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Partie I : Urgence et dispersion atmosphérique

Chapitre 1 : Caractérisation d’une situation d’urgence

1.5. Phasage d’une situation d’urgence

1.1.

Pourquoi vouloir caractériser les situations d’urgence

La notion de situation d’urgence à caractère technologique et chimique peut paraître triviale. Elle est de manière intuitive caractérisée par une forte pression temporelle portant sur des sujets sensibles.

Toutefois, la notion d’urgence est ambigüe. Elle n’est pas la même d’un individu à l’autre, d’un secteur d’activité à l’autre (nucléaire / chimie).

De plus, malgré une littérature fournie sur la notion de crise, il peut exister une ambiguïté entre les notions de situation d’urgence et de crise. Il existe une littérature relativement abondante sur la caractérisation d’une situation de crise [Dautun 2007]. La plupart des experts dans le domaine s’accordent à qualifier la crise d’événement hors du commun, inhabituel, exceptionnel, qui fait perdre à l’organisation affectée son univers de référence [Roux-Dufort 2000]. Pour [Lagadec 1997], « la crise c'est l'urgence plus la déstabilisation ».

Il est donc entrepris dans ce chapitre d’étudier de manière approfondie sur la base des documents existants y faisant référence, les attributs d’une situation d’urgence à caractère technologique et chimique.

1.2.

Structuration de la réponse opérationnelle des secours en France

Une source importante d’informations sur les situations d’urgence est constituée par les différents guides d’élaboration des plans d’urgence qui planifient l’organisation des services de secours en France.

La loi de la modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 définit un nouveau dispositif global d'organisation inter-services permettant de faire face, en situation d’urgence, à tous types d'événements majeurs. Ce dispositif se base notamment sur la réorganisation des plans d’urgence (ORSEC, PPI, PCS6) :

• La troisième génération ORSEC n'est plus désormais l'ultime outil en situation d'urgence, il devient l'élément fondateur du dispositif global d'organisation inter-services permettant de faire face à tous types d'événements majeurs.

• Le Plan Particulier d’Intervention (PPI) est une déclinaison du dispositif ORSEC en cas d’événement accidentel à caractère industriel.

• Le Plan Communal de Sauvegarde (PCS) forme le maillon local de l'organisation de la sécurité civile sous l’autorité du maire, il organise la réponse de proximité en prenant en compte l'accompagnement et le soutien aux populations ainsi que l'appui aux services de secours. Le PCS est le maillon local de l'organisation de la sécurité civile.

1.3.

Caractérisation des situations d’urgence sur la base des plans de secours

Les différents guides [DDSC 2006], [DDSC 2005], [DDSC 2007], aidant à la rédaction de ces plans, abordent la notion de situation d’urgence.

Selon le guide ORSEC, une situation d’urgence peut être d’origine diverse, a une durée qui peut aller de quelques instants à plusieurs jours, peut débuter avant l’occurrence réelle de l’évènement dommageable et peut être d’origine technologique et chimique avec des conséquences potentielles immédiates.

Dans le guide PPI, il est écrit qu’une situation d’urgence est caractérisée par une forte pression temporelle, peut être d’origine diverse (même dans le cas spécifique du risque technologique) et correspond à une situation anormale pouvant mener à un accident industriel majeur.

Le guide présente de manière explicite les trois phases d’un évènement de la sécurité civile (Figure 1) : l’urgence, le post-urgence et le retour à la normale. La phase d’urgence est caractérisée par quatre critères : période, durée, actions et intervenants. On retrouve les caractéristiques mises en évidence précédemment.

La situation d’urgence peut être soit antérieure à l’évènement, soit immédiatement postérieure. La durée d’une situation d’urgence peut durer plusieurs jours.

Figure 1 : Phase d’urgence selon le guide PCS

1.4.

Cas particulier du secteur nucléaire

Dans le secteur nucléaire, la définition d’une situation d’urgence est univoque.

