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Enfin, bien que les FTis aient été développés pour une utilisation dans le traitement du cancer, ils se sont également révélés efficaces dans des maladies parasitaires et des laminopathies.

1. Utilisation des FTis comme agent antiparasitaire

Malgré les avancées pharmaceutiques, les maladies parasitaires comme le paludisme ou la maladie de Chagas continuent à être des maladies infectieuses étendues. Une approche pour accélérer le développement de thérapeutiques anti-parasitaires consiste à développer les FTis pour une utilisation anti-parasitaire (Gelb et al., 2003).

En effet, la prénylation ne s’effectue pas seulement dans les cellules de mammifères mais également dans des parasites protozoaires tels que le Trypanosoma brucei (maladie africaine du sommeil) et Trypanosoma cruzi (maladie de Chagas) (Yokoyama et al., 1997 ; Field et al., 1996), le Leishmania major (Yokoyama et al., 1998a), le Giardia lamblia (Lujan et al., 1995), Schistosoma mansoni (Chen et al., 1993), Plasmodium falciparum (malaria) (Chakrabarti et al., 1998)), le Toxoplasma gondii (toxoplasmose) (Ibrahim et al., 2001). Les FTases des parasites Trypanosoma brucei, Trypanosoma cruzi et Leishmania major ont été clonées (Yokoyama et al., 1998b ; Buckner et al. ; 2002 ; Carrico et al., 2004). Ces enzymes ont une spécificité de substrat différente de leur homologue de mammifère. Il est donc possible de préparer des composés sélectifs de la FTase du parasite (Gelb et al., 2003).

Des inhibiteurs puissants de la FTase du parasite capables de bloquer la croissance de ce dernier ont été développés (Hucke et al., 2005). Ces FTis ont une toxicité sélective envers les parasites qui s’explique par l’absence de GGTase-I parasitaire ou d’une autre modification possible pour les protéines farnésylées. Cependant, la GGTase-I est présente dans quelques parasites, comme le Trypanosoma cruzi (Yokoyama et al., 2008). Dans ce cas, les FTis sélectifs perdent de leur efficacité sur le parasite. La T. cruzi GGTase-I étant clonée, il est possible de concevoir des inhibiteurs sélectifs de la T. cruzi GGTase-I ou des inhibiteurs mixtes T. cruzi FTase/GGTase-I.

2. Utilisation des FTis dans le traitement du syndrome

progéroïde d’Hutchinson Gilford (HGPS)

Les syndromes progéroïdes sont des désordres génétiques rares qui miment les caractéristiques cliniques et moléculaires de la vieillesse. D’abord décrite par Hutchinson (Hutchinson, 1886) et plus tard par Gilford (Gilford, 1904) la progéria ou Hutchinson Gilford Progeria Syndrome (HGPS) est une maladie rare et sévère. Le phénotype clinique est caractérisé par un retard de croissance sévère, associé à une altération du squelette, une amyotrophie marquée, une lipodystrophie, une atrophie de la peau et une alopécie (Jansen et al., 2000). Les enfants affectés décèdent vers un âge moyen de 13,5 ans, le plus souvent par infarctus du myocarde (Hennekam, 2006).

Des mutations sur le gène LMNA, codant pour les lamines A et C (Lin et al., 1993), ont été identifiées comme cause de l’HGPS (De Sandre-Giovannoli et al., 2003, Navarro et al., 2006). Les lamines ont un rôle inattendu dans ce vieillissement prématuré (Mattout et al., 2006). La néosynthèse de la lamine A nécessite une série

de quatre modifications post-traductionnelles (Navarro et al., 2006) (figure 22). Après la farnésylation de la prélamine A, les trois derniers résidus « AAX » sont clivés par FACE1/ZMPSTE24, puis la cystéine est méthylée par ICMT (Isoprénylcystéine Carboxyl Méthyl Transférase). Un second clivage par FACE1/ZMPSTE24 solubilise la lamine mature dans le cytosol. La lamine A est alors importée dans le nucléoplasme à travers un Complexe du Pore Nucléaire (CPN).

Figure 22 : Processus de maturation de la lamine A (RE : réticulum endoplasmique, EN : enveloppe nucléaire, CPN : complexe du pore nucléaire, SLN : signal de localisation nucléaire, ICMT :

isoprénylcystéinecarboxylméthyltransférase) (d’après Navarro et al., 2006)

La mutation de LMNA induit la traduction d’une prélamine A tronquée au niveau de la seconde séquence reconnue par la ZMPSTE24 : la prélamine A n’est donc plus clivée, empêchant la maturation en lamine A (Navarro et al., 2006, Eriksson et al., 2003). L’accumulation de prélamine A farnésylée (progérine) toxique (Fong et al., 2004) est réduite par les FTis, améliorant le phénotype cellulaire (Yang et al., 2005). Un FTi a été administré sur des souris atteintes de progéria, augmentant leur tonus, diminuant leur fracture osseuse et améliorant leur longévité (Fong et al., 2006). Les FTis inhibent fortement l’accumulation de progérine et partiellement la farnésylation de la Lamine A. Etant donné qu’une faible quantité de Lamine A mature permet l’assemblage de l’enveloppe nucléaire, les FTis ont alors un effet positif sur le noyau (Lourim et al., 1993). Ces premiers résultats sur modèle animal ont conduit à étudier le Lonafarnib (phase II) dans cette pathologie.

LE DRUG DESIGN DES INHIBITEURS DE

FARNESYLTRANSFERASE

L’étude du mécanisme de farnésylation a montré que la « boîte CA1A2X » adopte deux conformations interagissant différemment avec le site actif de la FTase (figure 1). Dans un premier temps, cette séquence peptidique se fixe dans une conformation étendue. Puis, après addition de la chaîne farnésyle sur le thiol de la cystéine, il y a passage à une conformation coudée de type β-turn. Ce changement de conformation entraîne le déplacement de la partie « CA1»et celui du groupement farnésyle vers une cavité hydrophobe appelée l’« exit groove » formée par Ala92β, Tyr93β, Asp359β, Cys95β et Leu96β (Long et al., 2002). De ce fait, l’inhibition de la FTase peut se faire en mimant au moins l’un des deux substrats (FPP ou la « boîte CA1A2X ») et en se fixant dans au moins l’un des deux sites.

Comme indiqué dans le chapitre précédent, les FTis disposent d’un potentiel thérapeutique non négligeable dans le traitement de maladies parasitaires (maladie de Chagas et paludisme). Les farnésyltransférases de ces parasites ont été clonées et leur superposition avec l’enzyme humaine montre une légère différence (Gelb et al., 2003). Il est donc possible de concevoir des inhibiteurs spécifiques des FTases parasitaires à partir d’inhibiteurs de FTase humaine. Mes travaux de thèse étant focalisés vers l’aspect anticancéreux, je ne détaillerai pas la conception de ces inhibiteurs.

Figure 1 : Présentation du site actif de l’enzyme

Deux grandes approches ont été entreprises, parallèlement, pour découvrir des inhibiteurs de farnésyltransférase :

Ü une approche rationnelle, initiée à partir des premières représentations de la FTase, évoluant avec la découverte de son mécanisme réactionnel

I. Découverte de FTis par conception rationnelle

La conception rationnelle de FTis a initialement été basée sur des données cinétiques de la réaction de farnésylation. Les études par cristallographie ont ensuite permis de déterminer le mode de fixation des FTis, facilitant ainsi la conception de nouveaux inhibiteurs.

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