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5. Discussion générale

5.2. Les mécanismes responsables des pertes de micronutriments

5.2.1. Pertes par thermo-réaction

Le transfert d’énergie met en œuvre des dynamiques de transfert de matière puis les hautes températures activent des réactions de thermo-dégradation des micronutriments. Ces micronutriments dégradés sont, pour les caroténoïdes, des isomères et, pour la vitamine C, une multitude de composés (furfural, acide furoïque,…). Le transfert d’énergie au sein de l’aliment sera influencé par les caractéristiques physico-chimiques de la matrice solide (W,

F , teneur en micronutriments, pH , etc.) évoluant au cours de la friture. L’analyse de thermo-dégradation a été réalisée sur des molécules à sensibilité thermique très différentes

comme les minéraux et vitamines ; on observe effectivement une rétention quasi totale du potassium et, ainsi, aucun impact avéré d’un traitement thermique. On retrouve une caractéristique classique des minéraux. En revanche, les vitamines sont plus ou moins altérées en fonction de leur nature.

Les thermo-dégradations

Les pertes d’acide L-ascorbique et caroténoïdes peuvent être induites par des mécanismes de dégradation thermique. Les molécules présentes dans les zones fortement déshydratées (zone hygroscopique où la température dépasse les 100°C) sont susceptibles de se dégrader par des réactions de thermo-dégradation au cours de l’opération de friture. Les schémas réactionnels de dégradations des micronutriments sont complexes et notre tentative de les représenter par une simple cinétique est réductrice. En revanche, vu le niveau de reproductibilité et précision de nos données expérimentales lié à la forte variabilité du plantain, cette simplification reste pertinente pour décrire l’évolution des micronutriments au cours du temps. Les coefficients de corrélation varient entre 0,75 et 0,90 ce qui permet de bien représenter les tendances. D’autre part, la distribution des résidus suit une loi normale (figures 32, 35, 36) ; cela révèle qu’aucun biais n’est observé. Si un mécanisme important avait été négligé, il est vraisemblable que les concentrations prédites apparaîtraient de manière groupée au dessous de la première bissectrice (sur estimation) ou en dessous (sous estimation). Enfin, l’insertion d’une telle cinétique d’ordre 1, dans le modèle de transport d’énergie et de matière, a permis de bien simuler la dynamique des thermo- dégradations des micronutriments.

L’identification des paramètres cinétiques de thermo-dégradation a été réalisée en intégrant l’hétérogénéité du champ de température au sein du produit. L’énergie d’activation de dégradation de l’acide ascorbique est en moyenne de 70 ± 2 kJ mol⋅ −1et celles du β- carotène et de l’α-carotène sont respectivement de 82 ± 3 et 87 ± 2 kJ mol⋅ −1. Ces énergies d’activation sont de l’ordre de grandeur de celles trouvées dans la littérature pour la vitamine C dans les fruits (Villota et Hawkes, 1992 ; Van den Broeck et al., 1998) et pour les caroténoïdes de la carotte (Desorby et al., 1998). D’autres auteurs obtiennent pour des jus de fruit acides, des énergies d’activation nettement inférieures pour la vitamine C (35,9

1

kJ mol⋅ − ) et nettement supérieures pour le β–carotène (110 kJ mol⋅ −1) (Dhuique-Mayer et al., 2007). Quelques soient les fruits étudiés, les caroténoïdes apparaissent plus

sein du produit : la vitesse de réaction de dégradation de la vitamine C est multipliée par 8 lorsque la concentration en oxygène dissout augmente de 0,25 à 2,25 mg L⋅ −1. Au cours de la friture, l’oxygène dissout du plantain est majoritairement désorbé ; ce mécanisme est facilité par l’ébullition. Les teneurs en oxygène dissout plus faibles en friture doivent réduire les vitesses de thermo-dégradations, c’est à dire augmenter la thermorésistante des composés d’intérêt nutritionnel.

Une valeur cuisatrice a été calculée en choisissant a priori une valeur de z égale à 25 et une température de référence de 100°C. La valeur cuisatrice calculée ainsi à partir de l’évolution de la température du plantain au cours de la friture est un indicateur assez globalisant à la fois des différents effets et du traitement thermique. Cette valeur de z égal à 25°C

correspond globalement à une cuisson satisfaisante d’un produit amylacé en termes d’aspect, goût et texture (Duquenoy, 2000). Toutefois, ces approches sont très technologiques. Pour les différents traitements de friture, les valeurs cuisatrices (VC) obtenues étaient très différentes alors que les pertes en micronutriments étaient identiques. Les VC sont d’autant plus élevées que la température était plus faible et le temps de traitement plus long. La conversion de l’énergie d’activation (Ea) en z aboutit pour l’acide L-ascorbique, le β–carotène et l’ α-carotène respectivement à : 38 1± °C, 32 1± °C et

31 1± °C. L’utilisation de ces valeurs de z nettement supérieures à 25°Caurait donné des valeurs cuisatrices nettement inférieures et identiques d’un traitement ( ,t T)à l’autre. D’un aspect sémantique, ces valeurs cuisatrices pourraient être nommées valeurs « destructrices » de micronutriments. Avec une vision de technologue, les valeurs « destructrices » de micronutriments (temps équivalent à 100°C) calculées avec ces z

représenteraient mieux l’impact du traitement de friture sur les pertes de ces composés d’intérêt nutritionnel.

Les « thermo-apparitions »

Ainsi les voies de dégradation induites par effet thermique sont très nombreuses mais la quantité potentielle de composés générés serait faible car ces réactions seront surtout intenses dans les zones les plus déshydratées qui correspondent à la croûte. Cependant, Yuan et Chen (1998) observent l’apparition de composés issus de la dégradation thermique de l’acide L-ascorbique (furfural, acide furoïque et 3-hydroxy 2-pyrone) lors du chauffage à 100°C pendant 2 heures d’une solution liquide de pH variables entre 1 à 5. Ceci montre que, dans un milieu riche en eau, le temps nécessaire pour induire l’apparition des composés néoformés par la chaleur est très long. Ceci pourrait permettre d’expliquer

pourquoi la teneur en 3 nouveaux composés (« hydrosolubles ») lors de la friture des tajadas et des tostones reste faible. Les co-injections réalisées en HPLC d’extraits de plantain frits ont permis de montrer que le furfural et les dérivés de thermo-dégradation de l’acide L- ascorbique ne sont pas détectés. Plusieurs hypothèses peuvent alors être formulées (i) soit ils ne sont pas générés – ou de telle sorte que leur concentration soit inférieure au seuil de détection des appareils ; (ii) soit ils sont impliqués dans des liaisons ne permettant pas leur extraction ; iii) soit ils sont produits, puis consommés dans d’autres schémas réactionnels. D’autre part, l’effet tampon de la matrice ainsi que le temps très court de friture pourraient être responsables de l’absence de furfural lors de la friture de tajadas et des tostones en dépit de hautes températures (entre 120 et 180°C).

Par ailleurs, les isomères de caroténoïdes apparaissent bien dans le plantain frits mais aucun lien statistique n’a été observé avec l’intensité du traitement thermique. Les résultats qui seront donc discutés par la suite concerneront donc essentiellement les pertes par dégradation de vitamines et non les apparitions de néoformés.

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