Il y a tout d’abord la Directive interministérielle du 29 novembre 2005 relative à la réalisation et au traitement des mesures de radioactivité dans l’environnement en cas d’événement entraînant une situation d’urgence radiologique [RF29novembre 2005]. Il y est défini en chapitre 1.2 (Définitions), trois phases :

• Phase de menace : la période liée à un événement, précédant une éventuelle émission ; cette

phase peut ne pas exister en fonction de la nature de l’événement.

Phase d’urgence : la phase, caractérisée par une émission, durant laquelle des actions sont engagées, dans l’urgence, de manière rapide et organisée, notamment dans le cadre de plans de secours pris en application de la loi relative à la modernisation de la sécurité civile, de façon à limiter les conséquences d’un événement.

En complément à cette première définition de la phase d’urgence, la directive interministérielle du 7 avril 20057

a confié à l’ASN la responsabilité de mettre en place le Comité directeur pour la gestion de la phase post-accidentelle d’un accident nucléaire ou d’une situation d’urgence radiologique (CODIRPA) dont l’objectif est d’élaborer la doctrine relative à la gestion des conséquences d’un accident nucléaire ou radiologique. Le CODIRPA a ainsi constitué 9 groupes de travail réunissant environ 130 experts provenant d’horizons différents (commissions locales d’information, associations, élus, agences sanitaires, organismes d’expertises, autorités). Les réflexions se sont basées sur deux scénarios d’accidents de gravité moyenne sur un CNPE (Centre Nucléaire de Production d’Electricité) français. Le CODIRPA a mis au point des premiers éléments de doctrine.

Pour réaliser ses travaux, le CODIRPA a distingué trois phases dans le déroulement d’un accident nucléaire : la phase d’urgence, la phase post-accidentelle à court terme désignée « phase de transition », la phase post-accidentelle à long terme.

La phase d’urgence couvre la phase de menace qui précède la survenue des premiers rejets dans l’environnement, lorsqu’elle existe, et la phase de rejet accidentel qui provoque un panache radioactif se dispersant dans l’environnement. Elle se termine dès que l’installation à l’origine de l’accident est ramenée à un état sûr ne risquant pas de produire de nouveaux rejets radioactifs dans l’environnement.

Au cours de la phase d’urgence, les actions de protection des populations qui doivent être engagées (mise à l’abri et à l’écoute, prise d’iode stable, évacuation) visent à limiter l’exposition immédiate des personnes au panache radioactif ; elles sont organisées dans le cadre de plans de secours mis en œuvre par les pouvoirs publics : les Plans Particuliers d’Intervention (PPI). Les recommandations du CODIRPA ne concernent pas cette première phase mais tiennent compte des actions menées au cours de cette phase, par souci de continuité et de cohérence.

Le terme "crise nucléaire" désigne les événements pouvant conduire à une situation d'urgence radiologique sur une INB.

1.5.

Phasage d’une situation d’urgence

Sur la base de la Directive du 29 novembre 2005 relative à la réalisation et au traitement des mesures de radioactivité dans l’environnement en cas d’événement entraînant une situation d’urgence radiologique [RF29novembre 2005], C. Bronner [Bronner 2008] a proposé un phasage

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Cette directive relative à l’action des pouvoirs publics en cas d’événement entraînant une situation d’urgence radiologique charge l’ASN, en relation avec les départements ministériels concernés, d’établir le cadre, de définir, de préparer et de mettre en œuvre les dispositions nécessaires pour répondre aux situations post-accidentelles.

chronologique en trois temps des situations d’urgence à caractère technologique : la phase de menace, la phase accidentelle et la phase post-accidentelle.

Phase 1 : la phase de menace.

Il s’agit de la période précédant l’occurrence d’un évènement dommageable majeur.

Dans le cas du secteur chimique, comme indiqué dans le guide PPI [DDSC 2007], la nature même de l’évènement dommageable à l’origine de la situation d’urgence est très variée.

