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Description d’un fond de fissure

8.2.1 Mesures de la cristallinité

L’existence d’une zone cristalline en fond de fissure est avérée parLee et Donovan(1987) pour du caoutchouc naturel. Les auteurs montrent que le taux de cristallisation et la taille de la zone cristalline augmentent avec le taux de noir de carbone.Trabelsi et al.(2002) confirment les observations deLee et Donovanet montrent que la cristallisation en fond de fissure débute pour une déformation globale de 30%.

8.2.2 Observations au MEB

Grâce à des expériences de micro-découpe du front de fissure suivie par microscopie électronique, Le Cam(2005) propose un mécanisme de propagation de fissure pour le NR. Ce mécanisme est re- présenté sur les figures2 8.6et8.7. De nombreuses cavités issues de la décohésion des oxydes avec la matrice sont présentes en front de fissure (FIG.8.7(a)). Lorsque la fissure est ouverte, le front de fissure est étiré et se compose de surfaces elliptiques lisses séparées par des ligaments sur les côtés. Des arrachements sont présents en haut et en bas. Des cavités sont présentes derrière ces membranes elliptiques (FIG. 8.6(b) et8.7(a)). Ces membranes rompent et révèlent ainsi les cavités, qui vont se propager perpendiculairement à la direction de sollicitation (FIG. 8.6 (c) et8.7 (b)). Ces nouvelles cavités coalescent entre elles (FIG. 8.7 (c)). Des ligaments sont ainsi formés (FIG. 8.7 (d)) et leur

rupture par les cycles de fatigue conduit à la création d’arrachements. Ces ligaments sont très certai- nement des zones propices à la cristallisation sous contrainte (Lee et Donovan,1987;Saintier,2001; Trabelsi et al.,2002) ce qui expliqueraient le renforcement du matériau sous chargements relaxant et non-relaxant.

FIGURE 8.6 – Mécanisme de propagation de fissure : vue de côté (Le Cam,2005). La direc- tion de traction est verticale.

FIGURE 8.7 – Mécanisme de propagation de fissure : vue de face (Le Cam,2005).

FIGURE 8.9 – Schéma de fond de fissure ouverte, vue de face (direction de traction horizontale) et coupe (Beurrot,2007).

Le mécanisme proposé par Le Cam a récemment été mis en défaut parBeurrot(2007). L’auteur montre qu’il n’existe pas de cavités présentes derrière les membranes elliptiques. En effet, ces cavités étaient probablement créées par une trop grande intensité du faisceau d’électrons du MEB. Beurrot observe les mêmes éléments caractéristiques dans le fond de fissure d’un NR chargé (045) (FIG. 8.8

et8.9) :

– un réseau de ligaments orientés dans deux directions (d’où des formes en losange). Ces li- gaments sont supposés être des zones cristallines. Ce sont principalement eux qui résistent à la traction et à l’avancée de la fissure. Certains de ces ligaments semblent continuer dans la profondeur du fond de fissure formant ainsi des nappes de matière cristallisée. En effet, pour certains ligaments, leur rupture révèle de la matière cristallisée qui va former de nouveau un ligament.

– des zones en losange sont formées entre les ligaments. Ce sont des zones lisses constituées de matière amorphe qui sont plus profondes que les ligaments.

– de nombreuses inclusions sont présentes sur le fond de fissure. Ces inclusions fragilisent le fond de fissure mais ne changent pas le mécanisme de propagation.

L’auteur propose un mécanisme de propagation (FIG. 8.10) fondé sur la croissance des zones

lisses sous l’effet de la déformation. Les ligaments subissent une contrainte plus importante et leur section diminue, amenant certains à la rupture. Le réseau de ligaments s’adapte en quelques cycles à cette nouvelle distribution de contrainte. Notons que ce mécanisme est lent (quelques dizaines de cycles). Enfin, le fond de fissure est diffus, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de ligne de propagation : tout le fond de fissure avance de façon hétérogène mais continue. D’ailleurs, l’auteur montre que le phénomène de ramification (existence de fissures secondaires) s’explique par des différences de vitesse de propagation dans le fond de fissure. Les zones lisses ne sont pas toutes dans le même plan à l’état déformé et forment ainsi des ramifications lorsque la fissure est fermée (FIG.8.11). Les arrachements présents sur les faciès de rupture seraient selon l’auteur des feuillets créés par cette ramification.

Des observations sur un SBR chargé ont montré des différences significatives. Le front de fissure est linéaire et la ligne de déchirement forme un axe de symétrie : les cavités ne croissent qu’une fois sur la ligne de déchirement et cette dernière les coupent en deux parties, créant ainsi la symétrie du fond de fissure. Des filaments sont également observés mais ils ne jouent pas de rôle dans le mécanisme

FIGURE 8.11 – Mécanisme de formation des branches secondaires proposé parBeurrot (2007). La direction de traction est horizontale.

de propagation car ils sont très peu résistants. Ces filaments auraient pour origine des hétérogénéités locales (vulcanisation, répartition du noir de carbone). Enfin, l’évolution du fond de fissure est très rapide (une dizaine de cycle) ce qui est cohérent avec les propriétés d’un SBR, moins résistant en propagation qu’un NR.

Discussion

Les études portant sur la description d’un fond de fissure et des mécanismes de propagation ap- portent une connaissance très fine de la propagation dans un élastomère. Pour un matériau cristalli- sable, la cristallisation induite par déformation en fond de fissure joue un rôle essentiel. En effet, des ligaments cristallisés forment une structure très fortement anisotrope en fond de fissure, qui freine l’avancée de la fissure. En effet, pour un matériau non-cristallisable, cette structure n’existe pas et la fissure avance plus rapidement. De plus, la propagation de la fissure étant diffuse sur tout le fond de fissure, des hétérogénéités apparaissent dans l’avancement de la fissure créant ainsi les ramifications, caractéristiques d’un matériau cristallisable.