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Phénomène de renforcement en traction-traction

Dès les premières études en fatigue, un phénomène de renforcement du caoutchouc a été observé : Cadwell et al.(1940) rapportent pour du caoutchouc naturel chargé au noir de carbone une augmen- tation de la durée de vie avec la déformation minimale pour une amplitude de sollicitation constante, puis une diminution lorsque le maximum de sollicitation approche de la limite à rupture monotone.

8.4.1 Définition - Diagramme de Haigh

Une première analyse de la littérature indique que les définitions et les représentations du renfor- cement en traction-traction sont nombreuses. Ainsi,Cadwell et al.(1940) tracent-ils à iso-amplitude la relation entre la durée de vie et la déformation minimale (FIG.8.15).

Nous proposons d’adopter la représentation des résultats en amorçage dans un diagramme de Haigh : lignes iso-durée de vie tracées dans l’espace chargement moyen - amplitude de chargement (FIG.8.16). Cinq zones fonctions du rapport de chargeR= Min/Max sont définies :

Zone I : compression - compression ; Zone II : compression répétée ; Zone III : traction-compression ; Zone IV : traction répétée ;

Zone V : traction-traction.

Un matériau non-renforçant est défini par des lignes iso-durée de vie de pente −1 dans l’espace traction-traction. Pour ce mémoire de thèse, nous faisons le choix de distinguer parmi les matériaux ceux dont la durée de vie à amplitude de chargement constante augmente avec le minimum de ceux dont la durée de vie n’augmente pas mais se comporte mieux qu’un matériau non-renforçant. Les pre- miers sont appelés matériaux renforçant (pente comprise entre 0 et 1), les seconds matériaux partielle- ment renforçant (pente comprise entre -1 et 0). L’existence d’un seuil de renforcement est démontrée pour certains matériaux : le changement dans la durée de vie n’a lieu qu’à partir d’un seuil sur le minimum.

(I) R>0 (II) R=oo (III) R<0 (IV) R=0 (V) R>0 Materiau non-renforcant Materiau renforcant Materiau partiellement renforcant Chargement moyen Amplitude de chargement Lig ne s iso-duree de vie

FIGURE8.16 – Diagramme de Haigh.

Nous pouvons noter que le choix de la grandeur (effort ou déplacement) à partir de laquelle sont définies les moyennes et les amplitudes peut mener à la définition de matériau renforçant ou partiel- lement renforçant. Cet aspect est causé par les non-linéarités de comportement et du passage global- local.

Parallèle avec les métaux

Le diagramme de Haigh est souvent tracé en contraintes pour les métaux. Différentes modélisa- tions existent pour représenter la limite d’endurance dans ce diagramme (FIG.8.17) :

– la droite de Goodman d’équation σa = σD

 1 σm

Rm

 ; – la droite de Soderberg d’équation σa =σD

 1 σm

Re

 ; – la parabole de Gerber d’équation σa = σD



1σm

Rm

2

;

avec σD l’amplitude de contrainte à moyenne nulle, Re la limite élastique et Rm la résistance à la

traction.

8.4.2 Classement des matériaux

Nous proposons dans le tableau8.1 une synthèse non-exhaustive des essais disponibles dans la littérature. Nous pouvons en tirer les conclusions suivantes :

– le caoutchouc naturel chargé ou non-chargé est renforçant ;

– le caoutchouc synthétique non-chargé est non-renforçant en amorçage et renforçant en propa- gation ;

FIGURE8.17 – Représentation de la droite de Goodman, de la droite de Soderberg et de la parabole de Gerber dans un diagramme de Haigh.

Source Matériau Charge Renforçant

Approche en amorçage

(Cadwell et al.,1940) NR ndc oui

(Beatty,1964) NR ndc oui

(Saintier,2001) NR ndc oui

(Gent,1992) NR non oui

(Abraham et al.,2005) SBR et EPDM ndc oui

(Robisson,2000) SBR silice oui

(Beatty,1964) SBR ndc partiellement

(Fielding,1943) SBR ndc non

(Abraham et al.,2005) SBR et EPDM non non Approche en propagation

(Bathias et al.,1997) NR ndc oui

(Mars et Fatemi,2003) NR ndc oui

(Lindley,1973) NR non oui

(Lindley,1974) SBR non oui

– la littérature est contradictoire quant au caractère renforçant d’un caoutchouc synthétique chargé. Ces deux dernières conclusions doivent être nuancées par le fait qu’il est difficile de produire une étude comparative : les matériaux ou conditions d’essais sont différents selon les articles. Ces conclusions restent donc des questions ouvertes de la littérature.

