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I.4 Biodynamique de l’ensemble du corps et du rachis

I.4.2 Les phénomènes de résonance

Toute structure possède des fréquences propres associées à des modes propres de résonance. Le corps humain est une structure complexe qui possède des fréquences de résonances globales correspondant aux grandes masses corporelles, et des fréquences de résonances locales correspondant à des sous-ensembles de moindre masse. Dans ce travail, nous nous intéressons à la transmission des vibrations verticales en position assise, mais des indications seront données sur les positions debout et couchée, dans la mesure où elles aident à comprendre les phénomènes mis en cause.

I.4.2.1 Les résonances principales

De très nombreuses études ont été réalisées sur le comportement vibratoire global du corps humain soumis à des vibrations verticales en position assise. La majorité des auteurs s’accorde sur deux fréquences de résonances principales entre 0 et 20 Hz, la première se situant entre 4 et 6 Hz, la seconde entre 8 et 12 Hz, suivant les auteurs, les sujets, et les méthodes de mesures utilisées (tableau 4, pages 42-48). Les modes propres associés à ces résonances ne sont pas parfaitement connus. Certains auteurs ont formulé des hypothèses, mais aucune n’a fait l’objet d’un consensus. Un point est en revanche établi : les mouvements du corps associés à ces deux modes propres se produisent dans

le plan sagittal, et mettent en jeu le rachis, le bassin, la tête, le thorax, les viscères abdominaux, et les tissus mous fessiers.

La première fréquence de résonance principale située entre 4 et 6 Hz apparaît pour différentes réponses mesurées. L’impédance, la masse apparente (fig. 16), la transmissibilité siège/tête, la transmissibilité siège/thorax, la transmissibilité siège/rachis et la pression abdominale, présentent une résonance aux alentours de 5 Hz. Cela montre qu’elle correspond à un mouvement global du tronc et que peu de déformations interviennent entre le bassin et la tête.

Figure 16: Amplitude et phase de la masse apparente de 60 sujets. On voit clairement la première résonance vers 5 Hz et pour certains sujets la seconde vers 8 Hz [FAI89].

La seconde résonance est moins claire que la première. Elle apparaît, suivant les auteurs et les individus, entre 8 et 12 Hz. Cette seconde résonance est beaucoup moins marquée que la première, et elle se caractérise par une grande variabilité d’amplitude et de fréquence. Les mouvements du corps mis en jeu dans ces premiers modes ont fait l’objet de différentes hypothèses.

Le premier mode propre est dominé par un mouvement d’ensemble du tronc causé par la déformation en compression et en cisaillement des tissus mous fessiers [HAG85] [HIN88a] [KIT97] [KIT98] [MAT98] [POP90a]. L’avis des auteurs diffère sur la nature exacte du mouvement du tronc et sur les déformations de l’ensemble bassin/rachis. Des mouvements de flexion du rachis ont été observés à la première résonance [HIN88a], ces déformations se produisent à des niveaux vertébraux différents suivant les auteurs. Sandover et Dupuis [SAN87], en observant les mouvements verticaux et antéro-postérieurs du rachis, ont suggéré que la résonance principale est liée à une flexion du rachis lombaire sous l’influence de la rotation du bassin dans le plan sagittal. Kitazaki et Griffin [KIT98] montrent que le mouvement d’ensemble s’accompagne d’un mouvement de flexion-extension du rachis cervical et thoracique supérieur. Matsumoto et Griffin [MAT98] concluent que le premier mode est dominé par une flexion du rachis lombaire, et du rachis thoracique inférieur. L’analyse des transmissibilités du bassin montre que la rotation du bassin n’est pas maximum à la première résonance. En effet, la transmissibilité du bassin en rotation ne présente pas de pic à la première résonance principale [MAN97b]. Le premier mode est donc un mouvement d’ensemble du tronc provoqué par les déformations des tissus mous fessiers. Le mouvement du tronc résulte d’un couplage entre une translation verticale, et un mouvement de balancier provoqué par le déplacement vertical et antéro-postérieur du bassin [KIT97]. Ce mouvement s’accompagne de déformations en flexion-extension du rachis, les zones charnières n’étant pas parfaitement identifiées. Un mouvement vertical des viscères participe aussi à ce mode [KIT98].

