a rechercher activement un emploi permanent. Jouer sur la r`egle de cumul pourrait se r´ev´eler plus efficace.
Par la suite nous montrons que le fait de ne pas permettre aux individus recourant au cumul d’obtenir de
nouveaux droits `a l’indemnisation (d0=d) pourrait empˆecher ces derniers de d´evelopper des comportements strat´egiques.
5.4 Faut-il permettre aux b´en´eficiaires du dispositif de cumul d’obtenir de
nou-veaux droits `a l’indemnisation ?
Nous avons indiqu´e dans la pr´esentation du mod`ele th´eorique que les b´en´eficiaires de la mesure de cumul
obtenaient une p´eriode d’indemnisation suppl´ementaire lorsqu’ils avaient occup´e une activit´e temporaire
sans ˆetre parvenus `a obtenir un emploi permanent. Nous avons montr´e que cela risquait d’encourager des
comportements strat´egiques de la part de certains individus. Nous retrouvons bien cet effet. Le Graphique 9
met en ´evidence que lorsqu’il est possible de recharger de nouveaux droits `a l’indemnisation, les b´en´eficiaires
du cumul obtiennent moins fr´equemment un emploi p´erenne et ce parce qu’ils fournissent moins d’efforts de
Graphique 9 : Taux de transition de l’emploi temporaire vers l’emploi permanent selon que le dispositif de cumul pr´evoit ou non l’obtention de nouveaux droits `a l’indemnisation
On notera n´eanmoins que pour des valeurs ´elev´ees ded, le fait de ne pas offrir la possibilit´e d’obtenir de
nouveaux droits `a l’indemnisation n’encourage pas davantage les individus en emploi temporaire `a faire plus
d’efforts pour trouver un emploi permanent, comparativement `a la situation de r´ef´erence. Ce sont donc des
individus disposant d’un stock de droits `a l’indemnisation inf´erieur `a 60 semaines qui seront surtout affect´es
par le changement de la r`egle de cumul.
Cet exercice de calibration nous a permis de reproduire les caract´eristiques du dispositif d’AR qui ´etait
en vigueur en France jusqu’en 2014. Nous avons pu mettre en ´evidence les effets de la mesure de cumul sur
le comportement de recherche d’emploi des chˆomeurs. `A travers un bref exercice de comparative statique,
nous avons ´egalement pu nous apercevoir qu’un dispositif mal calibr´e pouvait g´en´erer des comportements
strat´egiques de la part de certains demandeurs d’emploi. Par la suite nous passons en revue les principales
´
etudes portant sur le dispositif de cumul emploi-chˆomage dans la plupart des pays de l’OCDE. Nous en
tirons un certain nombre d’enseignements et proposons des pistes d’am´elioration du syst`eme fran¸cais de
6 Quelles le¸cons tirer `a la lumi`ere des exp´eriences ´etrang`eres ?
Force est de constater qu’au regard des ´etudes empiriques ´evoqu´ees jusqu’ici, les effets du dispositif de
cumul paraissent au mieux ambigus. Si l’occupation d’un emploi temporaire constitue un tremplin vers
l’emploi permanent, elle peut aussi « enfermer » les individus dans des emplois courts et peu r´emun´er´es. `
A partir de notre mod`ele nous avons pu mettre en lumi`ere un certain nombre de m´ecanismes susceptibles
d’expliquer les dysfonctionnements du dispositif de cumul emploi-chˆomage. Est-il n´eanmoins possible de
concevoir un dispositif de type AR qui remplisse ses objectifs tout en limitant les probl`emes qui lui sont
inh´erents ?
6.1 Limiter la dur´ee des emplois cumul´es
Certaines ´etudes confirment que le recours au dispositif de cumul emploi-chˆomage, en am´eliorant
l’em-ployabilit´e des b´en´eficiaires, favorise l’acc`es `a l’emploi p´erenne. Cela sugg`ere donc que, sous certaines
condi-tions, le taux d’arriv´ee des offres d’emploi permanent est plus ´elev´e lorsque l’individu occupe une activit´e
professionnelle en cumul. N´eanmoins, il est important de noter qu’un individu pleinement indemnis´e dispose
d’un temps substantiel pouvant ˆetre allou´e `a la recherche d’un emploi permanent34 (l’individu peut poten-tiellement consacrer la totalit´e de sa dotation en temps `a la recherche d’un emploi permanent si sa pr´ef´erence
pour le loisir est nulle). En revanche, ¸ca n’est pas le cas d’un demandeur d’emploi occupant une activit´e en
cumul. En somme, ce dernier b´en´eficie, certes, d’un meilleur environnement de recherche, davantage propice
`
a la r´eception d’offres d’emploi permanent, mais dans le mˆeme temps il ne peut consacrer qu’un temps r´eduit
`
a la recherche d’un emploi stable compte tenu de ses obligations professionnelles. Apparaˆıt alors un effet
d’´eviction dans l’activit´e de recherche d’emploi. Le temps allou´e `a l’activit´e professionnelle r´eduit parfois
substantiellement le temps qui aurait pu ˆetre allou´e `a la recherche d’un emploi permanent. La probabilit´e
pour un individu occupant un emploi en cumul de transiter vers un emploi permanent est ´egale `a λp csp
c(d) . D`es lors, deux effets peuvent jouer en sens inverse : la probabilit´e de recevoir une offre d’emploi permanent
augmente avec le recours au dispositif, en revanche le temps pouvant ˆetre consacr´e `a l’activit´e de recherche
diminue avec l’occupation d’un emploi en cumul. L’effet global est donc ambigu et d´ependra de la dominance
d’un des effets.
