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3.2 Besoins de gestion hors du PNCM

3.2.1 Petit territoire

Le premier facteur qui indique un besoin de considérer les terres adjacentes dans la gestion de l’IÉ du PNCM est simplement que la taille du parc est trop petite pour assurer son autosuffisance. Les prochaines lignes expliquent quelques faits relatifs au PNCM qui démontrent cette évidence.

Les ressources fauniques sont atteintes plus rapidement par la grandeur du territoire. Comme Pelletier avance dans le plan de conservation,

« [l]es espèces à grand domaine vital, celles des forêts profondes, ainsi que les grands carnivores sont des composantes vitales des chaines trophiques formant les écosystèmes du parc de la région. Ce sont des composantes qui rendent difficile la réalisation du mandat de préservation de l’IÉ en raison de la superficie restreinte du PNCM » (Pelletier, 1998, p.122).

Une de ces raisons est que le parc ne peut pas contenir un nombre suffisant de populations pour assurer une diversité génétique. En conservation, le terme métapopulation est utilisé pour définir l’ensemble des populations sur un grand territoire. La survie à long terme des espèces nécessite donc des liens entre les petites populations pour assurer une diversité génétique et une reproduction positive. Les liens sont importants, car il peut arriver que des populations enregistrent des taux de mortalité plus grande que leur reproduction, ces populations sont libellées comme population « puits ». Si isolées des autres populations, ces espèces disparaitront localement et ces petites extinctions peuvent amener à une vulnérabilité régionale. Afin d’arriver à former une

métapopulation en santé, il faut s’assurer d’avoir des populations de type source » caractérisées par un taux de reproduction excédant leur taux de mortalité en lien avec des populations de type « puits ». Le PNCM peut obtenir le rôle de protéger les espèces pour favoriser le développement de population de type « source ». Dans cette optique, le parc est trop petit pour abriter des métapopulations de faune mobile qui n’est pas dirigée par les limites administratives. (Pelletier, 1998; Environnement Canada, 2013)

En effet, il est clair que pour les grands mammifères qui dépendent de différentes ressources sur un grand territoire, la superficie du PNCM n’est pas suffisante. Le territoire sur lequel une espèce dépend pour sa survie est appelé domaine vital. La plupart des espèces transfrontalières reconnues par le parc sont des espèces à domaine vital de taille moyenne soit entre quinze et vingt kilomètres carrés comme la martre, le pékan et le lynx ou des espèces de domaine vital de grande taille comme l’orignal, l’ours et le loup qui demande respectivement un territoire de quarante, entre cent et quatre cents et trois cents kilomètres carrés (Pelletier, 1998). Ces espèces figurent toutes parmi les mesures du programme de suivi de l’IÉ. En protégeant ces espèces cibles ou dites parapluie, les espèces faisant partie de leur régime alimentaire se trouvent protégés du même coup.

Par exemple, le loup a besoin d’un grand territoire pour profiter d’une diversité d’écosystèmes. Du fait que les loups se déplacent dans des territoires qui n’ont pas la vocation de conservation, les « [rend] vulnérables à la chasse, la déprédation et au piégeage » (Pelletier, 1998, p. 122). Les populations de loups ont été affectées ces dernières années par le piégeage. De plus, les loups sont sensibles à la présence humaine pour certaines de leurs activités (Villemure, 2003). Les populations du parc sont considérées comme à risque, car les populations des meutes sont instables et peuvent diminuer rapidement. Il est admis que ces populations locales seraient plus de type « puits » et donc dépendent surement d’individus provenant de meutes extérieures. En résumé, les loups ont besoin d’un territoire plus grand que le parc parce que leur domaine vital l’excède et qu’ils dépendent de l’appui de populations externes. La théorie sur les populations minimales viables établit le seuil minimal de territoire disponible pour une population d’une espèce donnée afin d’ [assurer] sa persistance, considérant la démographie des populations et la dérive génétique » (Pelletier, 1998, p. 133). Le territoire nécessaire pour la survie à long terme du loup est estimé à 18 600 kilomètres carrés. Bien que ceci reste théorique et que le calcul se base sur des données arbitraires, l’aire vitale minimum trouvée offre une notion d’échelle.

Le cas de l’ours est similaire au cas du loup même si celui-ci exige un plus petit domaine vital. Cette espèce transfrontalière est aussi victime du piégeage et de la chasse. Le plan régional de développement intégré des ressources et du territoire (PRDIRT) indique aussi que ce gibier est de

plus en plus prisé et que les dépenses liées à sa chasse sont assez lucratives pour la région (CRÉ de la Mauricie, 2011). En plus d’être une proie de chasse, les ours sont aussi abattus lorsqu’ils rôdent près des milieux résidentiels ou de villégiature (Van Dijk, 2014). Ceux-ci sont attirés par les poubelles des hommes, car elles contiennent souvent de la nourriture facilement gagner pour un omnivore. Selon la population minimale viable de l’ours, il est estimé que 1 630 kilomètres carrés seraient nécessaires pour la viabilité à long terme de l’espèce en considérant 2,3 individus par territoires de dix kilomètres carrés (Pelletier, 1998).