Le second mode est dominé par un mouvement de rotation du bassin, et une flexion de la charnière lombo-sacrée [KIT97] [KIT98] [MAN97b] [POP90a]. Ce mode vertébral s’accompagne de mouvements verticaux des masses abdominales [KIT98].

L’analyse modale expérimentale réalisée par Kitazaki et Griffin [KIT98] montre qu’un découplage du mode principal apparaît lorsque le sujet est légèrement courbé vers l’avant. Il apparaît un mode de l’ensemble du tronc à 4 Hz, et un mode de flexion du rachis accompagné d’un mouvement vertical des viscères à 4,9 Hz. Les auteurs ont observé, pour différentes postures, des modes très proches autour de la première résonance de la masse apparente. Il est possible que plusieurs modes propres participent à cette première résonance, et que, suivant la répartition des masses par rapport au rachis, leur contribution soit plus ou moins dominante, donnant suivant les cas un mouvement global du tronc ou un mouvement de flexion du rachis, ou encore un couplage entre ces deux solutions. Matsumoto et Griffin [MAT98] suggèrent que plusieurs modes propres contribuent à la première résonance, et que ce couplage est dû

à l’amortissement élevé des tissus. Cette dernière observation pourrait expliquer les divergences observées a priori entre les auteurs. Cette hypothèse reste cependant à vérifier.

Le schéma suivant récapitule les différents mouvements observés par les auteurs aux résonances principales

4-6 Hz

• Mouvement global de l’ensemble bassin/

rachis/ thorax/ tête avec compression et cisaillement des tissus mous.

• Mouvement vertical de viscères

• Flexion du rachis cervical et thoracique

supérieur

• Flexion du rachis lombaire

8-12 Hz

• Rotation du bassin, flexion du rachis. Lombaire.

• Flexion du rachis.

• Compression cisaillement des tissus

mous.

Tableau 3 : Déformations associées aux modes propres. I.4.2.2 Les résonances locales

Les résonances locales participent aux phénomènes de résonances globales. Leur connaissance est essentielle à la compréhension des mécanismes de déplacement qui se produisent. Nous avons vu que les résonances principales du corps humain soumis aux vibrations verticales se produisent essentiellement dans le plan sagittal, et sont causées par les mouvements relatifs de différents organes, et principalement l’ensemble bassin rachis tête. Les viscères abdominaux ont un rôle important. Nous avons vu que la première fréquence de résonance de l’être humain en position assise se situe aux

transmissibilité assise/tête et assise/thorax, suggérant un mouvement d’ensemble de ces entités.

L’utilisation de méthodes invasives par de nombreux auteurs a permis de mesurer la transmissibilité par rapport à l’assise de différentes vertèbres in vivo. Les écarts de résultats des études publiées confirment l’incertitude de la localisation des mouvements de flexion du rachis à la première résonance.

Les résultats de Panjabi et al. [PAN86] montrent que la fréquence de résonance des vertèbres L3 et L4 est de 4,4 Hz. Pope et al. [POP97] ont mis en avant deux fréquences de résonance pour la transmissibilité de la vertèbre L3 : la première à 4,3 Hz, la seconde à 6,4 Hz. Les résultats des expérimentations sur cadavre d’El-Khatib [ELK98a] [ELK98b] montrent une première résonance à 6,3 Hz, et une seconde à 13,6 Hz. Le niveau vertébral lombaire n’affecte pas la transmissibilité des vibrations. La fréquence de résonance et l’amplitude à la résonance sont identiques pour chaque niveau lombaire, suggérant que les cinq lombaires ont un mouvement rigide à la résonance [ELK98a] [ELK98b] [PAN86]. Ce résultat montre qu’il n’y a pas d’amplification, ni d’atténuation, des vibrations aux résonances principales le long du rachis lombaire.