8.4.3 Explications du renforcement

a Parallèle avec des essais statiques

Contrairement au paragraphe8.1.2, nous parlons ici de renforcement sous des conditions de char- gement non-relaxant cyclique. Toutefois, nous pouvons établir un lien très fort entre des essais sta- tiques et des essais cycliques non-relaxant. En effet, nous avons vu que le renforcement et le phéno- mène de knotty-tearing étaient liés à la création de zones anisotropes en fond de fissure ou dans tout le volume à cause de la cristallisation et/ou des charges renforçantes. Pour un chargement non-relaxant, il est légitime de penser que ces structures anisotropes ne disparaîtront pas faute d’un passage relaxant et donc que les mécanismes de propagation peuvent être sensiblement équivalents.

b Description de la propagation Pour les matériaux cristallisables

La capacité du matériau à cristalliser sous contrainte est une condition suffisante pour observer un renforcement en traction-traction, puisque le caoutchouc naturel est toujours renforçant et qu’il n’existe pas, à notre connaissance, de matériau cristallisable non-renforçant. Plusieurs mesures (Lee et Donovan,1987;Trabelsi et al.,2002) de cristallinité locale en fond de fissure ont montré l’existence d’une zone cristalline. La présence et le taux de charge ont un effet bénéfique sur la taille de la zone cristalline et sur le taux de cristallinité (Lee et Donovan,1987). Cette cristallisation sous contrainte en fond de fissure se caractérise par l’existence de cristallites se développant dans la direction de traction et implique une très forte anisotropie locale. Ces cristallites jouent le rôle de charges renforçantes et obligent la fissure à s’émousser (FIG. 8.18). Ce phénomène de "branching" est aussi observé par Saintier(2001).

Cette capacité à cristalliser est bénéfique en fatigue car elle ralentit la propagation des fissures. Toutefois, elle n’est pas nécessaire au renforcement.

Pour une sollicitation non-relaxante,Saintier(2001) met en évidence un phénomène de bifurcation et de branchement de fissures, ce qui n’est pas le cas pour une sollicitation relaxante. L’auteur attribue cette bifurcation à l’existence d’une forte anisotropie en fond de fissure associée à la cristallisation : la phase cristalline est maintenue entre les cycles car le matériau n’est pas déchargé.

Pour les matériaux non-cristallisables

Pour les matériaux synthétiques qui ne cristallisent pas, la littérature montre qu’il peut y avoir ren- forcement en traction-traction dans certains cas en présence de charges.Robisson(2000) attribue ce renforcement à un alignement des chaînes polymères, amplifié par la présence de charges.Abraham et al.(2005) observent aussi un renforcement sur un EPDM chargé mais ne propose pas d’interpréta- tion. Notons que les contradictions relevées précédemment dans la littérature pourraient s’expliquer par la différence des propriétés d’interaction charges-matrice entre les matériaux étudiés.

FIGURE8.18 – (a) La fissure est fermée ; (b) la fissure est ouverte ; (c) les chaînes s’alignent en fond de fissure et forment une cristallite qui se développe dans la direction de traction ; (d) la fissure branche pour contourner la cristallite.

Pour conclure, nous pouvons affirmer que le caractère cristallisable implique le renforcement en traction-traction. Ce renforcement pourrait être expliqué par une forte anisotropie en fond de fis- sure causée par la cristallisation induite par déformation. Ce phénomène est d’autant plus marqué en traction-traction que la structure cristalline se maintient entre les cycles faute d’une décharge suffi- sante du matériau.

La présence de charges permet à des caoutchoucs synthétiques de montrer dans certains cas un renforcement ou renforcement partiel. Ce renforcement reste néanmoins moins important que pour un caoutchouc naturel et pourrait s’expliquer par un alignement des chaînes sous contraintes, amplifié par les charges.

Enfin, ces observations sont cohérentes avec les observations sur la propagation statique. En effet, dans les deux cas, les structures renforçantes (cristallisation, alignements) ne disparaissent pas et gouvernent les mécanismes de propagation.