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La phase d’implantation : La réalisation d’activités en réseau

CHAPITRE 3 : RÉTROSPECTIVE ET PROSPECTIVE

3.1 La mise en œuvre de l’ÉÉR : rétrospective

3.1.2 La phase d’implantation : La réalisation d’activités en réseau

Cette phase, qui elle aussi implique bon nombre d’acteurs locaux et leurs collaborateurs, est caractérisée par le passage à l’acte (de manière de plus en plus cohésive) :

Pattern : Des dirigeants qui investissent. Ils mettent en place des conditions favorables à l’innovation et les rendent quantitativement et qualitativement

« attrayantes » : bonne largeur de bande passante, incitatifs (entre autres, ordinateur portable pour les participants, temps de planification dans la tâche), ajustements dans les tâches et responsabilités de leurs proches collaborateurs (directeurs d’école, animateur RÉCIT et conseillers pédagogiques), participation aux décisions pour les enseignants en ce qui concerne le dispositif d’innovation et les visées à long terme concernant l’ÉÉR dans leur milieu. Les enseignants ont l’impression qu’ils ont accès aux ressources nécessaires afin de réaliser des activités d’apprentissage en réseau.

Pattern : Des administrateurs qui sont créatifs et attentifs. Les directions d’école parlent de l’ÉÉR. Ils défient et abattent les obstacles qui se présentent en cours de mise en oeuvre: révision de l’horaire ou de la tâche d’un enseignant, recherche de jumelages, rencontre de parents. Les animateurs RÉCIT et des conseillers pédagogiques prêtent main-forte afin de réduire les inquiétudes des uns, reformuler les attentes saugrenues et appuyer les initiatives des autres.

Pattern : Des outils qu’on découvre. D’abord, les intervenants en saisissent le fonctionnement de base et, ensuite, le montrent à d’autres. À travers les premières activités mises en branle, les élèves manifestent aussi qu’ils en maîtrisent les fonctions de base (prise de parole sur iVisit, écriture de notes sur le Knowledge Forum). C’est par la diversification des usages d’iVisit qu’on en explore les possibilités (voir l’annexe 1). C’est par le recours aux fonctions du Knowledge Forum qui sont d’ordre métacognitif (échafaudages, mots-clés, données de l’ATK38) ainsi que par la combinaison des échanges verbaux (en classe ou sur iVisit) et écrits que l’élaboration du discours de la classe en réseau peut progresser. Ce sont aussi les fondements théoriques derrière le Knowledge Forum qui sont mis en application au fur et à mesure que celui-ci est maîtrisé par les intervenants et les élèves. Les TIC prennent un nouveau sens; on les met au profit de l’amélioration des idées plutôt que de les considérer dans une seule perspective instrumentale et ludique.

Pattern : Des élèves qui sont engagés. Non seulement un bon nombre d’élèves se montrent-ils intéressés à l’usage des outils mais ils demeurent à la tâche lorsqu’ils les utilisent. En fait, peu de problèmes de discipline se posent. Les enseignants confient des responsabilités nouvelles aux élèves, par exemple, un rôle de mini-profs auprès d’élèves plus jeunes. Plus encore, les élèves jouent un rôle actif lorsqu’ils sont en réseau : rédaction de contributions, rétroactions constructives sur les contributions de leurs collègues et d’experts externes, travail en coopération afin de comprendre un problème complexe.

Pattern : Des activités qui roulent. Une activité terminée en entraîne une prochaine… Il y a engrenage et de la suite dans les idées. Différents élèves sont engagés dans différentes tâches au sein de la classe (fonctionnement multitâche) : certains formulent leurs théories personnelles à propos d’un problème pendant que d’autres consultent des sources éprouvées susceptibles d’y apporter un éclairage;

certains élèves travaillent sur iVisit, pendant que d’autres élèves font des activités en arts plastiques pour illustrer leurs idées, et que d’autres élèves se documentent pour étoffer leur contribution. Les rôles se distribuent. La mise en route de nouvelles activités ne vient plus troubler la routine de la classe, mais s’y intègre. Les enseignants se rencontrent en vidéoconférence à la fin de la journée pour faire le bilan de l’activité interclasse et planifier les suites. Ils se rencontrent en équipe, avec le conseiller pédagogique et/ou l’animateur RÉCIT et les directions pour discuter des prochaines activités, pallier les difficultés et réfléchir ensemble à la mise en œuvre de l’ÉÉR.

38 L’Analytic ToolKit (ATK) produit des données de base sur le discours de la classe en réseau, données qui permettent à l’enseignant et aussi aux élèves de voir comment se porte leur façon d’utiliser le KF à des fins de coconstruction d’un discours sensé par rapport au questionnement qui les habite.

Pattern : Pollinisation du leadership. Plusieurs intervenants exercent du leadership.

L’ÉÉR n’est pas le fait d’une seule personne. Il se manifeste à tous les niveaux (epistemic agency) : au comité de suivi où sont présents des partenaires du milieu, dans les écoles partenaires et, aussi et surtout, dans les écoles pilotes. Des enseignants réalisent des activités dont on parle localement et lors des séances de transfert de connaissances CEFRIO. Moins d’enseignants ont besoin que le parcours soit étayé d’avance. On se dirige vers un processus d’accommodation, c’est-à-dire faire des choses qu’on arrivait mal ou pas du tout à faire auparavant.

Pattern : Des idées qui naissent et qui cheminent. Des façons de faire usage des nouveaux outils sont imaginées, à deux ou à plusieurs enseignants ainsi qu’en classe.

