• Aucun résultat trouvé

Partie 1:  Mise au point d’un nouveau test de dépistage 

A. Pertinence et intérêt d’un nouveau test diagnostic

Les causes moléculaires des déficits immunitaires primitifs sont multiples (Al-Herz et al., 2014). Notre projet était de mettre au point un test de dépistage rapide des déficits immunitaires liés à un défaut dans les voies de réparation de l’ADN. Nous sommes partis de l’observation d’un biais de répertoire du TCRα en faveur des segments les plus proximaux quand il existe un défaut de survie des thymocytes, aussi bien chez l’homme (Okada et al., 2015; Vera et al., 2013) que chez la souris (Guo et al., 2002; Hu et al., 2010; Sun et al., 2000; Vera et al., 2013). Or, nous savons que la survie des thymocytes dépend de réseaux transcriptionnels spécifiques (Wang et al., 2011) mais également qu’un défaut de réparation de l’ADN entraîne une diminution de la survie des thymocytes (Mak et al., 2000; Matei et al., 2006, 2007; Vera et al., 2013). Nous avons donc évalué l’intérêt de rechercher un biais de répertoire Valpha dans les cas de déficits immunitaires liés à un défaut de réparation de l’ADN.

La technique par biologie moléculaire utilisant une 5’RACE PCR a été testée dans quelques cas de déficit immunitaire connu, un déficit en Cernunnos, un déficit en DNA- Ligase IV et deux cas d’AT (figures 16 et 17). Cette technique permet d’évaluer le répertoire aussi bien sur les segments Valpha que Jalpha, et pour un grand nombre de transcrit. Les résultats que nous avons obtenus confirment la présence d’un biais de répertoire, très important dans les cas de déficit en NHEJ, moindre dans les déficits en ATM, par rapport aux contrôles. Cette technique, bien que simple d’exécution, est très sensible à la qualité des échantillons et nécessite un certain taux de LT circulant. Or ces patients sont souvent très lymphopéniques ce qui rend l’analyse finalement délicate. Par ailleurs, cette technique utilise le plateau technique de séquençage haut débit et est par conséquent onéreuse.

Nous avons donc développé une technique, moins chère et moins dépendante de la qualité des échantillons, par cytométrie en flux avec les anticorps anti-Valpha disponibles sur le marché. Le biais de répertoire a été mis en évidence sur une cohorte de patients AT (figure 21) validant notre hypothèse et confirmant l’intérêt de ce test pour le dépistage des AT. En revanche, aucun biais n’a été détecté par cette technique chez un patient Fanconi et un patient Bloom. D’après ces premiers résultats, il semble donc que le biais de répertoire est principalement présent et détectable dans les cas de déficit en NHEJ et en ATM mais pas dans le cas d’un déficit dans la voie Fanconi ou en hélicase BLM. Cependant ces résultats nécessitent d’être confirmés sur une plus large cohorte de patients Bloom, Fanconi et si possible pour d’autres déficits de la réparation comme les patients NBS.

Nous avons également eu accès au prélèvement d’un patient atteint d’un syndrome de Cornelia de Lange dû à une mutation homozygote dans le gène NIPBL (Liu and Krantz,

chromosomes et également au cours des processus de réparation de l’ADN (Enervald et al., 2013; Oka et al., 2011). De manière intéressante, ce patient présente un biais d’utilisation des segments distaux (Valpha7.2 et Valpha24) similaire à celui détecté chez les patients AT (figure 21). Le rôle des cohésines au cours de la recombinaison V-J du TCRα a été étudié dans un modèle murin pour lequel la cohésine Rad21 est spécifiquement inactivée dans les thymocytes au stade DP, donc non en cycle, par l’expression d’une Cre sous la dépendance du promoteur du CD4 (Seitan et al., 2011). Les thymocytes de ces souris ont une durée de vie conservée et sont capables de se différencier, mais on observe tout de même un biais de répertoire du TCRα. Dans ce modèle murin, le biais de répertoire du TCRα ne serait donc pas dû à ne diminution de la durée de vie des thymocytes DP, mais il semble que la perte de Rad21 induit une perturbation de l’architecture de la chromatine du locus du TCRα, au niveau des sites de liaison des cohésines qui flanquent le TEA et l’Ealpha. Les cohésines seraient donc requises pour les interactions entre promoteur (TEA) et enhancers (Ealpha) et pour le recrutement du complexe RAG aux sites RSS.

Ce test de dépistage pourrait donc également permettre de détecter d’autres déficits de la réparation de l’ADN, sans qu’ils soient forcément liés à un déficit immunitaire. Là encore, ce résultat préliminaire devra être confirmé par l’étude d’autre patients Cornelia de Lange.

Le segment Valpha24 est le segment invariant des lymphocytes iNKT et le segment Valpha7.2 est le segment invariant des lymphocytes MAIT. Dans certains déficits immunitaires, on retrouve un déficit dans l’une et/ou l’autre de ces sous-populations, en particulier le syndrome XLP-2 causé par une mutation dans le gène XIAP (Gérart et al., 2013; Rigaud et al., 2006). Les résultats que nous obtenons montrent qu’il n’y a pas de corrélation chez ces patients entre le déficit en iNKT et en MAIT et les biais de répertoire (figure 23). Donc, si un biais de répertoire se traduit par un déficit en iNKT et MAIT (Okada et al., 2015; Vera et al., 2013), la réciproque n’est pas forcément vraie. Une observation similaire a été faite chez des souris pour lesquelles le facteur de transcription Runx1 a été inactivé spécifiquement dans les thymocytes DP (Egawa et al., 2005) : ces souris n’ont pas de iNKT mais sans qu’il n’y ait de diminution de la production du réarrangement Vα14/Jα18. Runx1 est sans doute nécessaire à la survie ou à la sélection des précurseurs iNKT en aval de la formation du TCR. Chez les patients XLP-2, le déficit en iNKT et en MAIT ne serait pas dû à un défaut de survie des thymocytes limitant le réarrangement du TCRα, mais serait

particulier des segments Valpha7.2 et Valpha24, et une absence de iNKT et de MAIT. Ces résultats confirment l’intérêt de rechercher un biais du répertoire du TCRα pour identifier une diminution de la survie des thymocytes DP. De plus cette étude d’Okada et collaborateurs, confirme que de manière similaire aux iNKT (Egawa et al., 2005) le développement des MAIT est dépendant de RORγt et donc de la survie des thymocytes DP.

L’étude du répertoire du TCRα par cytométrie en flux se poursuit au laboratoire, aussi bien dans des cas de pathologies diagnostiquées que pour des patients en cours d’exploration afin d’évaluer sur une plus large population de patients la pertinence de ce test.