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1. 3. 1. Facteurs extrinsèques et déclin fonctionnel des cellules satellites âgées

De nombreuses études supportent l’idée que l’environnement, c’est-à-dire les signaux provenant du milieu systémique et de la niche, contribue de manière importante au processus du vieillissement des cellules satellites. La première preuve du rôle de l’environnement systémique dans la fonction des cellules satellites est une expérience de transplantation sur des rats jeunes ou âgés de muscles totaux isolés à partir de sujets jeunes ou âgés (Carlson and Faulkner 1989). Cette étude montre que les facteurs présents dans le tissu hôte sont plus importants que la source des cellules transplantées pour déterminer l’efficacité de la réponse régénérative. Récemment, il a été prouvé que la réussite de la greffe de fibres musculaires âgées dans des souris jeunes irradiées est identique à celle de la transplantation de myofibres jeunes (Collins et al. 2007). L’environnement de l’hôte joue donc un rôle crucial dans les fonctions des cellules satellites et la régénération musculaire. Des expériences récentes d’appariements de souris jeunes avec des souris âgées ont confirmé que les fonctions des cellules satellites sont influencées positivement par l’environnement systémique d’animaux jeunes et négativement par celui d’animaux âgés (Brack and Rando 2007, Conboy et al. 2005).

Il est maintenant admis que la plupart des voies de signalisation connues pour réguler les cellules satellites sont dérégulées au cours du vieillissement et agissent en synergie pour compromettre les fonctions des cellules satellites (Sousa-Victor et al. 2015, Sousa-Victor and Muñoz-Cánoves 2016). Les principaux changements liés à l’âge de l’environnement systémique et de la niche des cellules satellites sont : une augmentation de la présence des ligands Wnt dans le sérum d’individus âgés, une augmentation de l’expression des facteurs FGF2 et TGFβ (transforming growth factor beta 1) et un manque d’expression de DLK1 à partir des myofibres et/ou des progéniteurs myogéniques des muscles âgés.

L’expression insuffisante de DLK1 par les myofibres et les progéniteurs myogéniques dans les muscles squelettiques de souris âgées au cours de la myogenèse affaiblit les capacités de prolifération et de différenciation des cellules satellites âgées (Conboy et al. 2003). En effet, l’inhibition de l’activation de la signalisation Notch altère la régénération des muscles de souris jeunes, tandis que l’activation de cette voie restaure le potentiel régénératif des muscles de souris âgées. La signalisation Notch est donc un déterminant clé du potentiel régénératif musculaire qui décline avec l’âge.

44 En plus de la diminution de l’activation de la voie Notch, les muscles de souris âgées présentent un niveau d’expression élevé de facteurs TGFβ qui est habituellement associé à une baisse de la capacité régénérative des muscles (Carlson, Hsu, and Conboy 2008). Les voies de signalisation Notch et TGFβ ont des effets antagonistes dans le contrôle de la prolifération des cellules satellites. L’activation de la voie Notch bloque la surexpression des inhibiteurs CDKs p15, p16, p21 et p27 dépendante de la voie TGFβ, alors que l’inhibition de la voie Notch induit l’expression de ces CDKs. De plus, l’inhibition de l’activation de la voie TGFβ dans les muscles de souris âgées restaure la capacité régénérative des cellules satellites in vivo. Ces résultats suggèrent qu’une balance endogène entre l’activation des voies Notch et TGFβ contrôle la capacité régénérative des cellules satellites, et qu’une dérégulation de cette balance dans la micro-niche des muscles de souris âgées interfère avec la régénération musculaire.

