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I.4 Biodynamique de l’ensemble du corps et du rachis

I.4.3 Les multiples non-linéarités

I.4.3.1 Non-linéarité par rapport à l’amplitude et à la fréquence du stimulus

La non-linéarité du corps humain par rapport à la fréquence du stimulus est directement liée au comportement vibratoire de celui-ci, et à l’existence de phénomènes de résonance. Le corps humain en position assise se comporte comme une masse pure jusqu’à 2 Hz, puis des phénomènes de résonance apparaissent. Le plus important se situe aux alentours de 5 Hz. Au delà de 50 Hz, le corps humain amortit fortement les vibrations qu’il reçoit. La figure 19 illustre bien la double non-linéarité de la transmissibilité siège-tête par rapport à la plage de fréquences d’une part ; et à l’amplitude du stimulus, d’autre part [GRI75]. La non-linéarité est plus évidente pour les basses fréquences. Ceci est dû, comme nous allons le voir plus loin, à la dépendance entre la fréquence de résonance et l’amplitude du stimulus qui fait apparaître des fluctuations importantes jusqu’à 35 Hz.

Bien que la norme actuelle [ISO5982] [ISO7962] stipule que le corps humain a un comportement non linéaire, il est considéré que dans des conditions normales de gravité et d’accélération, le corps humain peut être assimilé à un système linéaire. De

Figure 18 : Réponse de l'ensemble thorax abdomen d'un sujet couché sur le dos soumis à des vibrations longitudinales. Le déplacement du mur abdominal, les oscillation de l’air, et l’expansion du thorax sont représentés. [COE60].

nombreuses études basées sur des mesures différentes vont à l’encontre de ces affirmations.

Hinz et Seidel [HIN87] utilisent la masse apparente et différentes transmissibilités pour évaluer le caractère non linéaire du comportement humain sur la plage de fréquence 2-12 Hz, pour des accélérations de 1,5 et 3 ms-2 RMS. Les auteurs concluent que le corps humain est une structure fortement non linéaire, même pour des niveaux d’accélération relativement faibles.

En effet, la fréquence de résonance diminue lorsque l’on augmente l’accélération, passant de 4,5 Hz à 4 Hz pour des amplitudes d’accélérations respectives de 1,5 et

3 ms-2 RMS. De plus, le signal

temporel de sortie dévie très clairement du sinus imposé à l’entrée du système, indiquant un

comportement non linéaire de celui-ci. Ce phénomène avait été mis en évidence par Wittmann et Phillips, en 1969 [WIT69], par la mesure de l’effort transmis au sujet qui en dehors de certains cas de fréquence et d’amplitude est très éloigné du sinus d’entrée (fig. 20).

Fairley et Griffin [FAI89] ont aussi constaté une diminution de la fréquence de résonance de 6 à 4 Hz liée à l’augmentation du stimulus de 0,25 à 2

ms-2 RMS. Les auteurs concluent à une

diminution de la rigidité liée à des mouvements plus importants. Smith [SMI94a] montrera un peu plus tard que l’augmentation du stimulus provoque un déplacement de la première fréquence de

Figure 19 : Amplitude de transmissibilité moyenne de 12 sujets en fonction de l’amplitude du stimulus dans une posture qui maximise les vibrations transmises.[GRI75] 75Hz 60Hz 50Hz 45Hz 40Hz 35Hz 30Hz 25Hz 20Hz 15Hz 10Hz 7Hz

Figure 20 : Effort transmis à l'interface sujet/assise. A droite l’accélération d'entrée 0.9g 3Hz. A gauche l'effort mesuré à l'interface. [WIT69].

résonance vers la gauche, avec pour des accélérations de 0,347 ms-2 , 0,694 ms-2 ; 1,734 ms-2 , des fréquences de résonance respectives de 6,8, 5,9, et 5,2 Hz. L’auteur rapporte quatre zones de résonances : la première entre 5 et 7 Hz, la seconde entre 7 et 9 Hz, la troisième entre 12 et 14 Hz, et la quatrième entre 15 et 18 Hz. La seconde fréquence de résonance n’est pas affectée par l’augmentation de l’intensité du stimulus ; la troisième est plus élevée, et présente une variabilité importante à faible accélération ; la quatrième zone de résonance montre les mêmes changements que la première. Un autre élément qui n’a pas été rapporté ailleurs concerne la fréquence d’apparition de ces quatre zones de résonance qui semble se modifier avec l’amplitude du stimulus. Mansfield et Griffin [MAN98] [MAN00] ont observé la même décroissance de la fréquence de résonance principale avec l’augmentation de l’intensité de l’accélération imposée, alors que l’amplitude de la réponse à la résonance a tendance à augmenter [MAN00] [HOL00]. En contradiction avec les résultats de Smith, il a été montré que la seconde fréquence de résonance diminue aussi lorsque l’on accroît l’amplitude du stimulus [MAN00] [HOL00].