On voit ici que limiter la dur´ee de l’activit´e en cumul est sans doute une bonne chose car cela permet `a
l’individu de conserver du temps pour rechercher un emploi p´erenne. En revanche, cela risque de conduire
les individus `a concentrer leurs efforts de recherche sur des emplois potentiellement tr`es courts. L’´equilibre `a
34. Le temps que l’individu accordera `a la recherche d’un emploi permanent d´ependra du coˆut g´en´er´e par l’activit´e de recherche (lui-mˆeme reli´e `a la pr´ef´erence pour le loisir du demandeur d’emploi).
trouver en ce qui concerne le design du dispositif de cumul apparaˆıt donc compliqu´e. Plusieurs m´ecanismes
sont `a l’oeuvre et des effets contradictoires sur les comportements des individus pleinement indemnis´es et en
cumul sont susceptibles d’apparaˆıtre. En France, la r´eforme de l’assurance chˆomage datant d’aoˆut 2016
per-met d´esormais aux demandeurs d’emploi de reprendre un emploi en AR peu importe la dur´ee hebdomadaire
de ce dernier. Ceci devrait,a priori, permettre aux individus de ne pas concentrer leurs efforts de recherche
sur des emplois tr`es courts mais risque d’accroˆıtre l’effet d’´eviction en ne permettant pas aux individus en
cumul de rechercher activement un emploi durable.
Cet effet est mis en lumi`ere dans l’´etude de Fontaine et Rochut (2014) que nous avons pr´ec´edemment
´
evoqu´ee. Les auteurs mettent en exergue des effets diff´erenci´es selon«le temps d’exposition au traitement».
Pour ce faire, elles distinguent trois strates selon la dur´ee de la pratique de l’AR : 1 mois, 2 `a 5 mois et 6
mois ou plus. Il est int´eressant d’observer que le recours `a l’AR `a un effet positif significatif sur la sortie du
chˆomage pour les individus ayant pratiqu´e une activit´e en cumul moins de 6 mois. `A l’inverse, l’effet sur
la sortie du chˆomage est l´eg`erement n´egatif voire non significatif pour les individus ayant pratiqu´e une AR
durant plus de 6 mois.
Kyyr¨a (2009) s’int´eresse au syst`eme de cumul emploi-chˆomage en vigueur en Finlande. L’auteur cherche
plus pr´ecis´ement `a d´eterminer si l’occupation d’une activit´e professionnelle `a temps partiel tout en
conti-nuant `a percevoir une partie des allocations chˆomage acc´el`ere la transition vers l’emploi durable. Dans le
syst`eme finlandais, les individus reprenant un emploi `a temps plein pour une dur´ee inf´erieure `a un mois
ou un emploi `a temps partiel repr´esentant moins de 75% de la dur´ee l´egale du travail, peuvent pr´etendre
au dispositif de cumul emploi-chˆomage. Le revenu issu du cumul des indemnit´es chˆomage et de l’activit´e
professionnelle reprise ne doit pas exc´eder 90% du salaire brut per¸cu au cours de l’activit´e professionnelle
ant´erieure. L’auteur montre que le recours au dispositif de cumul accroˆıt de 50% la probabilit´e de transiter
vers l’emploi stable. Par ailleurs, il montre que les effets persistants de la mesure sont plus importants que
les effets imm´ediats. Cette ´etude montre donc que limiter la dur´ee hebdomadaire de l’activit´e reprise dans
le cadre d’un emploi en cumul permet d’accroˆıtre le taux de transition vers l’emploi p´erenne.
Cocks and al. (2009) montrent ´egalement qu’il n’y a pas int´erˆet `a maintenir durablement les individus
dans des emplois en cumul. Ces derniers souhaitent d´eterminer comment l’Allocation Garantie de Revenu
(AGR), en vigueur en Belgique, affecte les transitions du chˆomage vers l’emploi non indemnis´e. Afin d’ˆetre
´
eligible `a l’AGR les individus doivent rester inscrits sur les listes de demandeurs d’emploi comme recherchant
un emploi permanent. De plus, ils doivent signifier `a leur employeur qu’ils sont disponibles `a tout moment
pour occuper un emploi permanent. Enfin, le revenu brut d’activit´e per¸cu doit ˆetre inf´erieur au salaire
mi-nimum en ´equivalent temps plein (soit 1284 euros par mois). L’´etude, men´ee sur le p´eriode 1998-2001, se
ans35. Les auteurs trouvent qu’au d´ebut du programme la participation au dispositif a un effet significatif et positif sur le taux de transition permanent. Si l’on compare au groupe de contrˆole (individus ayant des
caract´eristiques similaires au groupe de traitement mais ne recourant pas `a l’AGR), on constate que le
re-cours `a la mesure de cumul multiplie par 2.77 le taux de transition vers l’emploi permanent. Cependant,
l’effet positif du traitement n’augmente pas avec la dur´ee pass´ee dans le dispositif. Ceci sugg`ere, selon les
auteurs, que c’est l’effet de « signal » qui favorise l’acc`es `a l’emploi permanent et non pas l’accumulation
d’exp´erience ou de capital humain (notamment parce que les rendements de l’exp´erience sont faibles pour
les individus peu qualifi´es, qui sont aussi ceux qui utilisent le plus la mesure de cumul). Ce r´esultat semble
donc plaider pour une limitation de la dur´ee des emplois cumul´es.