Parmi les quatre types de discours observés sur le Knowledge Forum, environ 27 % du discours est de type coconstruction, ce qui signifie qu’on y fait plus qu’accumuler ou consigner des notes ou, encore, d’y tenir des échanges parallèles. Ce 27% de discours est plutôt consacré à apprendre à négocier avec d’autres ses idées en cours d’approfondissement d’une question ou d’interprétation d’un événement.

Pattern : Des élèves qui améliorent leur vocabulaire. Peu à peu, l’approfondissement des questions initiées qui prend place requiert des élèves la consultation de ressources plus pointues. Ils sont alors en contact avec le lexique du domaine scientifique autour duquel ils cherchent et en font usage à l’intérieur même des notes qu’ils écrivent pour mieux nommer et parler des phénomènes impliqués dans la compréhension des questions investiguées. Non seulement le nombre de nouveaux mots introduits sur le Knowledge Forum a-t-il tendance à augmenter au fil du temps pour des activités connexes, mais l’utilisation faite du lexique est adéquate quand on la considère par rapport au contexte d’utilisation.

Pattern : Des résultats en compréhension écrite observés. La performance des élèves en compréhension de lecture est vérifiée en cours de passage à une dynamique qui met de l’avant la résolution de problème collective où les élèves sont appelés à se lire entre eux et à s’approprier des références permettant d’élucider leurs investigations de groupe. Au primaire, dans une forte proportion d’écoles pilotes et partenaires, une performance accrue est constatée. Cette augmentation est aussi constatée auprès des écoles témoins, ce qui soulève cependant la question de l’attribution de l’effet du traitement. Au secondaire, les résultats restent plus ambigus.

Des enseignants qui se créent un réseau. Une certaine satisfaction à travailler en réseau est ressentie. On y trouve de l’intérêt. Cela brise l’isolement car le réseau professionnel s’agrandit! On développe des complicités… On sait qui consulter et où aller pour trouver de l’aide. Des réseaux d’entraide se créent. C’est le début de la mise en place d’une culture de réseau pour les enseignants ÉÉR.

Pattern : Une osmose qui prend place. C’est l’émergence d’une concertation interniveau. Des jumelages se consolident, des paramètres de collaboration entre partenaires s’établissent. La nouvelle structure qui prend forme soutient les enseignants dans leur pratique quotidienne. Une dynamique d’approfondissement s’installe.

La présence de ces patterns ne signifie pas que tout va bien lorsqu’on rénove car il faut composer avec des délais, des ratés et des reculs. En phase d’implantation de l’ÉÉR, voici des exemples de ces situations :

• La bande passante continue de se faire attendre par endroits compte tenu des délais de planification ou de réalisation en lien avec Villages branchés ou des fournisseurs locaux.

• Le roulement de personnel peut être élevé, surtout dans les écoles pilotes, mais aussi au sein de la commission scolaire. Il faut alors recommencer à orienter les intervenants, expliquer l’ÉÉR, les principaux outils utilisés, fournir des exemples de ce qui est possible, etc. Les nouveaux doivent en plus s’initier aux outils.

• Un intervenant avec expérience dans l’ÉÉR est aussi confronté à de nouveaux défis, par exemple :

o s’il agit de l’intérieur de la classe, réussir une collaboration avec de nouveaux collègues, démarrer un nouveau type d’activité sur iVisit, utiliser une fonctionnalité du Knowledge Forum jusqu’à présent demeurée inconnue;

o s’il agit de l’extérieur de la classe, agencer des horaires en composant avec de nouvelles contraintes qui se présentent en cours de route, faire comprendre de nouvelles façons de faire aux parents;

o s’il agit de l’extérieur de l’école, arrimer son action aux pratiques émergentes dans l’école pilote, répondre à des demandes d’enseignants pouvant apparaître de niveau avancé, intervenir auprès d’enseignants qui innovent et auprès d’enseignants qui résistent à l’innovation.

• Perdre de vue que la raison sociale qui donne sens à l’ÉÉR est la qualité de l’éducation dans les très petits villages. Des tensions surgissent alors qu’on confond l’ÉÉR avec l’offre de cours à distance et que se renforce la crainte que moins d’intervenants soient sur place. La valeur ajoutée que des enseignants trouvent dans l’ÉÉR, soit un moindre isolement et une meilleure motivation des élèves, est alors oubliée.

Nonobstant ce qui précède, un pattern est absent, soit celui qui mettrait en évidence que des enseignants qui travaillent en réseau se répartissent une tâche d’enseignement (par exemple, l’enseignement des sciences à des élèves de deux classes différentes). La logique de télécollaboration qui prévaut présentement met en évidence la co-opération plutôt que la répartition. Elle fait beaucoup de sens en termes d’enrichissement de l’environnement d’apprentissage et cette logique apparaît viable au primaire puisque des interactions en mode asynchrone et en mode synchrone sont observées. Cependant, et c’est là où le bât blesse, les interactions en mode synchrone entre les élèves (iVisit) sont quasi absentes au secondaire. Les difficultés éprouvées au niveau de la coordination des horaires doivent être atténuées et les pratiques pédagogiques doivent être diversifiées pour que les élèves de petites écoles secondaires puissent interagir avec plus de personnes (intervenants et élèves) au cours de leurs

études secondaires. La prise en considération de ces deux pistes de développement paraît incontournable pour l’institutionnalisation de l’ÉÉR au secondaire.