Pour comprendre et expliquer les non-linéarités observées dans le comportement du corps humain, certains auteurs ont utilisé des modèles masse-ressort reproduisant les mesures de masse apparente, de transmissibilité, ou encore d’impédance mécanique. L’utilisation de modèles permet de déterminer quels paramètres sont liés au comportement non linéaire. L’évolution des paramètres de raideur, de masse, et d’amortissement avec l’amplitude du stimulus, permet d’identifier l’origine de la non- linéarité. Smith [SMI94a] utilise un modèle à 4 degrés de liberté pour modéliser l’impédance mécanique du sujet assis. La décroissance de la fréquence de résonance avec l’augmentation de l’intensité de l’accélération est associée à une augmentation de la masse modélisant le thorax et une diminution de la rigidité et de l’amortissement du sous-système simulant le rachis. Mansfield [MAN97a] a étudié les non-linéarités du comportement humain en utilisant des modèles de masse apparente. Six amplitudes sont

considérées entre 0,25 ms-2 et 2,5 ms-2 ; ainsi que deux types de modèles, un modèle

quasi-statique dont les paramètres sont fixés pour chaque amplitude, et un modèle composé d’éléments non linéaires. Dans les deux cas, les modèles donnent de bons résultats avec des rigidités et des masses non linéaires. Les systèmes incluant un amortissement non linéaire ne donnent pas une bonne représentation du comportement simulé. Pour le modèle quasi-statique, le meilleur résultat est obtenu avec une masse non-linéaire. Physiquement cette masse non-linéaire représente la masse du thorax. Ces résultats sont conformes à ceux de Smith. L’auteur compare l’être humain en position assise à un pendule inversé, expliquant ainsi la non-linéarité de la masse par rapport au stimulus.

Ainsi, les résonances principales sont affectées par l’amplitude du stimulus [MAN00] [MAN97a] [FAI89] [HIN87] [HOL00]. Leur fréquence décroît lorsque l’amplitude du stimulus augmente, alors que l’amplitude de la réponse à la première résonance a tendance à augmenter et celle de la seconde à diminuer.

Le comportement du corps humain est également non linéaire par rapport à la gravité. Le niveau d’accélération statique appliqué entraîne une modification des paramètres dynamiques.

Vogt et Al. [VOG68], en 1968, étudient les non-linéarités du corps humain par rapport à l’amplitude de l’accélération en modifiant la gravité. L’accroissement de la gravité à +2 G entraîne un déplacement de la première résonance de 5 à 7 Hz, accompagné d’une augmentation de 25% de l’amplitude à la résonance, et de 30% pour les fréquences supérieures (fig. 21). La seconde fréquence de résonance reste inchangée. Soumis à une gravité de +3 G, la première fréquence propre apparaît entre 8 et 9 Hz, et s’ajoute à la seconde. On constate une augmentation de l’amplitude à la résonance. L’accroissement de la gravité entraîne une rigidification longitudinale du corps, qui est due : d’une part, à la rigidité non linéaire des tissus mous, et en particulier des disques

intervertébraux ; d’autre part, à l’accroissement de la contraction musculaire.

Cependant, l’influence de la contraction des muscles du dos reste secondaire. En effet, la rigidification de la posture (voir influence de la posture) modifie la fréquence de résonance d’1 Hz environ. La comparaison de l’impédance du corps humain à l’impédance d’un système masse-ressort-amortisseur à un degré de liberté, montre que seule la rigidité est affectée par l’accroissement de la gravité, les caractéristiques de masse et d’amortissement restant constantes dans les trois cas. Ces résultats sont

Figure 21 : impédance mécanique d'un sujet assis, a) pour une gravité normale, b) sous +2G, c) sous +3G, comparée à d) impédance mécanique d'un système masse ressort avec f=8Hz, m=65 kg ,C=0.575. [VOG68].

confirmés par une seconde étude publiée par Vykukal [VYK68], qui explore l’influence d’accélérations constantes de 1à 4 G.

I.4.3.2 Non linéarité par rapport au type de stimulus

Une étude réalisée par Donati et Bonthoux [DON83] suggère que la réponse du corps humain à des vibrations verticales peut être considérée comme linéaire par rapport au type de stimulus pour la plage de fréquences 0-10 Hz et pour des accélérations

proche de 1,6 ms-² RMS. Les auteurs ont étudié la transmissibilité siège-thorax, et

l’impédance mécanique de différents sujets soumis à des vibrations sinusoïdales, et à un bruit blanc sur la plage de fréquences 0-10 Hz pour un même niveau d’accélération RMS. Les auteurs montrent que les réponses à chaque type de stimulus ne sont pas significativement différentes, excepté pour l’amplitude de transmissibilité à des fréquences supérieures à 8 Hz et l’amplitude de l’impédance mécanique à la résonance. Sur des plages de fréquences plus étendues ou pour des niveaux d’accélération plus élevés, le comportement du corps humain est différent suivant la nature des vibrations qui lui sont imposées.