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Arrivé à la fin de sa problématique, le groupe estime que le rôle infirmier englobe une prise en soins holistique de l’être humain. En lien avec nos expériences professionnelles et nos diverses recherches scientifiques, l’utilisation d’outils tels que l’EM n’est que peu mobilisée lors d’une prise en soins en milieu somatique aigu. Le but du groupe est de rechercher les bénéfices d’un EM dans la prise de conscience du trouble alcoolique. Nous avons constaté que la problématique d’alcool est peu abordée dans un service aigu et par ce travail nous souhaiterions mettre en avant les pratiques les plus probantes dans le but d’améliorer la prise en soins. Finalement, au travers de ce travail de Bachelor, la déstigmatisation du trouble alcoolique est également visée.

Dépendance

Selon Memmi, « je suis, nous sommes, vous êtes, ils sont dépendants » (Memmi, 1979, p.9). La notion de dépendance se trouve partout, que ce soit envers une personne ou envers un objet. Comme l’exprime Philippe Jaquet, l’être humain naît dépendant. Dépendant dès la naissance de sa mère, de ce qui l’entoure, dépendant du monde. Un autre type de dépendance est défini comme étant la nécessité irrépressible de poursuivre l’absorption de certaines substances dans le but d’évincer un état de mal-être tant physique que psychique (Jaquet, 2013).

La dépendance peut être définie selon des modèles biologiques, psychanalytiques, systémiques et cognitivo-comportementaux. Selon les modèles biologiques, il existe un circuit intégrant le processus de récompense, un autre gérant l’aspect comportemental et surtout les conduites compulsives, puis un dernier s’activant surtout lorsqu’un stimulus ayant été, dans le passé, associé à la substance apparait. Ces derniers sont interconnectés et identiques à toutes les théories biologiques (Le Moal, 2006).

Tout être humain a besoin de récompenses afin d’assurer sa survie en répondant aux besoins de base. Néanmoins, pour que l’envie de reproduire ces comportements se présente et ainsi assurer notre survie, il y une activation du système de récompense qui se produit (Jaquet, 2013). L’aire

tegmentale ventrale située dans le mésencéphale, du système nerveux central, fait partie intégrante du « système de récompense » ou du plaisir. Certains psychostimulants, dont l’alcool concourent à la libération de dopamine, qui est le neurotransmetteur principal impliqué dans le processus de dépendance. De ce fait, la dopamine s’accumule au niveau de l’amygdale et permet que la combinaison entre activation de la récompense et stimuli dû à la consommation se fassent (Le Moal, 2006).

Selon Tassin (2008), ce processus stimulant le système de récompense et provoquant la satisfaction donne l’illusion à l’individu que tout va bien alors que ce n’est pas le cas. Par conséquent, si la dépendance est déclenchée par le plaisir, cela induirait que la dopamine soit responsable de la dépendance. Cependant, une autre hypothèse vient démontrer que les pulsions difficiles à contrôler sont expliquées par le découplage de deux neurotransmetteurs, la noradrénaline et la sérotonine. Ces derniers jouent un rôle de modulateurs au sein du système nerveux central. C’est-à-dire que lorsque l’un s’active, l’autre aussi. La noradrénaline s’occupe du désir et de la pulsion, tandis que la sérotonine protège le système nerveux central de ces pulsions. Malencontreusement, à force de consommation, ces deux neurotransmetteurs se découplent. Ainsi, lorsque la noradrénaline se libère, la sérotonine étant découplée ne pourra plus jouer son rôle protecteur. De ce fait, les pulsions seront difficiles à maîtriser : c’est ce qu’on nomme le craving (Tassin, 2008).

Concernant les modèles psychologiques, selon certains auteurs, les addictions interviennent en tant que mécanismes de défenses, c’est-à-dire le mouvement d’un conflit inconscient. Un autre modèle psychologique explique le phénomène de prédisposition de certains individus d’être à la recherche de sensations fortes, par conséquent, plus exposés à des conduites dites à risque (Valleur, 2006). Pour terminer, un autre facteur, selon ce modèle, serait relié au type d’attachement acquis durant l’enfance. Les enfants ayant un attachement dit « sécure », selon Bowlby, seraient moins prédisposés à une menace de dépendance (Bowlby, 2002).

