• Aucun résultat trouvé

PERFORMANCES ENVIRONNEMENTALES DE L’AB

Dans le document Vers des agricultures à hautes performances (Page 108-132)

PARTIE I REVUE DE LITTÉRATURE ET AVIS

CHAPITRE 5 PERFORMANCES ENVIRONNEMENTALES DE L’AB

PERFORMANCES ENVIRONNEMENTALES DE L’AB

CHAPITRE 5 Performances environnementales de l’AB ... 107

A - Performances de l’AB vis-à-vis de la qualité des sols ... 108 B - Performances de l’AB vis à vis de la qualité de l’eau ... 111 C - Les émissions de gaz à effet de serre ... 114 D - Performances de l’AB vis-à-vis de la préservation de la biodiversité ... 119 E - Références bibliographiques ... 123

• 107 •

CHAPITRE 5

Performances environnementales de l’AB

Auteurs : Nicolas Urruty, Servane Penvern, Maryon Vallaud, Nicolas Trift 32

L’agriculture se situe à l’interface de multiples enjeux environnementaux majeurs tels que le défi climatique, la préservation de la qualité des sols, de l’eau, de l’air et de la biodiversité. Certains impacts négatifs de l’activité agricole sur les milieux naturels nous imposent de réfléchir à de nouveaux modes de production plus respectueux de l’environnement. A ce titre, l'Agriculture Biologique peut apparaître comme une alternative intéressante.

L’AB est définie par le règlement européen (RCE 834/2007 ; Commission européenne, 2008) comme un « système global de gestion agricole et de production alimentaire qui allie les meilleures pratiques environnementales, un haut degré de biodiversité et la préservation des ressources naturelles ». Le mode de production « bio » est donc susceptible de fournir des produits et des biens publics contribuant à la protection de l'environnement. Le cahier des charges de l’AB, précisé dans les règlements d'application (notamment le RCE 889/2008 ; Conseil de l’Union Européenne, 2007), se décline en un certain nombre de mesures réputées favorables à l'environnement, soit à caractère obligatoire (comme l’interdiction d’utiliser des produits phytosanitaires de synthèse), soit en des termes moins précis (comme la mise en place de mesures préventives pour la gestion de la santé des plantes ou des animaux). Ainsi, les pratiques et les contrôles en AB répondent à une obligation de moyens et non de résultats.

L’environnement offre un certain nombre de services écosystémiques, dont certains peuvent être directement bénéfiques à l’activité agricole, comme le contrôle des bioagresseurs, la pollinisation ou encore la production de biomasse par les végétaux (Le Roux et al., 2008). En s’interdisant une partie des facteurs de production conventionnels (engrais minéraux et produits phytosanitaires de synthèse notamment), les modes de production en AB cherchent à compenser la baisse des intrants de synthèse achetés à l’extérieur par la préservation, voire l’optimisation des services écosystémiques sur les parcelles.

Il existe une littérature abondante sur les performances environnementales de l’AB, en particulier suite à l'évaluation des mesures agri-environnementales (MAE). La plupart des études recensées se basent sur des comparaisons entre AB et AC, offrant le plus souvent une analyse segmentée par compartiment : sol, eau, air ou biodiversité. Nous reprendrons cette structuration pour dresser l’état des connaissances sur les performances environnementales de l’AB.

32

Remerciements : A. Alaphilippe, M.-J. Amiot-Carlin, F. Barataud, S. Bellon, M. Benoit, M. Bertrand, A. Cardona, J.-P. Choisis, B. Colomb, c. Cresson, N. Daspres, M. Deconchat, C. Experthon, J.-C. Fardeau, J.-L. Fiorelli, D. Forget, L. Fourrié, B. Gabriel, P. Garnon, K. Germain, J.F. Garnier, L. Guichard, C. Huyghe, C. Lamine, A. Mérot, C. Napoléone, M. Navarrete, T. Nesme, G. Ollivier, F. Prezman-Pietri, A. Prunier, B. Rolland, J.-P. Sarthou, N. Sautereau, I. Savini, M. Tchamitchian, P. Veysset

• 108 •

A - Performances de l’AB vis-à-vis de la qualité

des sols

Plusieurs processus peuvent provoquer la dégradation des sols, qu’il s’agisse de processus physiques (érosion, compactage, etc.), chimiques (acidification, salinisation, etc.) et/ou biologiques (diminution de la teneur en matière organique, de l’activité biologique, etc.). La qualité des sols, au sens large, dépend donc de nombreux paramètres et plusieurs indicateurs sont utilisés dans la littérature pour les évaluer.

