourget du Lac, dec/jan/fev 2005/2006, p.56.

Cattaneo explique dans une interview en 2005. « J’ai démissionné de mon poste

d’entraineur au printemps car j’en avais un peu marre de me taper la tête contre les murs avec les politiques. Par rapport au développement du freestyle par la FFS, je pense que s’il n’y avait pas les enjeux personnels et les querelles des disciplines, la fédé pourrait faire du bon boulot. Malheureusement, une fédé sans tout cela n’est plus une fédé. ». Il

manque clairement un coté ludique et libre dans le ski des années 1990 où règnent la culture de la performance et de la technicité. Les skis reste rigides et difficiles à prendre en main et les lourdes fédérations peinent à renouveler leur image, engluées dans des considérations politiques. Il y a donc un désir visible d’émancipation chez une partie des skieurs des années 1990, ceux qui inventeront le freeski. Ils sont principalement jeunes, originaires des stations de sports d’hiver et souvent fils et filles de skieurs et de moniteurs. Il sont donc habitués à la pratique du ski depuis leur plus jeune âge211 mais ils développent à l’adolescence et au passage à l'âge adulte une autre vision de ce que peut être le ski.

Dans les années 1980 et 1990, on voit apparaitre des skieurs qui font du freeride ou du monoski avec un esprit plus ouvert, plus libre que celui du ski alpin. C’est aussi la période de l’invention des snowblades ou des mini-skis qui confèrent une maniabilité accrue et permettent notamment de faire des sauts, ce qui contribue à apporter un coté plus ludique au ski. Le monoski a aujourd’hui presque totalement disparu et très rares sont les marques qui en produisent encore. Malgré tout son rôle est primordial puisqu'à la toute fin du XXe siècle, il permet l'émergence d'une culture qui se démarque rapidement de celle du ski alpin, grâce au goût pour des vêtements fluorescents et à un intérêt affirmé pour les sauts, la poudreuse et les images. Apocalypse Snow, le film de Didier Lafond de 1983 tourné aux Arcs en Savoie est un très bon exemple de cette nouvelle culture qui se développe. Il est un véritable OVNI télévisuel à l’époque de sa sortie en VHS. Mais

Apocalypse Snow est aussi la révélation du phénomène snowboard, avec Regis Rolland,

pionnier du snowboard en France. D’abord orienté freeride, avec des planches en queue de pie, comme dans le film que nous venons de citer, le snowboard développe par la suite l’esprit freestyle et attire un public de jeunes de plus en plus nombreux, prenant nettement le pas sur le snowboard alpin. Dans les années 1990 « the ski industry was going down

very fast. Virtualy, anyone under 25 was going straight to the snowboard » explique ainsi

Mike Douglas212. Le snowboard freestyle apporte de nouvelles techniques et une nouvelle vision du ski axée sur les notions de liberté et de style loin des fédérations et de l’esprit de

211

Il suffit de lire les biographies que l’on trouve sur internet des premiers freeskier pour s’en rendre compte. 212

compétitions. Il privilégie la poudreuse et les sauts aux pistes damées et aux antiques piquets de slalom. Le snowboard freestyle et freeride est d’ailleurs assez mal accueilli par les skieurs alpins et par les fédérations de skis qui tardent à l’accepter comme une véritable discipline. Il n’existe d’ailleurs toujours pas de fédération française de snowboard et celui-ci est sous représenté au sein de la fédération française de ski. Aujourd'hui encore, les moniteurs qui souhaitent enseigner cette pratique doivent en effet passer par le Brevet d’Etat de ski alpin qui comporte une partie de snowboard. Mais le snowboard plait aux jeunes et aux premiers freeskiers qui sont inspirés par les premiers freestylers professionnels. Dans un reportage diffusé en 2007 dans le magasine culturel de la chaine télévisé franco-allemande Arte et nommé « Switch Ski », Dimitri Charrière explique : « On

s’est inspiré des lignes des snowboarders qui pour nous étaient un peu plus innovantes.

»213. Mike Douglas explique aussi que le snowboard avait toute une « énergie » que le ski n’avait pas214. Pour Candide Thovex, si le « ski freestyle existe aujourd’hui, c’est grâce au

snowboard »215. Les freeskiers s'immiscent donc dans cette culture nouvelle, et sont «

rattrapés dans ce qui est devenu un style de vie, comme les snowboarders »216. Les premiers freestylers se mettent à la vidéo puis attirent des sponsors (souvent les même que ceux déjà présents en snowboard) libérés de l’esprit de compétition et des règles des fédérations. Ils s’inspirent aussi largement des autres sports de glisses.

Dans le document L’histoire du freeski (Page 90-92)