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3. LES ENJEUX DE L’INSERTION PROFESSIONNELLE

3.1 La persévérance professionnelle

Malgré une importante tendance au décrochage chez les enseignants débutants (Karsenti et al. 2015), certains persistent et persévèrent dans le domaine. Il nous semble intéressant de chercher du côté des débutants qui persistent, pour mettre en évidence les raisons pour lesquelles ils le font.

Plusieurs chercheurs ont pu démontrer que les enseignants débutants qui persévèrent le font particulièrement à cause de trois types de motivation intrinsèque (Berthelot, 1991; Hubermann, 1989; Mukamurera, 2011) : l’amour de la profession, le caractère enrichissant de la fonction et l’aisance dans le travail. Les chercheuses Barroso da Costa et Loye (2016) présentent des résultats d’autres recherches qui indiquent que les expériences émotionnelles en classe, la satisfaction à l’égard du contexte de travail et le sentiment de compétence sont des exemples de variables qui peuvent contribuer à la décision des enseignants de continuer ou d’abandonner leur carrière.

En ce sens, il est pertinent de préciser que, de façon générale, les motivations qui incitent les jeunes enseignants à poursuivre leur carrière sont plutôt d’ordre intrinsèque qu’extrinsèque, c’est-à-dire que ce sont des facteurs qui proviennent de leurs croyances ou de leur vécu personnel, par exemple, le goût de transmettre une passion, plutôt que des facteurs extérieurs comme la rémunération, pour n’en citer qu’un (Mukamurera, 2011).

Puisque nous analysons la persévérance professionnelle, il est intéressant de regarder du côté de l’étude de Berthelot (1991), dans laquelle celui-ci avance que l’élément qui favorise davantage la satisfaction professionnelle chez les enseignants est la relation avec les élèves. D’autres chercheurs (Blankship et Coleman, 2009; Shoval, Erlich et Fejgin, 2010; Spallanzani et al., 2012; Tardif et Lessard, 1999) ont démontré qu’une partie de la réussite

de l’insertion professionnelle des enseignants débutants en EPS pouvait être attribuable à une relation positive entre ceux-ci et les élèves.

Il semblerait donc qu’en plus des trois éléments mentionnés plus haut, la relation avec les élèves apparaît comme un aspect de motivation important aux yeux des nouveaux enseignants, quand celle-ci s’avère positive. Bien évidemment, s’ajoute à ces éléments de satisfaction le fait de maîtriser les tâches liées à l’exercice de la profession d’enseignant. L’autonomie professionnelle rend les débutants plus confiants, donc plus enclins à assumer les responsabilités liées à leur choix professionnel et motivés à l’exercice de leur profession (Blankship et Coleman, 2009; Portelance, Mukamurera, Martineau et Gervais, 2008; Shoval et al., 2010).

Les conditions d’entrée sur le marché du travail pour les enseignants débutants sont variables. Pour l’un, il peut s’agir de suppléance occasionnelle (par période, par demi-journée ou par journée); pour l’autre, d’un contrat à la leçon; pour un autre, d’une entrée en contrat régulier. Ces conditions sont différentes sur le plan du niveau de précarité dudit emploi, mais aussi par rapport au lien établi avec les élèves et influencent grandement sa motivation au travail, donc son envers pour celui-ci (Mukamurera, 2011).

La suppléance est le lot de plusieurs débutants (Mukamurera, 1999); en ce sens, il est intéressant de regarder les statistiques qui concernent la durée de la période de précarité dans l’enseignement. À ce propos, Ouellet (2001, p.12) établit que :

L’âge moyen des personnes qui obtiennent un poste permanent (à temps plein) chaque année est autour de 34 ans, alors qu’il est à peu près de 32 ans pour ce qui est du personnel à temps partiel. Si l’on tient compte du fait qu’un étudiant obtient son baccalauréat en enseignement vers l’âge de 27 ans en moyenne, on constate que l’accès à la profession de l’enseignant ou de l’enseignante à temps plein ou à temps partiel s’étire sur cinq à sept années!

Cela nous amène à aborder le sujet de l’ambiance de la classe en situation de suppléance. Akkari et Heer (2003) (cités par Jeffrey et Sun, 2008) avancent que l’indiscipline chez les élèves est davantage présente en situation de suppléance; donc, la tâche

d’enseignement est beaucoup plus ardue pour un suppléant que pour un enseignant qui est connu des élèves. Étant donné l’importance que les débutants accordent à la relation qu’ils ont avec les élèves, il est possible qu’une relation tendue, en comparaison à une relation agréable, entraîne des réactions difficiles chez les jeunes enseignants.

