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Consid´erons un syst`eme quantique coupl´e `a son environnement par l’interm´ e-diaire d’un ensemble de param`etres repr´esent´e par le vecteur R. Le hamiltonien ˆH du syst`eme, ainsi que ses vecteurs propres |mi et valeurs propres εm sont alors des fonctions de ces param`etres : ˆH(R), |m(R)i et ε(R), que nous supposerons r´egu-li`eres. Nous supposerons dans tout ce qui suit que le syst`eme est pr´epar´e initialement dans un certain ´etat stationnaire|n(R)i. Le probl`eme qui va nous int´eresser survient lorsque le jeu de param`etres R est d´ependant du temps : R = R(t).

6.1.1 Approximation adiabatique

Si le hamiltonien est ind´ependant du temps, l’´evolution temporelle du syst`eme se r´eduit `a l’accumulation d’une phase dynamique δn :

|Ψ(t)i = exp(iδn)|n(R)i , δn=−εn(R) t/~ . (6.1) Lorsque au contraire les param`etres de couplage `a l’environnement sont d´ epen-dants du temps, l’´evolution du syst`eme est plus complexe. En effet, les axes propres

Chapitre 6 - Phase de Berry et potentiels géométriques

|m(R(t))i du hamiltonien tournent maintenant au cours de l’´evolution temporelle, ce qui peut entraˆıner des transitions du syst`eme entre son ´etat initial |n(R)i et des ´etats adjacents en ´energie. Il reste n´eanmoins un cas simple `a ´etudier : celui d’une ´evolution adiabatique, pour laquelle de telles transitions peuvent ˆetre n´eglig´ees. Le th´eor`eme adiabatique (voir par exemple Messiah,1995) garantit alors que l’´etat du syst`eme est `a chaque instant parall`ele au vecteur propre instantan´e|n(R(t))i du ha-miltonien ˆH(R(t)), obtenu par continuit´e `a partir de |n(R(0))i. En termes formels, l’approximation adiabatique contraint l’´etat du syst`eme `a v´erifier la relation

ˆ

H(R(t))|Ψ(t)i = εn(R(t))|Ψ(t)i , ∀t > 0 , (6.2) ou de mani`ere ´equivalente

|Ψ(t)i = exp(iζn(t))|n(R(t))i . (6.3) La validit´e du th´eor`eme adiabatique requiert que les probabilit´es pn

m(t) de trou-ver le syst`eme `a l’instant t dans l’´etat |m(R(t))i soient faibles. On peut montrer (Messiah,1995, chap. 17) que cette condition se met sous la forme

hm(R(t))|d dtn(R(t))i 2  1 ~2n(R(t))− εm(R(t)))2 , ∀t > 0 , (6.4) o`u la notation |d dtn(R(t))i repr´esente le vecteur d

dt|n(R(t))i. Il va de soi que cela implique notamment que le spectre ne soit `a aucun moment d´eg´en´er´e.

6.1.2 Origine de la phase de Berry

Berry s’est demand´e ce que contenait la phase ζn(t) qui apparaˆıt dans l’expression (6.3). Dans le cas ind´ependant du temps celle-ci se confond avec la phase dynamique δn. La phase dynamique sera ´egalement pr´esente dans le probl`eme d´ependant du temps, quoique sous sa forme g´en´eralis´ee

δn(t) =−1 ~

Z t 0

dt0εn(R(t0)) . (6.5) Nous ´ecrirons ainsi

ζn(t) = δn(t) + γn(t) , (6.6)

la question ´etant maintenant de d´eterminer la contribution γn(t). C’est cette contri-bution qui constitue la phase de Berry.

La d´eriv´ee par rapport au temps de γn(t) est fix´ee par l’´equation de Schr¨odinger : i~d

dt|Ψ(t)i = ˆH(R(t))|Ψ(t)i . (6.7) Faisant usage de (6.3) et remarquant que la d´eriv´ee par rapport au temps agit ´egalement sur R(t), il vient :

− ~ ˙ζn(t)|n(R(t))i + i~ |d

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o`u l’on a ´elimin´e le facteur exp(iζn) apparaissant dans les deux membres. En com-binant (6.6) et (6.5), on peut simplifier l’´equation pr´ec´edente et obtenir, apr`es pro-jection sur|n(R)i,

˙γn(t) = ihn(R(t))|d

dtn(R(t))i . (6.9)

L’int´egration de cette relation entre 0 et t fournit l’expression recherch´ee : γn(t) = i

Z t 0

dt0hn(R(t0))|ddt0n(R(t0))i , (6.10a) ou de mani`ere ´equivalente

γn(R(t)) = i Z R(t)

R(0)

dR0· hn(R0)|∇R0n(R0)i . (6.10b) Sous la forme (6.10b), toute r´ef´erence au temps ayant disparu, il est clair que la contribution γn n’est pas dynamique, mais g´eom´etrique1. Il faut noter enfin que le caract`ere r´eel de γn est assur´e par le fait que la norme de |n(R(t))i est conserv´ee lors du d´eplacement R(0)→ R(t) :

Rhn(R)|n(R)i = hn(R)|∇Rn(R)i + h∇Rn(R)|n(R)i = 0 . (6.11) 6.1.3 Transformations de jauge

La d´efinition que nous avons donn´e de la phase de Berry repose sur l’´equation (6.3) ; or celle-ci n´ecessite un choix, arbitraire, de la phase du vecteur de base|n(R)i en tout point R. Un tel choix ne doit en principe changer auncune des propri´et´es observables du syst`eme, ce qui pose naturellement la question de l’univocit´e de la phase de Berry. Dans toute situation concr`ete, la phase de Berry ne peut se manifes-ter que si la trajectoire R(t) est ferm´ee. Sur une trajectoire particuli`ereC, la phase de Berry est alors donn´ee par l’int´egrale

