Chapitre 5 : Synthèse des résultats et Discussion
5.3. Perspectives et propositions pour la pratique
Suite aux analyses précédentes, nous pouvons identifier certaines
perspectives pour la pratique infirmière actuelle. Tout d’abord et grâce à nos
recherches, nous pouvons affirmer que les interfaces technologiques sont
bénéfiques pour l’auto-soin des patients (Johnson, Brown, & Valdez, 2011 ;
McKoy et al., 2015 ; Morton et al., 2017 ; Nijland et al., 2011 ; Or et al., 2011).
En effet, des applications telles que « DiabetesCoach » ou le Site web
« HeartCare », permettent d’améliorer la qualité de vie et le bien-être des
patients, d’augmenter l’adhésion au traitement, de faciliter le processus de
prestations de soins de santé (Or et al., 2011), cela grâce à la possibilité
d'optimiser la communication à travers ces outils (Glaser et al., 2017), mais
aussi le partage de connaissances et d’informations ainsi que la coordination.
Les professionnels de la santé, donc les infirmières, ont un accès facilité à leur
patient et donc une communication facilitée. Les patients se sentent davantage
suivis, ce qui leur donne un sentiment de sécurité. Cela permet d’atteindre
plus facilement les objectifs de soins, d’améliorer la prise en charge et, par
voie de conséquence, de diminuer également les coûts de la santé (Glaser et
al., 2017). C’est grâce à ces différents facteurs que l’engagement et l’auto-soin
des patients sont améliorés à travers les interfaces technologiques.
Toutefois, un certain nombre d’obstacles peuvent survenir. Nous en avons
identifié plusieurs, notamment la difficulté d’acceptation des nouvelles
technologies par les patients mais aussi par les soignants. Le caractère
nouveau de l’outil technologique met les différentes personnes impliquées
dans l’inconfort et nécessite une adaptabilité aux changements que celui-ci
entraîne. Pour les patients, les avantages mentionnés ci-dessus ne leur
profiteront que dans la mesure où cette technologie sera acceptée et utilisée.
Les études ont démontré que les patients de l’étude utilisant une interface
technologique étaient moins susceptibles d’utiliser celle-ci s’ils la perçoivent
comme trop difficile d’utilisation, peu utile ou incompatible avec leurs besoins,
valeurs et expériences passées. Un autre obstacle majeur pour les patients
réside dans l’accès limite ou absent à internet et le manque de connaissances
sur son utilisation. Le besoin de formation est important et constitue un
élément fondamental, en particulier auprès de la population des patients âgés.
Il s’agit d’un levier essentiel pour favoriser l’acceptation de la technologie (Or
et al., 2011).
C’est pourquoi, l’un des rôles infirmiers est d’aider le patient à donner un
sens à ses nouveaux outils, afin qu’il en perçoive les bénéfices et accepte la
technologie. Cependant, le défi est également l’acceptation de cette nouvelle
prise en charge par l’infirmière. Bien que les professionnels perçoivent les
bénéfices, leurs préoccupations concernent cinq points principaux.
Premièrement, il s’agit du fardeau de la surveillance du patient, c’est-à-dire
une plus grande responsabilité qu’il porte vis-à-vis de sa santé en lien avec ses
signes vitaux par exemple. Deuxièmement, leurs préoccupations concernent
l’éloignement du patient du système de prestation de soin, car il reste
davantage à domicile et les relations se font à distances ce qui entraînerait
une diminution des contacts réels avec les professionnels de santé. Ensuite, le
besoin de confiance vis-à-vis de ces nouvelles technologies, ainsi que les
nouvelles compétences que les professionnels devront développer sont
également une préoccupation, sans oublier les risques juridiques en lien avec
la protection des données qui en découlent (Johnson et al., 2011 ; McKoy et
al., 2015 ; Morton et al., 2017 ; Or et al., 2011 ; Taylor et al., 2015).