Les deux dernières espèces ne sont que des exemples parmi les espèces à grand domaine vital. Cependant, la grandeur du territoire n’est pas seulement un enjeu pour la grande faune, mais aussi pour la faune plus petite. La petite faune est touchée par le fait que le nombre de populations contenues au parc n’est pas suffisant pour assurer une métapopulation telle qu’expliquée précédemment. Un bon exemple de petite faune nécessitant une attention particulière hors des limites du parc est la tortue des bois. Cette espèce figure parmi la petite faune et a un territoire qui s’étend au-delà des limites du parc comme le démontre la figure 3.1. Sans assurer une viabilité aux populations à l’extérieur du parc, la tortue des bois ne saurait survive longtemps en isolation.

Les espèces de forêt profonde sont aussi affectées par le territoire restreint du PNCM. Pelletier identifie quelques espèces vulnérables à la fragmentation du paysage, car elles occupent généralement un cœur forestier et des forêts matures : certains passereaux migrateurs, la martre, la buse à épaulette, le pékan et la martre (Pelletier, 1998). Les oiseaux forestiers et ces carnivores de taille moyenne figurent parmi les mesures du programme de suivi de l’IÉ. Les utilisations des terres adjacentes ont une incidence sur la forêt à l’intérieur du parc. Les pressions anthropiques arrivant à la frontière du parc changent la structure de l’écosystème sur une distance donnée. Ce phénomène est appelé l’effet de lisière. La distance sur laquelle l’impact se fait ressentir varie selon la sensibilité du milieu. Néanmoins, il est acceptable dans la littérature scientifique d’estimer cette distance à cent kilomètres de la frontière (Environnement Canada, 2013). Alors, quand l’exploitation forestière coupe dans une bande de trois mètres des limites du PNCM, l’effet est ressenti sur plusieurs kilomètres (Pelletier, 1998). Ceci a pour effet de réduire le cœur forestier, endroit libre des pressions anthropiques. L’effet de lisière a pour conséquence de faciliter l’entrée des espèces étrangères à ce type d’écosystème forestier, confine les espèces et populations dans un petit territoire, et accroit la prédation dans le cœur forestier (ibid.). En tenant compte des activités dans le parc, les espèces des forêts profondes sont vulnérables même à l’intérieur du parc. Il est nécessaire que ces espèces puissent établir des relations avec des populations à l’extérieur du parc et qu’il y ait idéalement des corridors entre ces zones pour favoriser le déplacement de quelques membres afin de constituer une métapopulation viable. Comme démontré, l’effet de lisière a aussi un impact sur la flore. Selon la nature de la pression, de nouvelles conditions sont présentes : luminosité, composantes du sol, exposition au vent, etc. Ces nouvelles conditions feront en sorte de favoriser ou défavoriser la reproduction de certaines espèces de végétaux selon leur niveau de tolérance aux perturbations ou aux nouvelles conditions (Environnement Canada, 2013). Ceci aura comme effet de changer la structure de la forêt sur quelques kilomètres au moins et donc est susceptible d’affecter des mesures du programme de suivi comme la dominance des espèces et productivité, la structure d’âge des peuplements, la situation des peuplements purs ou mélangés de Pins blancs et la situation des peuplements de Chênes rouges. En bref, la superficie du parc, en plus de ne pas être suffisante pour quelques espèces, est aussi diminuée par l’effet de lisière.

Selon ces informations, la superficie du parc qui ne couvre que cinq cent trente-six kilomètres carrés n’est pas suffisante à ces espèces qui pour leur survie doivent être en relation avec d’autres populations. En 1998, Pelletier avait évalué, avec les critères écologiques et biophysiques, qu’une superficie de cinquante kilomètres de rayon à partir du cœur du PNCM serait plus appropriée pour préserver l’écosystème. C’est alors dans ce territoire qu’il est intéressant de participer à la gestion du territoire, car c’est celui qui aura surement le plus d’incidences sur l’état de l’IÉ du PNCM.

Toutefois, quelques données et statistiques qui seront présentées ne tiennent pas qu’à ce territoire, puisque la plupart des études utilisent soit des limites administratives ou des limites écologiques comme les lignes de bassins versants. Le territoire visé sera indiqué pour chaque statistique. En conclusion, la sous-section démontre à l’aide de plusieurs concepts écologiques utilisés en conservation que la superficie du parc est insuffisante pour assurer l’IÉ. Ceci établit que le territoire adjacent doit aussi être pris en compte afin de répondre aux concepts de conservation.