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1.2 Variabilité des courants-jets

1.2.3 Persistance et rétroaction

Depuis la découverte des modes annulaires et des divers téléconnections, la question de la prépondérence de ces modes de variabilité s’est posées. En effet, les modes de déplacement méridien (NAM, SAM, NAO) semblent posséder une persistance plus grande que les autres modes (Feldstein, 2000; Lorenz and Hartmann, 2001, 2003), ce qui tendrait à en faire les modes privilégiés de réponse de l’atmosphère aux différentes perturbations (Ring and

Plumb,2007,2008;Chen and Zurita-Gotor,2008;Lutsko et al.,2015). Plusieurs études ont

montré que ce mode particulier est rendu plus persistant par un mécanisme de rétroaction faisant intervenir les ondes synoptiques (Yu and Hartmann,1993; Robinson, 1996, 2000;

Feldstein and Lee,1996,1998).

Lorenz and Hartmann (2001) proposa une méthode simple pour mettre en évidence cette

rétroaction. En partant de l’équation d’évolution du vent moyen et en la projetant sur un mode de variabilité (EOF) donné, il obtint l’équation suivante (Eq. (2) de l’article) :

dPC

dt = m −PCτ (1.15)

où PC (noté z dans l’article) correspond à la composante principale associée à l’EOF et m à la projection du terme de convergence de flux de quantité de mouvement. Ici, le terme PC/τ est une approximation du terme de dissipation dû à la friction, celle-ci n’étant pas explicitement accessible dans les réanalyses et est approchée par un amortissement ("Ray-leigh damping") avec une constante de temps τ constante (comparer à équation (A.10)). En faisant l’hypothèse qu’il existe bien une rétroaction des ondes, le modèle le plus simple consiste à considérer une relation linéaire entre PC et le terme de convergence de flux de

quantité de mouvement, qui s’écrit alors sous la forme m = ˜m + bPC

où ˜m représente le forçage aléatoire par les ondes et bPC la rétroaction. On peut alors chercher à évaluer le coefficient b qui lie m et PC en calculant la corrélation croisée entre ces deux séries temporelles. La figure 1.20 montre le résultat obtenu pour le SAM. On voit clairement sur cette figure un pic de corrélation vers -2 jours correspondant au forçage d’un évenement de SAM par les ondes de Rossby. Puis entre 0 et +3 jours, la corrélation devient négative avant de redevenir positive entre +4 et +20 jours. C’est cette dernière cor-rélation, significativement positive, qui est pourLorenz and Hartmann(2001) la signature d’une rétroaction positive, car elle ne peut être causée par la partie "aléatoire" ˜m dont l’autocorrélation est nulle au delà de 5 jours.

FIGURE 1.20 – Corrélation croisée entre PC, la composante principale as-sociée à l’EOF1, et m, la projection des anomalies de convergence de flux de quantité de mouvement intégrées zonalement et verticalement, pour l’hé-misphère Sud en l’absence de rétroaction (trait fin) et dans les réanalyses

NCEP (trait épais) (tiré deLorenz and Hartmann(2001), figure 7a).

Cette rétroaction est principalement causée par les ondes dites synoptiques, dont le nombre d’onde zonal est de l’ordre de 5 à 8. À l’inverse, les ondes plus longues, par la suite ap-pelées ondes planétaires, ne semblent pas avoir d’impact sur la persistance de l’EOF1, du moins pas aux échelles de temps considérées (Lorenz and Hartmann,2001). Plusieurs types de mécanismes ont été proposés au fil des publications pour comprendre cette rétoaction des ondes et ceux-ci peuvent être classés en deux principales catégories : les mécanismes baroclines et barotropes.

Les mécanismes baroclines reposent sur le maintien des anomalies de vent par un chan-gement de la baroclinie et donc de la source d’onde. Les premiers modèles de rétroaction

(Robinson,1996,2000) mettent en évidence le rôle de la friction, qui permet de décélérer

le vent dans les basses couches de la troposphère et donc d’accroître le gradient vertical de vent. Depuis, d’autres mécanismes ont été proposés et font intervenir un déplacement méridien de la zone barocline corrélé avec celui du jet (Robinson,2006;Gerber and Vallis,

2007). Enfin, une autre approche propose que la baroclinie au cœur du jet, qui tend à être réduite par les ondes synoptiques, soit restaurée par les ondes planétaires qui déposent leur quantité de mouvement sur les bords du jet, conduisant à une divergence du flux de quantité de mouvement et à une décélération du jet dans les basses couchesZhang et al.(2012).