La télémédecine peut être un outil particulièrement efficace pour les
patients ayant un accès difficile ou des barrières sociales qui limitent leurs
déplacements ou leurs accès aux professionnels de la santé (McKoy et al.,
2015). A savoir, les études que nous avons analysées ont été effectué dans
certains états des États-Unis et plusieurs pays d’Europe. Ces interfaces attirent
particulièrement des patients qui sont déjà motivés par l’auto-soins et qui sont
diagnostiquer depuis plusieurs années. Cependant, se sont souvent ceux qui
ont le moins besoin de la technologie. Celle-ci seraient bénéfique et plus utiles
pour les patients ayant un diagnostic récent de leur maladie chronique et
n’ayant pas une capacité d’auto-soins encore développé. Les études ont
démontrées également que les patients portaient de l’intérêt au suivi de leur
données personnelles (paramètres vitaux) (Nijland et al., 2011). L’une des
méta-analyse révèle que pendant le support de téléassistance, les chercheurs
s’attendaient à une majorité de questions des patients concernant le dosage
du médicament. Ceci démontre que les patients s’intéressaient moins au savoir
théorique, mais plus au savoir procédural, accompagné d’un besoin de soutien
relationnel. De façon inattendue, l’étude a révélé qu’environ 80% des patients
recherchaient des encouragements et des conseils alors que seulement 20%
des patients ont demandé des informations sur l’ajustement de leur posologie.
Cette découverte montre le potentiel que la télémédecine pourrait avoir pour
le bien être des patients par le soutien et l’influence de la communication (Jalil
et al., 2015).
La majorité des études examinées ont conclu que la télémédecine a apporté
des améliorations significatives sur le plan de la santé en termes de gestion
du poids et de glycémie. Des études récentes suggèrent que la technologie
pourrait influencer le comportement des patients en lien avec leurs traitements
et conduire à une meilleure adhésion thérapeutique. Une autre étude réalisée
auprès de 17’000 patients inscrits dans une télésanté à domicile, démontre
une réduction de 20% des admissions à l’hôpital et une réduction de 25% du
nombre de lits par jour de soins pour la gestion d'une maladie chronique (Jalil
et al., 2015). Les interfaces technologiques sont des outils plaines de
ressources et d’opportunités. Ils pourraient apporter un soutien considérable
pour traiter des problèmes courant des patients, et pour favoriser
l’autogestion, en améliorant l’autonomie, l'efficacité et les compétences
comportementales pour gérer les maladies chroniques (Davis et al., 2017).
Expérimenter les avantages pour les patients peut favoriser la confiance
nécessaire pour que les cliniciens adoptent la télésanté pour les soins aux
patients. Dans un contexte plus large, l’industrie et la politique doivent réagir
à la difficulté d’atteindre l'objectif d'intégrer les technologies de la télésanté,
et donc trouver des propositions pour mieux les mettre en pratique (Taylor et
al., 2015).
Dans nos recherches, nous avons pu identifier deux limites importantes sur
le sujet. Premièrement, il faut être conscient que tout patient ne pourra pas
forcément entrer en matière avec les interfaces technologiques pour des
raisons de résistance au changement, de limites cognitives ou tout simplement
parce qu’il n’est pas prêt à cela. Le rôle infirmier est de protéger le droit du
patient et de ne pas lui imposer quelque chose qui serait un fardeau pour lui.
En effet, il y a des limites à l’autonomie des patients. Bien que favoriser
l’autonomie est une grande valeur des soins infirmiers, cela peut être un poids
trop lourd de responsabilités sur les épaules déjà fragiles de certains patients,
cela n’est alors plus bénéfique, ce qui pourrait conduire à un abandon de son
engagement.
Deuxièmement, étant donné que la technologie est en pleine essor, il est
judicieux d’en saisir les avantages mentionnés dans la synthèse des résultats.
Toutefois, il est important de préciser que cela reste un outil qui ne remplacera
jamais la relation humaine. Bien que la relation patient-soignant peut parfois
manquer de liens significatifs, la technologie peut être un soutien mais pas
une fin en soi.
Dans le document
Les interfaces technologiques au service de l’auto-soin, une réponse future pour les problèmes actuels
(Page 87-93)