Les propriétés physiques sont couramment étudiées au travers de la vitesse d’infiltration de l’eau dans le sol, de sa densité apparente, de sa texture, de la profondeur maximale d'enracinement, de l’épaisseur de l'horizon de surface, voire de la couche arable, ou encore de la stabilité des agrégats.

Les propriétés chimiques du sol sont étudiées principalement par l’analyse de la teneur du sol en certains éléments essentiels (azote, phosphore, potassium et autres nutriments), de la quantité de carbone organique, de la capacité d'échange cationique (CEC), ou encore de la teneur en éléments traces métalliques.

Enfin, les propriétés biologiques d’un sol sont estimées au travers de la teneur en matière organique (MO), de l’activité enzymatique, de la biomasse microbienne, de la respiration du sol, ou encore de l’abondance et de la richesse spécifique de la faune tellurique (macro, méso et microfaune du sol).

A1 - Performances de l’AB sur les compartiments physique, chimique

et biologique des sols

A1.1 - Matière organique et activité biologique des sols en AB

La teneur en matière organique (MO) des sols est considérée comme un indicateur particulièrement central et générique pour apprécier la qualité générale d’un sol (Shepherd et al., 2002 ; Tuomisto et al., 2012 ; Boutin et al., 2011).

La plupart des articles issus de la littérature internationale et analysés dans le cadre de cette étude concluent à des teneurs en MO plus importantes dans les sols cultivés en AB relativement à ceux en AC (Stolze et al., 2000 ; Stockdale et al., 2001 ; Alföldi et al., 2002 ; Lotter, 2003 ; Blanchart et al., 2005 ; Mazzoncini et al., 2010 ; Gomiero et al., 2011).

Les auteurs expliquent ces résultats par des apports plus importants de fertilisants organiques sur les parcelles en AB et par l’introduction plus fréquente de légumineuses dans les successions culturales. La méta-analyse bibliographique de Tuomisto et al. (2012) montre que les apports en matière organique sous forme de fumier ou de compost sont en moyenne 65 % plus importants dans les systèmes AB que dans les systèmes AC. Cette explication est également mise en avant par une étude comparative réalisée par Fliessback et al. (2007) : les données du suivi de la teneur en MO sur 21 ans de différents sols ont montré des valeurs plus élevées pour ceux recevant une fertilisation organique, quel que soit le mode de production AB ou AC.

Cette augmentation de la teneur en MO des sols a pour effet de stimuler l’activité biologique des sols en AB. Celle-ci est généralement estimée au travers de la densité et de la diversité des populations de vers de terre dans les sols, ces derniers étant des bio-indicateurs particulièrement sensibles aux perturbations du milieu (Stolze et al., 2000). Plusieurs études font ainsi ressortir une biomasse, une densité et une

• 109 •

diversité en vers de terre plus élevées dans les sols cultivés en AB par rapport à ceux en AC (Pfiffner et Mäder, 1998 ; Alfoldi et al., 2002).

En viticulture, Coll et al. (2011) trouvent en revanche des densités de vers de terre plus faibles en AB qu’en AC. Ces résultats sont expliqués par la fréquence plus élevée des opérations de travail du sol pour gérer l’enherbement, ainsi que par l’utilisation plus intensive du cuivre en traitement fongicide, ce qui peut entraîner des problèmes de toxicité dans les sols.

L’activité biologique des sols peut également être mesurée au moyen d’autres paramètres, comme la biomasse microbienne, l’activité enzymatique, le renouvellement du carbone, ou encore la formation des mycorhizes (Stolze et al., 2000). Blanchart et al. (2005) rapportent que dans tous les cas où elle a été étudiée, la biomasse microbienne du sol est plus importante en AB qu’en AC, excepté dans l’étude menée par Shannon et al. (2002) qui ne trouvaient aucune différence significative. Blanchart et al. (2005) font également état d’une colonisation des racines par les mycorhizes33 plus importante dans le cas des cultures en AB qu’en AC.

Alfoldi et al. (2002) rapportent enfin que, dans les conditions de production européennes, l’activité microbienne est 30 à 100 % plus importante en AB qu’en AC, la biomasse microbienne 30 à 40 % supérieure et la densité microbienne 50 à 80 % plus grande. Pelosi et al. (2013) relèvent les mêmes tendances et attribuent ces différences à l'absence (ou quasi absence) de produits phytosanitaires de synthèse en AB.