Les mécanismes barotropes reposent eux sur une modification de la propagation des ondes sans changement de la baroclinie. En effet, c’est la propagation méridienne qui structure la convergence de flux de quantité de mouvement dans la haute troposphère. Par exemple, la présence ou non d’un niveau de réflexion sur le flanc polaire du jet va fortement affecter cette convergence et l’intensité de la rétroaction des ondes (Lorenz, 2014a,b). Un autre mécanisme propose que ce n’est pas tant la présence du niveau de réflexion que le fait que les ondes n’atteigne pas la latitude critique polaire qui importe, cette dernière étant cruciale pour organiser une structure de la convergence de flux de quantité de mouvement qui permettra de maintenir efficacement un déplacement du jet (Barnes et al.,2010;Barnes

and Hartmann,2011).

Ces deux types de mécanismes ne sont bien sûr pas mutuellement exclusifs et participent sans doute tous les deux à la persistance accrue du mode de déplacement méridien. De ré-centes études ont montré, en comparant les résultats obtenus dans des modèles barotropes et des GCM, que ces deux sortes de mécanismes étaient bien présents, même s’il reste difficile d’évaluer leur importance respective (Barnes and Thompson, 2014;Zurita-Gotor

et al.,2014). La question est donc encore loin d’être tranchée, d’autant plus que la

variabi-lité des courants-jets peut être influencée par de nombreux autres facteurs comme l’océan

(Kushnir et al., 2002; Nakamura et al., 2004;Michel and Rivière, 2014), le jet

subtropi-cal (Eichelberger and Hartmann,2007;Barnes and Hartmann,2011;Lachmy and Harnik,

Chapitre 2

Ondes planétaires et synoptiques

Sommaire

1.1 Ondes de Rossby . . . 7 1.1.1 Modèle heuristique des ondes de Rossby . . . 7 1.1.2 L’instabilité barocline . . . 10 1.1.3 Cycle de vie. . . 14 1.1.4 Interaction entre onde de Rossby et jet zonal . . . 17 1.2 Variabilité des courants-jets . . . 21 1.2.1 Méthodes d’étude de la variabilité . . . 21 1.2.2 Modes de variabilités des courants-jets . . . 25 1.2.3 Persistance et rétroaction . . . 27

Dans ce chapitre, nous allons étudier le comportement des ondes de Rossby en fonction de leur nombre d’onde zonal. Nous verrons dans un premier temps que les ondes ayant un petit nombre d’onde zonal se réflechissent sur les bords du courant-jet, affectant ainsi sa variabilité. Dans un second temps, nous montrerons qu’il existe un lien entre ces réflexions à la structure de convergence de flux de quantité de mouvement.

2.1 Article : A Short-Term Negative Eddy Feedback on

Midlatitude Jet Variability due to Planetary Wave

Re-flection

Principaux résultats

Dans cette partie, nous allons nous intéresser à la propagation des ondes de Rossby et en particulier des ondes planétaires caractérisées par un petit nombre d’onde zonal (entre 1 et 4) ou de manière équivalente une grande longueur d’onde (de l’ordre de 5000 km ou plus). Plus spécifiquement, nous allons chercher à interpréter physiquement le rôle de ces ondes planétaires dans la variabilité des jets. Plusieurs articles ont en effet montré qu’elles avaient un comportement bien différent des ondes synoptiques (c’est à dire ayant une plus petite longueur d’onde) et ce notamment à très courte échéance, dans les jours qui suivent une fluctuation marquée de la latitude ou de l’intensité du jet.

Cette étude se base sur 2 types d’expériences numériques distinctes. La première est une étude du développement et de la propagation des modes normaux, qui correspondent au mode le plus linéairement instable pour un nombre d’onde donné. On peut ainsi étudier la dynamique non-linéaire de ces modes afin de mettre un évidence une éventuelle diffé-rence de comportement suivant le nombre d’onde. La seconde expérience consiste en une simulation longue du modèle utilisée afin de savoir si on retrouve ou non une dynamique similaire à celle des modes normaux dans le cas où les ondes sont couplées et interagissent. Cette simulation permet aussi d’étudier les éventuelles conséquences sur la variabilité du jet.

