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Le berceau de la Peste porcine africaine est l’Afrique de l’Est, dans la région des grands lacs. Elle fut décrite pour la première fois par en 1921 (Montgomery 1921), suite à deux premières épidémies survenues au Kenya en 1903 et en 1906, qui ont été suivies d’une quinzaine de foyers épidémiques entre 1909 et 1915. Ces épidémies ont alors tué jusqu’à 99% des porcs domestiques atteints. Elle a par la suite été détectée en Afrique du Sud puis en Angola, tout en restant confinée sur le continent africain. Elle a quitté l’Afrique pour la première fois en 1957, partant de l’Angola pour atteindre l’Europe, par le Portugal, où la maladie a entrainé la mort de 100% des animaux atteints. Après 3 ans d’accalmie, la maladie réapparait au Portugal en 1960, d’où elle gagne l’Espagne. Par suite, on la détectera en France (1964), en Italie (première apparition en 1967, puis réémergences en 1969 et en 1973), à l’île de Malte (1978), en Belgique (1985) et aux Pays-Bas (1986). Au Portugal, elle restera présente de 1960 à 1993 puis réémergera une dernière fois en 1999. Depuis lors, elle a été éradiquée de tous les pays européens excepté en Sardaigne, où elle est devenue endémique depuis son entrée en 1978 (Arias & Sánchez-Vizcaíno 2002b). Depuis l’Europe, elle a traversé l’océan Atlantique pour être introduite pour la première fois à Cuba en 1971, puis au Brésil en 1978, d’où elle atteint les Caraïbes : République Dominicaine en 1978, Haïti en 1979, et à nouveau Cuba, en 1980. Afin qu’elle ne puisse se répandre au-delà des foyers épidémiques, l’éradication a été réalisée, dans ces zones par un abattage systématique des cheptels porcins (Arias & Sánchez-Vizcaíno 2002a).

En Afrique, on pensait que la zone où sévissait la PPA était restreinte à l’Afrique Centrale, de l’Est et du Sud. Or, il s’avère que le Cap Vert a probablement été atteint dès les années 1960, puis le Nigéria en 1973, le Sénégal depuis au moins 1978 (pays dans lequel elle est aujourd’hui considérée comme endémique) et le Cameroun, en 1982. Depuis lors, la maladie est devenue une réelle menace pour toute l’Afrique de l’Ouest, avec des foyers épidémiques déclarés en Côte d’Ivoire (1996), au Benin, au Togo et au Nigeria (1997) ou encore au Ghana, en 1999. Elle est revenue au Kenya et au Mozambique en 1994 (FAO 2002), pour enfin atteindre Madagascar pour la première fois en 1998 (Gonzague et al. 2001) et l’île Maurice en 2007 (Lubisi et al. 2009). La PPA s’est donc propagée à quasiment toute l’Afrique sub-saharienne.

Depuis 2007, la PPA a refait son apparition sur le continent Européen par la Géorgie (Rowlands et al. 2008), s’est répandue dans le Caucase (Arménie, Azerbaïdjan) puis a atteint la Fédération de Russie où elle s’est maintenant propagée. Le virus responsable de ces épidémies a d’ailleurs été caractérisé comme appartenant au même groupe que le virus malgache (Malogolovkin et al. 2012). La figure 7 montre les pays endémiques, épidémiques, et nouvellement atteints.

La PPA est une maladie infectieuse, très contagieuse et spécifique des suidés. De par son très grand pouvoir de diffusion, elle fait partie des maladies à déclaration obligatoire par l’Organisation Mondiale de la Santé Animale (Office International des Epizooties, OIE). Elle est asymptomatique chez les suidés sauvages africains tels que les phacochères, les potamochères ou les hylochères, qui peuvent donc être considérés comme les réservoirs de la maladie. De plus, c’est une maladie vectorielle puisqu’elle peut être transmise aux animaux par un arthropode argaside, une tique molle du genre Ornithodoros (Plowright 1977).

Figure 7 : Répartition de la Peste porcine africaine dans le monde. De 1903 à 1957 la maladie est restée confinée au continent africain. En 1957, partie d’Angola, elle a atteint l’Europe par le Portugal, s’est répandue dans plusieurs pays européens, puis a gagné l’Amérique du Sud et les Caraïbes au cours des années 1970. Elle a été éradiquée dans tous les pays atteints sauf en Sardaigne, où elle est devenue endémique. Depuis 2007, la PPA est revenue en Europe par le Caucase, d’où elle a atteint la fédération de Russie (2010) puis l’Ukraine (2012).