Selon les modèles psychanalytiques, la présence d’une fragilité de la personnalité ainsi qu’un fonctionnement intrapsychique instable sont les conditions nécessaires pouvant faire apparaître des troubles addictifs (Jeammet & Lamas, 2006).

Le modèle systémique, quant à lui, met en avant que l’addiction est perçue comme étant le symptôme de dysfonctionnement des relations au sein de la famille. Elle inculpe, en premier lieu, les parents de l’individu.

Pour terminer, le modèle cognitivo-comportemental regroupe divers conditionnements : classique, opérant et la théorie de l’apprentissage social (Aubin, 2006). Le conditionnement classique se base sur le déclenchement d’une réponse, donc d’un comportement par association. C’est-à-dire qu’après avoir consommé, des souvenirs au niveau de la mémoire sont façonnés. Par conséquent, avant même la consommation du produit, il y a le déclenchement d’une réponse par association (Le Moal, 2006). Le

conditionnement opérant est dit positif si les effets de la réponse augmentent la possibilité de reproduire le comportement. Il est dit négatif si, à l’inverse, la réponse résulte négativement, le comportement est abandonné. Pour terminer, l’apprentissage social met en avant qu’un individu peut apprendre un comportement en adoptant le même que celui d’une personne modèle ; c’est un apprentissage par modelage (Aubin, 2006). Tous les mécanismes expliqués ci-dessus sont similaires à ceux des addictions sans substance (Reynaud, 2006). Néanmoins, il ne faut pas omettre qu’une multitudes d’autres facteurs tels que les modalités de consommation, les facteurs de risques individuels et environnementaux, sont à prendre en compte et varient d’un individu à l’autre (Karila & Reynaud, 2006).

Au vu de tous ces modèles, l’apparition d’une problématique alcoolique chez un individu pourrait être expliquée par le fait que la dépendance à l’alcool reste un trouble multifactoriel et complexe tant dans son mode d’apparition, que dans sa détection et dans sa prise en soins. Nous pensons qu’il est nécessaire d’être conscient de l’existence de ces différentes étiologies afin de pouvoir axer au mieux notre discours et nos actions au cours de la rencontre avec la personne soignée.

En conclusion, chaque individu est singulier, chaque contexte d’apparition du trouble ainsi que chaque étape de changement sont différents. De ce fait, il en découle que la posture infirmière ne va pas être la même.

Selon Jaquet, (2013), ce qui est le plus complexe dans la maladie addictive est la reconnaissance du trouble, que ce soit pour la personne concernée, par ses proches et même parfois par les professionnels de la santé. En lien avec notre thématique, la détection de la dépendance alcoolique doit avoir lieu le plus tôt possible, pour les personnes concernées, mais également pour ce qui touche au domaine de la santé publique. Comme cité dans la problématique, l’alcool est la substance psychoactive la plus consommée en Suisse. De plus, cet abus entraînerait de multiples conséquences néfastes pouvant aller jusqu’au décès surtout au travers de comportement abusifs et à risque pour la santé. C’est sans compter toutes les conséquences sociales ayant un impact direct, certes, sur l’individu, mais également sur son entourage et, de manière plus large, sur la société. C’est pour cela qu’il est demandé aux professionnels de la santé de repérer les premiers signes délétères afin d’amener une prise de conscience du trouble (Benyamina et al., 2013). Ce dépistage d’abus ou de dépendance se fait au travers d’entretiens, d’examens cliniques, de questionnaires spécifiques ou encore via l’évaluation de la quantité d’alcool absorbée. Par la suite, du moment où un danger en lien avec un abus d’alcool est constaté, les professionnels de la santé se doivent d’avertir inévitablement les individus concernés. Cette notion est essentielle afin de diminuer les futurs dommages potentiels (Lejoyeux, 2013).

De plus, le travail de prise de conscience ainsi que la motivation sont des aspects délicats à travailler. La personne accro passe par différentes étapes,

il est donc important de respecter ces dernières, afin de se rendre, le plus facilement possible, vers un processus de changement et/ou de prise de conscience du trouble. Le mandat des soignants n’est pas celui de héros ou de sauveur, mais plutôt d’être dans un rôle de personne miroir. Les professionnels de la santé doivent être capables de se faire l’écho à l’individu de ce qui est perçu de lui de manière globale (Jaquet, 2013). Ce rôle peut, selon nous, tout à fait être mis en avant lors d’entretiens spécifiques, comme l’EM.