En France, selon l'arrêté du 10 mai 2000 [MATE 2000], un accident majeur est un événement tel qu'une émission (de gaz, de produit radioactif, d'agent pathogène, de polluant), un incendie ou une explosion d'importance majeure, résultant de développements incontrôlés survenus au cours de l'exploitation d'un établissement, entraînant pour la santé humaine, à l'intérieur ou à l'extérieur de l'établissement, et/ou pour l'environnement un danger grave, immédiat ou différé, et faisant intervenir une ou plusieurs substances dangereuses.

Globalement, cette phase regroupe deux types de situation :

• On est dans une situation anormale pouvant mener à l’occurrence de l’évènement

dommageable soit de manière spontanée (exemple : emballement de réaction), soit en raison d’une intervention visant un retour à la « normale » (exemple : déraillement wagon et opération de relevage à effectuer).

• Un évènement dommageable est déjà en cours mais ce dernier peut générer un ou plusieurs

autres évènements dommageables encore plus conséquents (exemple : feu de nappe sur bac d’hydrocarbures pouvant entraîner un boilover).

Durant cette phase, l’occurrence de l’évènement dommageable majeur est, en théorie, évitable. Phase 2 : la phase accidentelle.

Il s’agit de la période durant laquelle l’évènement dommageable majeur est en cours. Cette période peut être décomposée en sous-étapes [Fontaine 2004] :

• Un premier délai compris entre l’occurrence d’un évènement redouté central (exemple : rupture de canalisation) et l’occurrence du phénomène dangereux (exemple : délai nécessaire à la formation d’un nuage à la LIE8 dans le cas d’un VCE9),

8 Limite Inférieure d’Explosibilité 9 Vapor Cloud Explosion

• Un deuxième délai qui correspond à la montée en puissance du phénomène jusqu’à son état stationnaire,

• Un troisième délai nécessaire à l’atteinte d’un effet physique sur la cible, • Un quatrième et dernier délai qui correspond à l’exposition des cibles. Ces quatre étapes ne sont pas nécessairement successives.

Durant cette phase, comme dans la précédente, modéliser les distances d’effets générées par la libération du phénomène dangereux a un double intérêt : évaluer l’impact sur la population du phénomène dans le temps et en déduire une démarche opérationnelle, éviter le sur-accident.

Phase 3 : la phase post-accidentelle.

Il s’agit de la période commençant au retrait des services de secours et abordant la remise en état, l’accompagnement de la population mais aussi l’information sur les risques secondaires (suite à une pollution) et les mesures de suivi sanitaire [DDSC 2007].

En fonction de la phase (phase de menace, phase accidentelle,…), les informations pouvant être fournies par les services de secours pour la modélisation des conséquences sanitaires ne sont pas les mêmes. Durant la phase de menace, une taille de brèche ne peut être observée puisque la fuite n’a pas encore eu lieu.

SYNTHESE

Il n’est pas aisé d’établir une définition consensuelle de ce qu’est une situation d’urgence dans le cadre du risque technologique et chimique.

Cependant, une situation d’urgence est caractérisée par une forte pression temporelle qui peut toutefois perdurer plusieurs jours. Elle est antérieure ou concomitante à l’occurrence d’un accident « majeur ». Ces accidents, soit de par leur nature soit de par leur origine, regroupent un ensemble extrêmement varié de configurations. Sur la base d’un phasage en trois étapes (phase de menace, phase accidentelle, phase de post-accident), la phase d’urgence à proprement parler regroupe les deux premières phases. Dans le secteur de la chimie, la durée cumulée de ces deux phases n’excède pas plusieurs heures. Dans la plupart des cas, la durée de la phase accidentelle (montée en puissance du phénomène dangereux et atteinte des cibles) n’excède pas quelques minutes.

Chapitre 2 : Apport de la modélisation pour la