Dans les deux séries d’expériences, on a pu mettre en évidence une différence de comporte-ment entre les ondes planétaires et synoptiques. En effet, ces dernières adoptent systémati-quement une inclinaison ("tilt") anticyclonique alors que les premières ont tendance à chan-ger d’inclinaison au fil du temps, adoptant successivement une inclinaison anti-cyclonique puis cyclonique et ainsi de suite. Ce comportement spécifique des ondes planétaires pro-vient du fait qu’elles se réfléchissent sur les bords du jet, à la différence des ondes synop-tiques qui sont plus volontiers absorbées. Ces réflexions se traduisent par un changement brusque du signe du flux de quantité de mouvement et donc de leur vitesse de groupe méridienne, qui va se répercuter sur leur dépôt de quantité de mouvement et donc sur le jet. Ces réflexions planétaires sont causées par différents mécanismes suivant que l’onde se propage vers le pôle ou l’équateur. Lors de leur propagation vers l’équateur, l’interaction non-linéaire avec l’écoulement moyen va induire une homogénéisation de la vorticité po-tentielle sur le flanc équatorial du jet et ainsi réduire le gradient de vorticité dans cette zone. Cette diminution peut être telle qu’elle entraîne l’apparition d’un niveau de réflexion tran-sitoire qui disparait une fois que l’onde s’est réfléchie. Cette éventualité est renforcée pour les ondes planétaires du fait de leur plus faible vitesse de phase. Pour celles se propageant vers le pôle, c’est la présence d’un niveau de réflexion quasi permanent qui va induire leur réflexion. Encore une fois, ces réflexions n’ont lieu que pour les ondes planétaires du fait de leur plus faible vitesse de phase.

On montre aussi que ces réflexions influencent directement la variabilité du jet. En effet, celle-ci est souvent marquée par des accélérations accompagnées de déplacements vers le pôle qui sont associées à un déferlement anticyclonique et à une propagation vers l’équa-teur des ondes. L’étude de la simulation longue montre qu’un tiers des ondes planétaires se propageant vers l’équateur se réfléchissent, valeur qui est en accord avec les observations

(Abatzoglou and Magnusdottir,2004). Dans le cas plus rare d’une onde se propagent vers

le pôle, alors elle aura tendance à déplacer le jet vers l’équateur et à le décélérer, mais les ondes planétaires se réfléchiront systématiquement du fait de la présence de ce niveau de réflexion quasi permanent. Ainsi, on interprète l’effet d’amortissement des ondes plané-taires sur la variabilité du jet à courte échéance, déjà mise en évidence par plusieurs études

(Lorenz and Hartmann, 2003; Simpson et al., 2013), comme provenant de réflexions sur

A Short-Term Negative Eddy Feedback on Midlatitude Jet Variability

due to Planetary Wave Reflection

Gwendal RIVIÈRE and Loïc ROBERT

Laboratoire de Météorologie Dynamique/IPSL, École Normale Supérieure/CNRS/UPMC, Paris, France

Francis CODRON

LOCEAN/IPSL, Université Pierre et Marie Curie/CNRS/IRD, Paris, France (Manuscript received 8 March 2016, in final form 20 June 2016)

ABSTRACT

A three-level quasi-geostrophic model on the sphere is used to identify the physical nature of the negative planetary-wave feedback on mid-latitude jet variability. A first approach consists in studying the nonlinear evolution of normal-mode disturbances in a baroclinic westerly zonal jet. For a low-zonal-wavenumber disturbance, successive acceleration and deceleration of the jet occur due to reflection of the wave on either side of the jet. The planetary wave deposits momentum in opposite ways during its poleward or equator-ward propagation. In contrast, a high-zonal-wavenumber disturbance is not reflected but absorbed within the subtropical critical layer. It thus only in-duces poleward momentum fluxes which accelerate the jet and shift it slightly poleward. A long-term simulation forced by a relaxation toward a zonally-symmetric temperature profile is then analyzed. Planetary waves are shown to be baroclinically excited. When they propagate equatorward, they induce an acceleration of the jet together with a slight poleward shift. About two thirds of them are absorbed by the subtropical critical layer, which allows the acce-lerated poleward-shifted jet to persist for a while. For the remaining third, the potential vorticity equatorward of the jet is so well homogenized that a reflec-tion occurs. It is followed by an abrupt jet decelerareflec-tion during the subsequent poleward propagation. The reflection of planetary waves on the poleward side of the jet is more systematic because of the quasi-permanent presence of a turning latitude there. This negative planetary-wave feedback is shown to act more on pulses of the jet than on its latitudinal shifts.