Une dérégulation de la signalisation Wnt au cours du vieillissement a aussi été proposée pour expliquer la perte de fonction des cellules satellites dans les muscles squelettiques sarcopéniques. L’augmentation de la signalisation Wnt contribue à stimuler la fibrose intramusculaire au dépend de la myogenèse diminuant ainsi la capacité régénérative des muscles squelettiques (Brack et al. 2007). Une des protéines du complément C1q a été identifiée comme un activateur de la voie Wnt et serait impliquée dans la réduction de la capacité régénérative des muscles squelettiques en ciblant à la fois les fibroblastes et les cellules satellites (Naito et al. 2012). En effet, C1q inhibe la prolifération des cellules satellites et favorise la fibrose musculaire en stimulant l’expression des protéines de la matrice extracellulaire par les fibroblastes musculaires (Naito et al. 2012). Les effets synergiques de la perte d’activation de la voie Notch et de la forte activation de la voie Wnt contribueraient à favoriser une mauvaise différenciation plutôt que l’auto-renouvellement des progéniteurs myogéniques causant alors l’épuisement du pool de cellules satellites au cours du vieillissement (Brack et al. 2008). Une étude récente reporte que l’activation de la voie Wnt n’est pas indispensable pour la myogenèse au cours de la régénération musculaire mais que l’inhibition de cette voie est une étape cruciale pour empêcher les effets délétères d’une réponse régénérative prolongée (Murphy et al. 2014).

Comme évoqué précédemment dans le paragraphe « perte numérique des cellules satellites avec l’âge », l’augmentation de l’expression de FGF2 par les myofibres au cours du vieillissement compromet le maintien de l’état de quiescence des cellules satellites (Chakkalakal et al. 2012). Cet effet est induit par la diminution de l’expression de Sprouty-1 qui est un inhibiteur de la signalisation de FGF2 (Chakkalakal et al. 2012). Récemment, il a été montré que les précurseurs musculaires humains adultes et âgés présentent une augmentation

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de la méthylation d’ADN (acide désoxyribonucléique) au niveau du gène Sprouty-1 qui est corrélée à une incapacité des cellules à retourner à l’état quiescent (Bigot et al. 2015).

L’ocytocine, GDF11 (growth and differentiation factor 11) et la myostatine sont aussi impliqués dans la perte de fonctions des cellules satellites au cours du vieillissement. En effet, le niveau d’ocytocine est réduit dans le plasma des souris âgées et l’administration de ce composé dans les animaux âgés restaure la capacité régénérative musculaire (Elabd et al. 2014). De même, le taux plasmatique de GDF11 diminue avec l’âge alors que celui de la myostatine augmente (Egerman et al. 2015, Poggioli et al. 2016, Bergen et al. 2015, Sinha et al. 2014).

1. 3. 2. Modifications intrinsèques et déclin fonctionnel des cellules satellites âgées

En plus des facteurs extrinsèques présents dans le microenvironnement, des changements intrinsèques liés à l’âge impactent le comportement des cellules satellites. Parmi ces modifications intrinsèques, on retrouve : l’instabilité génomique, les dommages à l’ADN, les stress oxydatifs et les altérations de la fonction mitochondriale.

Les cellules souches satellites seraient plus résistantes aux dommages que subit l’ADN et seraient capables de les réparer plus efficacement que les progéniteurs myogéniques plus engagés dans le processus de la myogenèse (Vahidi Ferdousi et al. 2014). Néanmoins, l’effet combiné d’une exposition à des stress génotoxiques tout au long de la vie et un déclin de la capacité antioxydante des cellules satellites semblent avoir un impact néfaste sur l’intégrité du génome des cellules satellites (Fulle et al. 2005).

Le vieillissement induit des changements dans le programme transcriptionnel des cellules satellites conduisant à des défauts dans la fonction de ces cellules tels qu’une activité antioxydante diminuée, une capacité limitée à compléter le programme de différenciation due à une expression altérée des gènes spécifiques de la myogenèse, une expression augmentée des gènes liée à l’atrophie musculaire, et une dérégulation de l’expression des gènes impliqués dans la conformation des protéines (Bortoli et al. 2003, Pietrangelo et al. 2009). Ces modifications transcriptionnelles pourraient clarifier le mécanisme moléculaire de la baisse du potentiel myogénique, de la formation limitée de colonies myogéniques in vitro des cellules satellites âgées (Conboy et al. 2003, Shefer et al. 2006, Collins et al. 2007, Chargé, Brack, and Hughes 2002, Shadrach and Wagers 2011, Day et al. 2010, Baj et al. 2005) et de leur tendance à adopter des devenirs fibroblastiques et adipogéniques (Brack et al. 2007). Les changements de l’expression génique des cellules satellites liés à l’âge pourraient provenir d’altérations

