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Perte de myéline cérébrale liée à l’anorexie mentale

Bien que la myéline soit plus abondante dans la SB, une quantité considérable de fibres myélinisées peut être trouvée dans la matière grise corticale.89 Etant donné que le temps de relaxation T1 de la SB était également raccourci chez les anorexiques par rapport aux

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témoins, ce phénomène observé aussi bien dans la SG que dans la SB, pourrait être dû à une perte de myéline. Il a été démontré auparavant qu'il existe une corrélation entre les temps de relaxation T1 et la microstructure de la SB cérébrale avec des structures composées de grands axones myélinisés telles que les voies corticospinales, celles-ci ayant des temps de relaxation T1 plus longs que les régions composées d'axones plus petits comme le genou et le splénium du corps calleux.90 Cela pourrait probablement s'expliquer par le rapport surface/volume de la myéline, plus faible dans les grands axones, ce qui entraîne moins d'interactions eau-membrane et un taux de relaxation longitudinal (T1) plus long.91 Il est donc concevable que la perte de myéline chez les patients anorexiques pourrait entraîner une réduction du diamètre des axones, ce qui raccourcirait par conséquence le temps de relaxation T1 de la SB et, possiblement, de la SG.

Les temps de relaxation T2 de la SG plus longs trouvés chez les anorexiques pourraient à nouveau s'expliquer par une perte de myéline. L'eau attrapée entre les couches de myéline a un temps de relaxation T2 plus court (20 ms) que l'eau dans les compartiments intra et extracellulaires (80 ms).77 Une concentration plus faible de myéline entraînerait donc des temps de relaxation T2 relativement plus longs. L'absence de différences dans les temps de relaxation T2 de la substance blanche entre les deux groupes pourrait d'une part être due à un mécanisme de protection physiologique, basé sur la préservation de la myéline là où elle est le plus nécessaire ou, d'autre part, à un effet relativement moindre de la perte de myéline en raison de la concentration plus élevée de ce constituant dans la SB du cerveau.

A l'instar du cercle vicieux entre déshydratation et AM précédemment mentionné, un parallèle pourrait être établi entre la perte de myéline mise en évidence chez les anorexiques et les comportements compulsifs et rituels souvent observés chez ces patients. L’AM est un trouble psychiatrique hautement héréditaire18 et associé à des changements de la structure

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intrinsèque du cerveau. La nature précise de ces changements reste incertaine, tout comme leur évolution dans le temps et leur réversibilité lors de la restauration d’un poids normal.

Dans l'étude de neuroimagerie par Miles et al. (2019)92, des changements dans la microstructure de la SB chez des femmes atteintes d'AM de façon aiguë et chez des femmes récupérées d'AM ont été investigués. Des altérations dans le cerveau de ces femmes ont été trouvées. Elles suggèrent une myélinisation atypique et une altération de l'intégrité des axones, ceci établissant un possible lien entre la microstructure modifiée de la SB et la vulnérabilité à développer l'AM. Le fait que la densité d'oligodendrocytes est réduite chez les anorexiques soutient cette hypothèse. Les potentiels mécanismes d'action suggérés par les auteurs comprennent un développement neurologique atypique et une inflammation systémique.

La perte de myéline dans la substance blanche ainsi que dans la substance grise chez les patients anorexiques pourrait être potentiellement confrontée aux altérations de la microstructure de la substance blanche observées par Miles et al. (2019)92 suggérant ainsi, une fois de plus, qu'un mécanisme de rétroaction positive pourrait être en jeu dans l’AM. Cela pourrait également aider à expliquer la raison pour laquelle les anorexiques semblent invariablement tomber dans des habitudes alimentaires anormales et compulsives qui progressent inévitablement avec le temps, à moins qu'une intervention hautement ciblée n'ait lieu. Cette hypothèse est soutenue par les trouvailles de l'étude de Via et al. (2014)93 dans laquelle une pathologie de la SB chez les patients souffrant d'AM a été identifiée.

Particulièrement, les altérations observées au niveau du faisceau longitudinal supérieur et du fornix (une structure clé impliquée dans la régulation de l'équilibre de l'énergie corporelle et traitement des réponses aux récompenses)94 peuvent être pertinentes pour les symptômes clés de l'AM tels que la distorsion de l'image corporelle ou les altérations de l'équilibre

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énergétique corporel et des processus de récompense. Les altérations aperçues dans ces deux régions du cerveau reproduisent celles trouvées dans des études antérieures95–97 et soutiennent une pathologie de la SB et de circuits neuronaux spécifiques chez les personnes souffrant d'AM.

Les altérations des temps de relaxation T1 et T2 de différentes structures cérébrales trouvés chez les anorexiques dans notre étude évoquent fortement une perte de myéline de la SB et SG du cerveau. Ceci pourrait éventuellement ouvrir la porte à de nouvelles options thérapeutiques si un parallèle était établi entre l’AM et d’autres maladies caractérisées par une perte de myéline telle que la sclérose en plaques même si, dans ce dernier cas, il s’agit d’une destruction de la myéline et non pas d’une déplétion de myéline comme dans l’AM. Plusieurs études ont exploré la possibilité de remyélinisation d’axones endommagés par la perte de la couche protectrice de myéline. Malgré les défis considérables de cette possibilité, des progrès ont été faits dans ce domaine. Il y a actuellement un réel espoir que des chercheurs s’approchent de plus en plus à une thérapie efficace98 avec même la possibilité de régimes neuro-régénérateurs99.

Plus spécifiquement dans le domaine des troubles alimentaires et dans le cadre de développements récents dans le domaine de la génétique, un gène potentiellement responsable des comportements alimentaires pathologiques a été identifié (Cyfip2).100 Les chercheurs de cette étude ont également découvert un réseau d'autres gènes qui seraient également liés à des troubles alimentaires, gènes qui sont impliqués aussi dans le processus de myélinisation. Ce développement pourrait ainsi aider à développer de nouveaux traitements pour des troubles de l'alimentation, notamment l'anorexie mentale. Selon le responsable principal de l’étude,100 compte tenu que des changements dans le cerveau ont été identifiés suite à l'hyperphagie

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boulimique qui prédisaient une diminution de la myélinisation, la promotion thérapeutique de la remyélinisation peut représenter une nouvelle voie de traitement pour favoriser la récupération des comportements alimentaires négatifs dans les troubles alimentaires.

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