A1.2 - Les caractéristiques physiques des sols en AB

Les caractéristiques physiques des sols cultivés en AB se révèlent généralement meilleures que celles des sols de même nature cultivés en AC (Shepherd et al., 2002). Les bénéfices concernent notamment la stabilité structurale, la porosité, la perméabilité et la capacité de rétention en eau (Reganold et al., 1993) ; tous ces paramètres sont corrélés à l’augmentation du taux de matière organique dans les sols. Le recours plus fréquent à la fertilisation organique en AB et l’introduction plus régulière de légumineuses dans la rotation expliquent donc en grande partie l’amélioration de la qualité physique des sols.

D’autres pratiques, telles que le recours aux engrais verts, à la couverture des sols en hiver ou encore au maintien d’une rugosité en surface concourent à une réduction des impacts mécaniques des gouttes de pluies à la surface du sol et limitent donc les risques d’érosion et de ruissellement qui en découlent (Reganold et al., 1987). Là encore, ces pratiques ne sont pas exclusives aux exploitations en AB, mais elles sont mises en œuvre de façon beaucoup plus fréquente dans ce mode de production.

A1.3 - Les caractéristiques chimiques des sols en AB

Gattinger et al. (2012) ont réalisé une méta-analyse à partir de 74 études comparant les teneurs en carbone des sols en AB et en AC entre 1988 et 2010 sur une zone couvrant l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Asie et prenant en compte le mode d’occupation des sols. Il en ressort que les stocks de carbone organique dans les sols sont plus importants en AB (37,4 t/ha) qu’en AC (26,7 t/ha).

Les teneurs en azote total sont également plus élevées en AB, mais de manière moins systématique (Gomiero et al., 2008). En revanche, les teneurs en azote soluble (nitrate) sont régulièrement plus faibles en AB en raison de l’interdiction d’utiliser des engrais minéraux azotés de synthèse. Les teneurs en phosphore biodisponible sont également généralement inférieures en AB (cf. chapitre précédent). Ces résultats expliquent pour partie les rendements moindres en AB qu'en AC mais assurent également une réduction des risques de pollutions par transfert de ces éléments dans le milieu (Stolze et al., 2000 ; Lotter, 2003).

33

Les mycorhizes vésiculaires et arbusculaires sont le résultat d’une association symbiotique entre champignons et racines des plantes, ce qui a un impact bénéfique sur la nutrition minérale et la protection phytosanitaire des cultures.

• 110 •

Les différences de teneurs en potassium échangeable, ainsi qu’en calcium et en magnésium échangeables, entre les sols en AB et en AC, sont plus variables. Elles apparaissent, de façon irrégulière, positive, négative ou non significative, selon les études considérées par Blanchart et al. (2005).

Les valeurs du pH du sol sont généralement plus élevées, ou au moins équivalentes, en AB par rapport à l’AC où la fertilisation azotée minérale peut favoriser l’acidification des sols. Les facteurs rentrant en compte dans l’explication du pH d’un sol sont néanmoins nombreux (type de sol, amendements calcaires, etc.) et ne sont donc pas uniquement liés à la modalité AB ou AC.

Enfin, la teneur des sols en oligo-éléments en AB versus AC a été très peu étudiée. La disponibilité de ces éléments est très dépendante du pH et d’autres paramètres du sol (Silanpää, 1982). Dans leur étude portant sur quinze années d’évolution d’un sol alcalin (pH : 7,9 à 8,1) cultivé en AB, en zone semi-aride (Colorado, USA), Davis et al. (2002) ont observé une augmentation significative des teneurs en Zn, Fe et Mn dans moins de la moitié des douze parcelles suivies.

A2 - AB et opérations de travail du sol

La suppression des produits phytosanitaires de synthèse en AB impose le contrôle des mauvaises herbes par de la lutte mécanique, c’est-à-dire via des opérations de travail du sol pour détruire les pousses d’adventices ou pour enfouir leurs graines. En fonction des outils utilisés, ainsi que des fréquences de passages, ces pratiques peuvent néanmoins dégrader les propriétés physiques et biologiques de certains sols.

Ainsi, les opérations de labour profond, fréquemment rencontrées en AB, peuvent avoir des impacts négatifs sur les propriétés du sol et sur certains organismes (Mazzoncini et al., 2010 ; Stolze et al., 2000). De plus, les risques d’érosion et de ruissellement peuvent être amplifiés par une forte perturbation de la structure. L’intensification des modes de production en AB peut donc conduire à dégrader la qualité de certains sols.

