Chapitre 5 : Synthèse des résultats et Discussion
5.2. Développement des résultats
5.2.2. Développement des résultats en lien avec le cadre théorique
Nous allons ici analyser les résultats à partir des trois nécessités
d’auto-soins d’Orem et développer les sous points relatifs à ceux-ci.
Les nécessités d’auto-soin universelles
D. Orem définit sa théorie en utilisant plusieurs dimensions. Pour rappel, la
théorie l’auto-soin vise à satisfaire des nécessités spécifiques, dont les huit
nécessités d’auto-soin universelles, communes à tous les individus. Il s’agit
donc de huit auto-soins que toute personne humaine doit pouvoir accomplir
pour vivre, peu importe son âge ou son milieu socio-culturel. Ce sont les
besoins relatifs à l’air, aux liquides, à la nourriture, à l’élimination, au maintien
de l’équilibre activité et repos, au maintien d’un équilibre entre solitude et
interaction, à la prévention des risques, à la promotion de la santé et de la
normalité. Les maladies chroniques entraînent une perturbation de l’une ou
plusieurs de ces nécessités universelles d’auto-soin. Morton et al. indiquent
que le suivi pour le patient de ses propres données de santé lui donnait une
plus grande conscience de son était de santé physique et le motivait à
s’engager dans des comportements salutogènes pour améliorer ses résultats
de santé (Morton et al., 2017). L’accomplissement de l’auto-soin encouragé
par l’intermédiaire d’interface technologique inciterait alors à la prévention des
risques et à la promotion de la santé pour le patient.
Les nécessités d’auto-soin développementales
Il y a ensuite deux nécessités d’auto-soin développementales, spécifiques
au développement de la personne. Il s’agit de maintenir des conditions de vie
en lien avec les processus vitaux et de procurer des soins préventifs des effets
nocifs de conflits pouvant affecter le développement humain. L’utilisation de
l’interface technologique pourrait porter atteinte à la dimension humaine du
patient. Mais nos recherches ont montré le contraire. Dans une étude
explorant les effets de l’utilisation de l’application « DiabetesCoach », la
surveillance en ligne a été utilisée pour des fonctions interactives comme les
données personnelles et le contact par email entre le patient et l’infirmière. Ce
sont les retours continus et personnels qui ont particulièrement séduit les
patients. Ils se sentaient plus étroitement suivis par leur infirmière et
encouragés à jouer un rôle plus actif dans l’autogestion de leur maladie. Il a
aussi été démontré que les patients réagissaient à la technologie comme si le
périphérique était une personne humaine dans un contexte social. Les
utilisateurs réagissaient aux messages de valorisation de la même manière
avec l’ordinateur ou avec l’humain. (Jalil et al., 2015 ; Nijland et al., 2011).
Les nécessités reliées à l’altération de la santé
Les nécessités reliées à l’altération de la santé sont requises selon l’état de
santé des personnes. Cette catégorie est séparée en quatre nécessités, et la
première concerne les limitations d’auto-soin. L’étude basée sur l’acceptation
des technologies de l’information chez le patient à domicile, a révélé que les
principales barrières de limitation d’auto-soin étaient le manque de bénéfice
perçu et la saisie des données ressentie comme fastidieuse (Or et al., 2011).
La théorie indique qu’il sera nécessaire de travailler sur ces limitations pour
qu’elles ne fassent pas partie des déficits d’auto-soin, et que cela constitue un
frein dans la réalisation de ces auto-soins.
Interviennent ensuite les limitations dans les connaissances. L’objectif de
nombreuses études est d’améliorer les connaissances pour qu’elles aient un
impact positif sur l’auto-soin. Morton et al. ont montré que le simple fait pour
les patients d’utiliser le télémonitorage, en dehors de toute intervention
infirmière, permettait au patient d’expliquer plus facilement ses données de
santé basées sur ses activités quotidiennes et donc d’augmenter son
auto-soin. Il a également été constaté que les patients adhéraient au traitement
uniquement lorsque leur compréhension était correcte (Morton et al., 2017).