Martineau (2006) se range plutôt du côté de la résilience en ce qui concerne les facteurs de persévérance. Pour ce chercheur, la résilience représenterait, pour les enseignants, « l’habileté à s’ajuster à différentes situations et à améliorer sa compétence personnelle face à l’adversité. Cette habileté influencerait le succès et la rétention des enseignants. » Il explique que l’enseignant qui fait preuve de résilience serait donc capable de limiter les effets du stress sur sa pratique et serait plus facilement en mesure de se relever des difficultés et des échecs qu’il rencontre inévitablement. De cette façon, il pourrait utiliser les ressources qui sont disponibles pour lui afin de gérer ses difficultés (Martineau, 2006). Finalement, un autre aspect qui soutient la persévérance professionnelle des débutants réside dans le fait que ces débutants se sentent accomplis et épanouis dans leur travail. Cette satisfaction personnelle à l’égard de leur travail leur donnerait le goût de persévérer davantage que ceux qui n’éprouvent pas ce sentiment de satisfaction (Jeffrey et Sun, 2008).

Autre fait intéressant, des chercheurs ont démontré que des facteurs liés à l’enseignant lui-même peuvent grandement influencer sa persévérance. Par exemple, comme le mentionnent Dubé, Kairouz et Jodoin (1997), plusieurs habiletés personnelles sont mises à l’épreuve chez les enseignants en situation d’insertion professionnelle. Ils se doivent d’être flexibles, de s’adapter à plusieurs situations, d’être des modèles de moralité, de faire face à un nombre considérable d’obstacles (pédagogiques et institutionnels) et, finalement, d’être assidus et enthousiastes face à leur travail.

Dans cette optique, selon le tempérament et les expériences de vie de l’enseignant débutant, celui-ci affrontera ces exigences avec un fort ou faible sentiment d’efficacité personnelle, ce qui nourrira sa motivation à poursuivre ou, au contraire, qui le poussera vers l’abandon, faute de capacité à remplir le mandat qui lui incombe (Jeffrey et Sun, 2008).

Ces enseignants qui décident de poursuivre sont, sans aucun doute, animés par une grande motivation au travail. Cette motivation provient, entre autres, d’un fort sentiment d’accomplissement, voire d’un sentiment d’efficacité personnelle (SEP) et d’un sentiment de compétence élevé. L’étude de Jeffrey et Sun (2008) tend à démontrer que les enseignants qui ont un sentiment d’accomplissement très élevé sont plus enclins à persévérer dans le domaine de l’enseignement. Dans le même ordre d’idées, Barroso da Costa et Loye (2016) expliquent que l’engagement professionnel affectif des enseignants influence grandement leur persévérance et leur degré de motivation à s’investir dans leur profession.

Afin de bien saisir les différences et les ressemblances entre ces trois concepts, nous avons retenu une comparaison des deux premiers, par Archambault et Chouinard (2009) et, pour le troisième, une définition de Guay, Roy, Renaud-Dubé et Litalien (2011). Pour Archambault et Chouinard (2009), le sentiment d’être compétent est un jugement lié à un domaine général d’activité tandis, que le SEP renvoie plutôt à une tâche ou une activité particulière. Pour le sentiment d’accomplissement, Guay, Roy, Renaud-Dubé et Litalien (2011) estiment, en lien avec la théorie d’Atkinson (1957), que l’accomplissement renvoie à la valeur accordée à la tâche et à la probabilité de réussite.

Même si nous considérons tous ces éléments d’influence (motivations intrinsèques, personnalité de l’enseignant et considérations extrinsèques), il n’en demeure pas moins que l’accompagnement des enseignants débutants a évoqué, dans plusieurs études, des éléments positifs liés la motivation de ceux-ci, donc à leur persévérance professionnelle (Martineau, Vallerand, Portelance et Presseau, 2011; Nault, 2008).

En ce sens, il nous semble primordial de rappeler que les programmes d’insertion professionnel incluant divers dispositifs de soutien aux enseignants débutants sont multiples et variés : le mentorat, les groupes collectifs de soutien à l’insertion professionnelle, les réseaux d’entraide professionnelle à distance, les mesures de formation ou les mesures d’accueil, pour ne nommer que ceux-là (Martineau, Vallerand, Portelance et Presseau, 2011). Ces dispositifs permettent, par leur intégration dans un programme de soutien, un

accompagnement plus efficace des enseignants débutants dans leur période d’insertion professionnelle (Ibid). Leur diversité permet un suivi chez un plus grand nombre de novices (Ibid).

La persévérance professionnelle dépendant, entre autres, d’un engagement affectif important, celui-ci étant influencé par des déterminants internes et externes positifs, nous pourrions penser qu’une dynamique motivationnelle positive pourrait aider à la persévérance professionnelle.