David et al. (2005) ont étudié l’évolution des propriétés du sol dans des systèmes de culture spécialisés et irrigués (rotations courtes incluant de fortes proportions de maïs et soja) en AB dans le sud de la région Rhône-Alpes. Dans ces systèmes de culture peu diversifiés, les interventions fréquentes pour la maîtrise des adventices ont parfois nécessité de travailler sur des sols non suffisamment ressuyés, ce qui s’est traduit par des phénomènes de compactage. Les sols les plus fortement compactés présentaient des problèmes d’enracinement et d’alimentation hydrique et minérale.

Pour limiter les impacts négatifs des opérations de labour profond, plusieurs projets de recherche (SOLAB par exemple) ont pour objectif de mettre au point des méthodes alternatives et innovantes susceptibles d’améliorer la gestion des adventices dans des situations en travail du sol simplifié. En maraîchage, d’autres alternatives au labour émergent, comme la mise en place de planches permanentes qui permettent l’accumulation de matière organique en surface et la stimulation de l’activité biologique du sol (Védie et al., 2012). Ces résultats varient néanmoins fortement selon les essais et les contextes (type de sol, type de cultures, outils utilisés pour le travail des « planches »), ces éléments pouvant avoir un effet déterminant sur les risques de tassement du sol.

A3 - Ce qu’il faut retenir

En réalisant des apports plus systématiques de matière organique (engrais vert, compost, fumier, etc.) et en introduisant plus fréquemment des légumineuses dans ses successions culturales, l’AB présente des sols avec des teneurs en MO généralement plus élevées qu’en AC. L’activité biologique des sols en est positivement affectée (30 à 100 % d’activité microbienne en plus). En revanche, la multiplication des

• 111 •

opérations de travail du sol en AB pour la gestion des adventices peut avoir des effets négatifs sur la structure des sols et se traduire par des phénomènes de compactage, d’érosion ou encore de ruissellement.

B - Performances de l’AB vis à vis de la qualité de l’eau

La détérioration de la qualité des eaux souterraines et de surface est en partie causée par les transferts d’éléments (azote, phosphore et produits phytosanitaires) utilisés en agriculture (IFEN, 2007). L'impact n'est pas seulement écologique et sanitaire, il est aussi économique. Au total, d'après le secrétariat d’état chargé de la santé (2012), près de 400 captages utilisés pour la production d’eau destinée à la consommation humaine sont abandonnés chaque année en France depuis 1994 ; 41 % le sont en raison de la dégradation de qualité de la ressource en eau, et 19 % suite à des pollutions diffuses d’origine agricole (nitrate et/ou produits phytosanitaires).

Les pollutions d’origine agricole peuvent être de deux ordres, soit d’origine ponctuelle lorsqu’elles sont liées à une mauvaise utilisation du matériel par l’agriculteur (débordement au remplissage de la cuve, retour de bouillie dans le milieu, vidange volontaire, etc.) ou à une mauvaise gestion des emballages usagés (bidons mal éliminés et/ou mal vidés) ; soit d’origine diffuse et principalement causées par des transferts de surface (ruissellement de surface ou sub-surface et drainage).

Lors du Grenelle de l’environnement, l’AB a été citée pour le rôle qu’elle pourrait jouer pour améliorer la qualité de la ressource en eau grâce à sa non-utilisation des engrais minéraux (en particulier azotés) et des produits phytosanitaires de synthèse. Son extension pourrait permettre de réduire les coûts d’épuration, en prévenant la pollution à sa source, c’est à dire au niveau des aires d’alimentation des captages d’eau.

B1 - Emissions de nitrate en AB

A l'échelle de l’exploitation agricole, les émissions de nitrate sont estimées au travers du risque de lixiviation, c’est-à-dire d'entrainement du nitrate en profondeur par les pluies.

B1.1 - Des pertes nitriques en AB plus faibles par hectare mais plus élevées

par unité de produit

L’azote sous forme nitrique (NO3-) est présent dans la solution du sol où il alimente préférentiellement la

plante. Non retenu par les molécules du sol, l’azote nitrique descend rapidement en profondeur en cas de fortes pluies.

Suite au premier travail de Koepf en 1974, plusieurs auteurs (Drinkwater et al., 1998 ; Kristensen et al., 1994 ; Beckwith et al., 1998 ; Stolze et al., 2000 ; Korsaeth, 2008) s'accordent sur la réduction des pertes nitriques observées par unité de surface en AB par rapport à l’AC, quels que soient le pays considéré et le type de productions. A partir d’études issues de 12 pays, Mondelaers et al. (2009) ont également mis en évidence des pertes par hectare significativement plus faibles en AB qu’en AC (respectivement 9 et 21 kg N/ha/an).