Figure 13. Facteurs extrinsèques et intrinsèques qui perturbent les fonctions des cellules satellites au cours du vieillissement. Dans les muscles au repos, les cellules satellites sont à l’état de quiescence et expriment le récepteur Notch3 et le facteur de transcription Sprouty-1. Les myofibres libèrent le ligand Notch Delta 1 dans le microenvironnement des cellules satellites pour préserver l’état quiescent des cellules satellites. Avec l’âge, la composition de la niche est altérée avec une réduction de l’expression de Delta1 et une augmentation de celle de FGF2 et du TGFβ par les myofibres. Une augmentation de l’expression de Wnt ainsi qu’une diminution des taux plasmatiques d’ocytocine et de GDF11 sont aussi observées chez les sujets âgés, ce qui affecte les fonctions des cellules satellites et altère la quiescence des cellules souches ou les étapes de la régénération musculaire. Les cellules satellites quiescentes des muscles âgés présentent une activité élevée de la MAPK p38 et de la voie de signalisation JAK/STAT3 entraînant une perte de l’auto-renouvellement des cellules souches. La perturbation de la signalisation FGF2-Sprouty-1 entraîne la sortie de l’état quiescent des cellules satellites âgées alors que l’induction de p16INK4 provoque la présénescence de ces

cellules. La prolifération, la différenciation et l’auto-renouvellement des cellules satellites âgées sont aussi affectés par un déséquilibre de la balance Notch/Smad3 dans le microenvironnement menant à une augmentation de la voie Wnt impliquée dans la conversion des cellules satellites vers un devenir fibrotique. (Sousa-Victor et al. 2015)

46 épigénétiques qui ont été découvertes en comparant les profils épigénétiques de cellules satellites quiescentes isolées à partir des muscles de souris jeunes et âgées (Liu et al. 2013).

Des études récentes se sont focalisées sur l’identification de stratégies de rajeunissement des cellules satellites en agissant sur les voies de signalisation intracellulaires spécifiquement dérégulées dans les cellules satellites âgées (Cosgrove et al. 2014, Bernet et al. 2014, Tierney et al. 2014, Price et al. 2014). En accord avec l’augmentation du niveau d’expression de FGF2 dans les muscles âgés (Chakkalakal et al. 2012), une dérégulation de la voie FGF-p38 MAPK est observée dans les cellules satellites ayant un déficit de potentiel régénératif lié à l’âge (Bernet et al. 2014). L’augmentation de la signalisation p38 MAPK dépendante de l’âge limiterait l’expansion des cellules satellites au cours de la phase de prolifération tout en favorisant leur sortie du cycle cellulaire (Cosgrove et al. 2014). De même, le faible potentiel de régénération des cellules satellites âgées est corrélé avec une augmentation de l’activité de la voie JAK/STAT, ce qui affecte la fonction des cellules satellites en stimulant leur division asymétrique (Price et al. 2014). De plus, la stimulation de l’expression de MyoD par la cascade de signalisation IL-6/STAT3 favorise la différenciation des cellules satellites âgées au dépend de leur expansion (Tierney et al. 2014). Enfin, l’inhibition de l’activité des voies de signalisation JAK/STAT3 ou p38 MAPK améliore la capacité régénérative des cellules satellites âgées dans des expériences de transplantation musculaire (Cosgrove et al. 2014, Bernet et al. 2014, Tierney et al. 2014, Price et al. 2014).

Au cours du vieillissement, les muscles squelettiques subissent une grosse perte de leur masse et de leur fonction. La sarcopénie réduit fortement les fonctions volontaires des muscles comme le maintien de la posture et de la mobilité, ce qui affecte la qualité de vie des personnes âgées. En réponse à une blessure, les cellules satellites musculaires supportent des changements extrinsèques, provenant de leur environnement, ainsi que des modifications intrinsèques qui altèrent leur capacité régénérative et leur rôle dans le maintien de l’homéostasie musculaire (Fig. 13).

Le vieillissement est un des facteurs de risque majeur pour le développement de maladies chroniques chez l’homme (Kennedy et al. 2014). Il n’est donc pas surprenant de trouver des dysfonctionnements cellulaires du muscle communs à des patients atteints de dystrophies musculaires et à des individus d’âge avancé.

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2. Les cellules satellites dans le muscle dystrophique DMD