Foyers sporadiques, suidés sauvages infectés

Pays endémiques

Pays où la maladie a été éradiquée

1903 1957/1960 1970s 1998 2007 2010 2012 72

6-2- Signes cliniques – Pathogénie

Selon les isolats viraux responsables des foyers épidémiques, une large gamme de symptômes a été observée chez les porcs infectés : infection suraigüe, aigüe, subaigüe et portage chronique (Moulton & Coggins 1968). Les formes suraigües et aigües provoquent la mort de près de 100% des animaux infectés, en général dans les 13 jours suivant l’infection. Cependant, les individus survivants deviennent porteurs du virus sur plusieurs mois voire années, devenant ainsi de vraies « bombes biologiques ». Dans sa forme subaigüe, la maladie dure entre 15 et 45 jours, provoquant fièvres récurrentes, toux, dyspnée, anorexie et avortements spontanés des femelles gestantes. Le taux de mortalité induit varie entre 30 et 70%. Enfin, la forme chronique provoque moins de 30% de mortalité et dure de 2 à 5 mois.

La physiopathologie de la maladie dépend de la forme de l’infection. Dans le cas de la forme suraigüe, les animaux meurent généralement avant l’apparition de signes cliniques. Néanmoins, des rougeurs peuvent apparaitre sur la peau de l’animal, ainsi qu’une congestion et une fibrination des organes (Penrith et al. 2004). Les formes aigües de la maladie produisent de nombreuses lésions, parmi lesquels les plus marquants sont : cyanose des extrémités et du ventre de l’animal, avec des ecchymoses ; hémorragies et congestion des muqueuses avec exsudations oculaires et écoulements naseaux. L’analyse post-mortem montre une hémorragie généralisée des organes avec apparitions de pétéchies sur les muqueuses, une splénomégalie et des œdèmes pulmonaires ainsi qu’une hyperplasie du système lymphatique (Hess 1981 ; Penrith et al. 2004). Les formes subaigües, quant à elles, sont caractérisées par des œdèmes articulaires, une péricardite effusive ainsi qu’une inflammation des ganglions lymphatiques. A noter que les animaux développant cette forme de la maladie sont souvent sujets aux pneumonies. Enfin, dans les formes chroniques, on note des éruptions cutanées pouvant conduire à une nécrose épidermique ainsi que de nombreux abcès purulents au niveau de la tête et des tétines. Se développent également : une arthrite purulente au niveau des articulations, une hépatisation nécrotique des poumons, une péricardite, une splénomégalie et une inflammation des ganglions lymphatiques (Penrith et al. 2004).

6-3- Prévention de la maladie

La PPA est la maladie la plus grave touchant le porc domestique, catastrophe sanitaire pour les élevages porcins, principalement dans les pays du Sud pour lesquels le porc est une source peu coûteuse de production de protéines animales et dont la demande est en constante progression. C’est également désormais une menace pour les élevages des pays caucasiens et de la Fédération de Russie, c'est-à-dire une menace potentielle pour l’Europe. Sans vaccin ni thérapie disponibles, le contrôle de la maladie repose sur un diagnostic

précoce et sur des mesures sanitaires de biosécurité : abattage et incinération des cheptels atteints et/ou exposés, ainsi qu’un contrôle drastique des échanges commerciaux avec les pays concernés. En effet, le commerce des produits à base de porcs est strictement interdit, car potentiellement contaminants. Néanmoins, le diagnostic différentiel est parfois difficile, car la PPA partage de nombreux symptômes avec d’autres maladies hémorragiques telles que la peste porcine classique. Enfin, l’augmentation exponentielle des mouvements d’animaux et du commerce de produits carnés accroît les risques d’introduction de la maladie dans les pays indemnes.

Toutefois, l’éradication a déjà été possible dans des zones où la maladie était devenue endémique, comme la péninsule ibérique, les Caraïbes ou le Brésil. De nombreux pays sont cependant toujours en proie à la maladie. La principale difficulté pour son contrôle, puis son éradication, est avant tout l’existence de porcs en divagation, pouvant s’infecter par contact direct avec les suidés sauvages réservoirs de la maladie ou avec le vecteur tique, qui peut rester infectant durant de longues années (Greig 1972 ; Plowright et al. 1970b). Qui plus est, l’endémisation de la maladie entraine l’apparition de porteurs chroniques asymptomatiques, qui ne seront donc pas détectés lors de l’abattage des animaux (Sanchez-Vizcaino 2006), entrainant ainsi un risque de propagation.

Jusqu’ici, les stratégies vaccinales qui ont été mises en place, qu’elles soient basées sur l’utilisation de souches atténuées, inactivées, ou de protéines recombinantes se sont avérées inefficaces (Barderas et al. 2001). Cela résulte vraisemblablement de la grande variabilité antigénique du virus et de l’absence d’induction d’une réponse neutralisante efficace par le système immunitaire des porcs après vaccination. Néanmoins, l’utilisation de souches atténuées comme la souche ASF/NH/P68 a permis l’immunisation d’animaux contre une épreuve infectieuse avec des virus homologues (Leitao et al. 2001). La vaccination n’a en revanche jamais protégé les animaux contre une épreuve infectieuse avec des souches hétérologues (Ruiz Gonzalvo et al. 1986b), sauf lorsque cette épreuve intervenait après un essai de protection homologue (King et al., 2011).

Les coûts socio-économiques engendrés par la PPA, en particulier dans des pays déjà souvent économiquement en difficulté, sont tels que la préservation des zones encore indemnes est absolument capitale.

7- Le virus de la Peste porcine africaine