γn(R(t)) = 1 ~

I C

dR0· An(R0) , (6.12)

o`u nous avons introduit le vecteur

An(R)≡ i~ hn(R)|∇Rn(R)i . (6.13)

Changer le choix de l’origine des phases en tout point consiste `a effectuer une trans-formation de jauge

|n(R)i → exp(if(R)) |n(R)i , (6.14)

o`u le facteur de phase exp(if (R)) est une fonction monovalu´ee. Apr`es une telle trans-formation, la phase de Berry est toujours donn´ee par la relation (6.12), `a condition d’effectuer la substitution

An(R)→ An(R)− ∇Rf (R) . (6.15)

1. L’interpr´etation g´eom´etrique de la phase de Berry a ´et´e formul´ee tr`es peu de temps apr`es le travail de Berry parSimon(1983).

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Le terme ∇Rf ne modifiant en rien l’int´egrale sur le contour ferm´eC, nous pouvons donc conclure que la phase de Berry est bien d´efinie de mani`ere univoque.

La possibilit´e d’effectuer des transformations de jauge soul`eve un autre point essentiel. Si l’on suppose que le vecteur |n(R)i est une fonction monovalu´ee de R sur un domaine de l’espace des param`etres incluant le contour C, il est toujours possible de d´efinir un choix de jauge tel que la phase de Berry sur le contour C soit identiquement nulle. Il suffit pour cela de d´efinir la fonction f (R) telle que la fonction d’onde associ´ee `a l’´etat exp(if (R))|n(R)i soir r´eelle sur l’ensemble de la trajectoire. La fonction An(R) est alors compl`etement r´eductible `a un gradient. La phase de Berry ne se manifeste donc qu’`a la condition que la fonction |n(R)i soit multivalu´ee.

Le vecteur An(R) prend une signification particuli`ere `a la lumi`ere de la discussion pr´ec´edente : il apparaˆıt comme l’analogue direct du potentiel vecteur magn´etique. Dans le cas o`u le jeu de param`etres R repr´esente une position dans l’espace, nous verrons bientˆot que cette analogie peut ˆetre pouss´ee assez loin. Pour cette raison, nous ferons r´ef´erence au vecteur An en tant que potentiel vecteur g´eom´etrique. 6.1.4 Rôle des dégénérescences

Nous consid´erons ici que la trajectoire parcourue par le jeu de param`etres R est un contour ferm´eC. Dans le cas tridimensionnel, le th´eor`eme de Stokes permet alors de reformuler l’´equation (6.12) et d’obtenir, avec une notation all´eg´ee :

γn(C) = −Im Z Z dS· ∇R∧ hn|∇Rni (6.16a) =−Im Z Z dS· h∇Rn| ∧ |∇Rni (6.16b) =−Im Z Z dS· X m6=n h∇Rn|mi ∧ hm|∇Rni , (6.16c)

o`u l’int´egration est effectu´ee sur une surface sous-tendue par le contour C, dS d´e-signant un ´el´ement infinit´esimal de cette surface. L’exclusion dans la somme est justifi´ee par l’´equation (6.11). En utilisant le fait que les vecteurs|mi sont des ´etats stationnaires d’´energie εm, on obtient pour les ´el´ements de matrice non diagonaux la relation :

hm|∇Rni = hm|∇Rε H|ni

n− εm (m6= n) . (6.17)

Nous disposons donc finalement d’une nouvelle expression de la phase de Berry sur un contour ferm´e, `a savoir

γn(C) = 1 ~

Z Z C

dS· Bn, (6.18)

o`u nous avons introduit

Bn≡ −~ × Im X m6=n

hn|∇RHˆ|mi ∧ hm|∇ ˆHR|ni

n− εm)2 . (6.19)

L’ expression (6.18) est int´eressante pour deux raisons. Elle permet tout d’abord de s’affranchir d’un choix de jauge f (R) explicite, puisque les vecteurs |∇mi n’y

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apparaissent plus. Le vecteur Bn= ∇∧ Anest en fait le champ « magn´etique » d´ e-rivant du potentiel vecteur An (nous parlerons de champ magn´etique effectif). La phase de Berry est donn´ee par le flux de ce champ `a travers toute surface sous-tendue par le contour ferm´e C. Un second avantage de cette expression est de faire appa-raˆıtre clairement le rˆole important jou´e par les d´eg´en´erescences « accidentelles » du spectre (par opposition `a celles li´ees `a une sym´etrie du hamiltonien). Supposons ainsi qu’une telle d´eg´en´erescence survienne en R = R0 entre l’´etat |ni et un ´etat |m0i. Il est clair d’apr`es (6.19) que la phase de Berry associ´ee `a une trajectoire proche de R0 est domin´ee par le terme faisant intervenir |m0i, puisqu’alors le d´enominateur (εn−εm0)2 tend vers 0. Dans le cas particulier des d´eg´en´erescences coniques2,Berry

(1984) a pu montrer que la contribution `a la phase adiabatique g´eom´etrique donn´ee par|γn| = iΩ(C)/2, o`u Ω(C) est l’angle solide sous-tendu par C en R0. La phase de Berry associ´ee aux d´eg´en´erescences coniques a ´et´e extensivement ´etudi´ee en chimie th´eorique (pour une revue, voir par exempleYarkony,1996).