Les patients qui utilisaient une interface technologique étaient 1,42 fois plus
susceptibles d’atteindre leurs objectifs par rapport aux patients utilisant les
soins classiques (Davis et al., 2017). Pour atteindre un objectif, il faut avoir la
capacité d’acquérir des connaissances, ainsi que de faire preuve de jugement
et de décisions pour avoir des objectifs atteignables et c’est ce que la troisième
nécessité d’soin aborde. Si l’individu ne parvient pas à réaliser cet
auto-soin, alors la chance d’arriver à atteindre un objectif de santé sera peu
probable.
La dernière nécessité de cette catégorie concerne l’incapacité d’action.
L’incapacité d’action fait partie des limites des études sélectionnées dans ce
Travail de Bachelor. En effet, ces études incluaient, dans leur échantillon, des
patients capables de lire et écrire l’anglais ainsi que de se former à l’utilisation
d’interface technologique avec l’aide d’un professionnel, par exemple. Si
l’individu est incapable d’agir avec une interface technologique, alors cette
interface n’aura pas d’impact positif sur son auto-soin. Cela concerne aussi la
capacité d’utiliser l’interface. Si le système technologique est mal conçu, cela
peut provoquer des réponses émotionnelles négatives chez l'utilisateur, cette
incapacité d’action avec l’interface entraîne alors des expériences de
confusion, de frustration et d'échec (Jalil et al., 2015). De plus, les erreurs
peuvent être des expériences frustrantes pour les utilisateurs novices qui ne
peuvent pas en comprendre pleinement la cause.
Pour exercer leur capacité d’auto-soin, les individus doivent pouvoir acquérir
les connaissances relatives à leur état de santé, juger et décider des actions à
poser pour maintenir ou rétablir leur état de santé et agir pour accomplir
l’auto-soin proprement dit, c'est-à-dire : connaître les moyens et méthodes à
employer, avoir la motivation ainsi que l’énergie et les ressources nécessaires
pour y parvenir (Orem, 1987). Et ces notions sont tout à fait concordantes
entre la théorie de l’acceptation et de l’utilisation de la technologie testée sur
les patients utilisant les interfaces technologiques pour réaliser leur auto-soins.
Le modèle postulait que, quatre déterminants fondamentaux étaient associés
à l'acceptation et à l'utilisation effective perçue de l’interface ; l’espérance de
performance, l’espérance d’effort, l’influence sociale et les conditions
favorables. Le facteur le plus fréquent d'utilisation était la perception du
patient d’y trouver un avantage pour sa santé. Il est démontré que les outils
technologiques peuvent améliorer la qualité de vie et le bien-être des patients
et augmenter l’adhésion au traitement, faciliter le processus de prestations de
soins de santé et soutenir l’auto-soin en situation à domicile. Mais ces
avantages profiteront aux patients seulement si cette technologie est acceptée
et utilisée. (Or et al., 2011)
Lorsque les capacités d’auto-soins citées précédemment ne peuvent pas
être assouvies par les patients, elles constituent le déficit d’auto-soin selon
Orem. C’est à ce stade-là que les interventions infirmières seront les plus
importantes. Elles auront pour but de soutenir le patient dans la réalisation de
ses auto-soins et le développement de nouvelles zones d’autonomie. Les
motivations de l’infirmière à utiliser l’interface technologique sont, dès lors,
indispensables pour assister le patient dans ses déficits d’auto-soin et leur
dépassement. Il ne faut pas sous-estimer cependant la résistance des équipes
infirmières à utiliser l’interface technologique pour assister le patient, ce qui
constitue un obstacle. Les contraintes organisationnelles, professionnelles et
technologiques ont pu être abordées dans plusieurs articles. Tandis que
d’autres obstacles sont plus difficiles à surmonter, comme la pression ressentie
par les infirmières lors de l’intégration de la technologie et le manque de
ressources pour les mettre en place chez leurs patients. Cette nouvelle
pratique peut être vue comme un processus qui nécessite un temps
d’adaptation et d’acceptation durant lequel les infirmières doivent apprendre à
utiliser un nouvel outil, qui à son tour générera de nouvelles compétences.
Instaurer la confiance en la télésanté parmi les infirmières s’est avéré essentiel
pour une adoption réussie (Taylor et al., 2015).
Dans le document
Les interfaces technologiques au service de l’auto-soin, une réponse future pour les problèmes actuels
(Page 82-87)