En France, des études menées avec la méthode des bilans azotés34 sur plusieurs réseaux de fermes (Veysset et al., 2011 ; Anglade et al., à paraître) et sur la ferme expérimentale de l'Inra à Mirecourt

34

La méthode de calcul du bilan azoté des exploitations repose sur la différence entre d’une part, les entrées d’azote liées aux processus de minéralisation dans le sol et à la fertilisation (d’origine minérale, organique, voire atmosphérique), et

• 112 •

(Benoit et al., 2005 ; Barataud et al., soumis), mettent en évidence un potentiel de pertes de nitrate très inférieur sur les modalités en AB par rapport à celles en AC. Une étude réalisée par la FNAB et le Ministère en charge de l’environnement en 2005 et 2006 sur un échantillon de 150 fermes en AB et 281 fermes en AC réparties dans toute la France, a montré que plus de 75 % des exploitations en AB présentaient un bilan azoté dont l'excédent est inférieur à 50 kilogrammes d’azote par hectare, contre seulement la moitié des fermes en AC (Caplat, 2006).

En revanche, lorsque ces pertes de nitrate sont exprimées par unité de produit, les rendements plus faibles en AB gomment cet avantage. Ainsi, la revue de littérature fait ressortir des résultats équivalents (Dalgaard et al., 1998 ; Mondelaers et al., 2009), voire défavorables à l’AB (Tuomisto et al., 2012) lorsque les pertes sont exprimées par unité de produit.

De la même manière, la méta-analyse de Tuomisto et al. (2012) rappelle cette tendance ambivalente selon l’échelle d’analyse : la médiane du lessivage de l’azote est ainsi 31 % plus faible en AB qu’en AC par unité de surface mais 49 % plus élevée lorsqu’elle est exprimée par unité de produit. Ces calculs masquent toutefois de fortes variabilités selon le type de productions, la nature du sol, les conditions climatiques, etc.

B1.2 – Facteurs explicatifs

Les moindres pertes de nitrate observées par unité de surface en AB s’expliquent en grande partie par la réduction de la fertilisation azotée sur les parcelles en AB par rapport à l’AC (Koepf, 1973). En plus d’interdire l’utilisation d’engrais minéraux de synthèse, le cahier des charges de l'agriculture biologique limite les apports azotés à 170 kg par hectare et par an. Le nombre d'unités de gros bétail par hectare est également inférieur (RCE 889/2008, Annexe IV) en AB par rapport à l’AC, ce qui limite la quantité d'azote épandable en AB. Plusieurs études menées en France comme à l'étranger mettent en évidence l'utilisation préférentielle de fertilisants organiques à des niveaux inférieurs à cette limite maximale sur les exploitations en AB (Mondelaers et al., 2009 ; Caplat, 2006 ; Makridis et al., 2011 ; Madeline et al., 2013 ; Nesme, 2013).

Le niveau de fertilisation azotée n'est cependant pas le seul déterminant. Drinkwater et al. (1998) ont montré que les engrais organiques, utilisés à des niveaux similaires à ceux des engrais minéraux, conduisent, pour un niveau de rendement égal, à un moindre lessivage nitrique et à un meilleur stockage de carbone dans le sol. Cet azote organique n’est cependant pas exempt de risques de lessivage et peut également être source de pollution selon sa nature et son mode d’utilisation (Scheller et Vogtman, 1995 ; Bergström et Kirchman, 2002 ; Torstensson et al., 2006).

Au-delà du rôle de la réduction de la fertilisation azotée totale et de l’emploi d’engrais organiques, la réduction des pertes de nitrate en AB peut également s’expliquer par un taux de couverture hivernale des sols plus important qu’en AC. Les exploitations d’élevage ont en effet davantage recours aux prairies temporaires et permanentes et les résultats de Benoit et al. (2005) mettent en évidence les bénéfices de ces cultures fourragères sur le long terme pour diminuer les pertes de nitrate.

En grande culture, comme en polyculture-élevage, la luzerne tient une place importante dans les exploitations en AB et participe à la réduction des risques de pollution par l’azote nitrique lors de sa croissance. En revanche, plusieurs études ont observé des pertes nitriques importantes lors du retournement de cette culture. En comparaison à une succession culturale sans luzerne, Garnier et al. (2011) ont ainsi mesuré des pics de lixiviation près de trois fois supérieurs après le retournement

Dans le document Vers des agricultures à hautes performances (Page 108-132)

Documents relatifs