Les études in vitro sur unités vertébrales isolées révèlent que la résonance de la vertèbre supérieure par rapport à la vertèbre inférieure se situe aux alentours de 20Hz suivant la précharge appliquée [KAS92]. Ce résultat confirme ceux d’El-Khatib, et indique qu’il n’y a pas, ou peu, de mouvements relatifs des vertèbres lombaires à la résonance principale.

A l’opposé de ces résultats, certains auteurs ont rapporté des mouvements relatifs des vertèbres à la première résonance. Christ et Dupuis [CHR66], puis Sandover et Dupuis [SAN87], ont étudié les mouvements relatifs des lombaires à l’aide d’une technique radiographique, et rapportent des rotations d’un degré à 4 Hz. Pope et al. [POP91] ont étudié les mouvements relatifs à la résonance dans le plan sagittal de deux vertèbres lombaires adjacentes en utilisant des extensomètres. Leurs résultats font apparaître des variabilités interindividuelles importantes, et des mouvements couplés de très faible amplitude (rotations de l’ordre du dixième de degré, compression variant du dixième de millimètre au millimètre, cisaillement de l’ordre du dixième millimètre). Hinz et Al. [HIN88b] ont mesuré la transmissibilité à 4,5 Hz et 8 Hz de toutes les vertèbres, par l’intermédiaire d’accéléromètres collés sur la peau. Après correction des mesures pour affranchir les résultats des mouvements entre la peau et l’os, les auteurs montrent que les zones charnières du rachis, C7/T1, T12/L1, L5/S1, sont soumises à des accélérations plus élevées (fig. 17).

Panjabi et Al. [PAN86] ont montré que la fréquence de résonance et l’amplitude de transmissibilité du sacrum sont plus élevées que celles des vertèbres L1 et L3, qui présentent des transmissibilités identiques. Ce résultat indique qu’un mouvement relatif existe entre le bassin et le rachis lombaire au moment de la première résonance. La

rotation du bassin dans le plan sagittal présente une résonance entre 10 et 18 Hz suivant les sujets étudiés [MAN97b].

L’ensemble viscères-abdominaux-thorax est un système important dans le comportement du corps humain soumis aux vibrations. En 1960, Coerman et Al. [COE60] ont étudié le comportement vibratoire des masses abdominales et thoraciques. Ils ont mesuré les déplacements de l’abdomen, les oscillations de l’air expiré, et l’expansion thoracique. Ces mesures ont été réalisées sur un homme couché soumis à des vibrations longitudinales. Cette situation est équivalente à celle d’un homme debout en apesanteur. Les trois grandeurs mesurées font apparaître un phénomène de résonance aux alentours de 3 Hz (fig. 18).

Ce résultat montre que, comme la tête, le thorax, le rachis, et les masses abdominales participent à la première résonance. En effet, une résonance à 3Hz sous gravité nulle correspond à une résonance à 4,5 Hz sous gravité normale (voir non- linéarité). De plus, les comportements vibratoires du corps humain en position debout et assise ne sont différents que si les membres ont un comportement actif, ce qui n’est pas le cas ici. Vogt et Al. [VOG78] ont réalisé les mêmes mesures sur sujet allongé. Leurs résultats mettent en évidence deux phénomènes de résonance pour la cage thoracique et l‘abdomen, le premier à 6 Hz et le second à 11 Hz pour la cage thoracique et à 10 Hz pour l’abdomen. Ces résultats diffèrent sensiblement de ceux trouvés par Coerman [COE60]. Ces différences peuvent être liées au protocole expérimental. Dupuis [DUP89] a étudié la transmissibilité de l’estomac par une méthode radiologique. Ses

Figure 17 : Accélération des vertèbres C7 à S1. a) Accélération imposée à 4,5Hz. b) Accélération imposée à 8Hz.[HIN88b].

résultats font apparaître une résonance à 4,5 Hz. Il relève une grande disparité interindividuelle quant à l’amplitude à la résonance, attribuée à la musculature des sujets.