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Impacts d'un kg de cacao produit au Cameroun sur l'épuisement des ressources avec les contributions par

8. Conclusion et perspectives

8.2 Performances actuelles des 3 sous-filières cacao au Cameroun

Trois sous-filières sont aujourd’hui présentes dans la chaîne de valeur du cacao au Cameroun : l’exportation de fèves sèches de qualité moyenne, l’exportation de fèves certifiées, l’exportation de masse de cacao. Elles présentent chacune des opportunités et des risques spécifiques dans la perspective d’un développement de la filière cacao.

8.2.1 Exportation de fèves non certifiées

• Tendance actuelle : c’est la sous-filière dominante au Cameroun et elle est promue par le plan de relance 2015-20 de la filière, dont l’objectif premier était une production de 600 000 tonnes de cacao par an. Elle répond aussi aux demandes des marchés asiatiques qui sont peu intéressés par l’achat de cacao de qualité ou certifié. Les exportations vers la Malaisie ont d’ailleurs significativement augmenté depuis dix ans.

• Inclusivité : elle touche un très grand nombre de producteurs et d’intermédiaires commerciaux, qui n’ont pas la volonté ou les moyens de produire un cacao de qualité. Toutefois, les revenus et les bénéfices tirés de cette activité sont faibles à l’échelle individuelle. La commercialisation du cacao ne représente plus qu’une source secondaire de revenus pour la plupart de ces petits producteurs.

• Coût opérationnel : le développement de cette sous-filière peut se faire à un coût réduit car il ne nécessite pas d’implication importante ni des services de l’Etat ni des firmes exportatrices en amont de la filière. Cette sous-filière consacre la dérégulation du secteur décidée dans les années 1990.

• Acceptation par les acteurs : cette sous-filière est compatible avec les moyens limités que l’Etat investit pour appuyer les cacaoculteurs sur le terrain. Elle est également compatible avec la volonté des firmes privées de maximiser les volumes de cacao exportés et bénéficier de rendements d’échelle afin d’approvisionner à moindre coût les usines de transformation principalement installées en Europe (Amiel et al. 2019).

• Déforestation : le développement de cette sous-filière peut avoir un impact significatif sur le couvert forestier car, en l’absence d’appui aux producteurs, l’augmentation des volumes produits pourrait s’appuyer sur une extension des surfaces cultivées souvent au détriment de la forêt.

• Risques : l’augmentation des volumes exportés de fèves non certifiées dépend en grande partie du cours international du cacao, qui est aujourd’hui proche du prix de rentabilité des petits producteurs. Cette stratégie suppose aussi que les marchés asiatiques puissent absorber ces volumes de cacao de qualité moyenne dans un contexte actuel d’excédent structurel de la production du cacao à l’échelle mondiale (Amiel et al. 2019).

8.2.2 Exportation de fèves certifiées

• Tendance actuelle : c’est une sous-filière en croissance au Cameroun puisque les multinationales se sont toutes lancées dans cette dynamique. Ces exportations s’adressent aux marchés européens dont les consommateurs réclament de tels produits. Il est probable que les Etats de l’UE imposent une forme de certification (de durabilité et/ou de zéro déforestation) des fèves de cacao à moyen terme.

• Inclusivité : la certification s’adresse avant tout aux producteurs ayant adopté de bonnes pratiques culturales et commerciales, donc seulement à une minorité des cacaoculteurs camerounais (un peu moins de 40 000 foyers, selon nos hypothèses). L’Etat ne joue qu’un rôle mineur dans cette sous-filière, en n’assurant aucune des fonctions supplémentaires requises par la certification (comme la traçabilité). Les sociétés camerounaises d’achat et d’export du cacao ne sont pas impliquées dans le dispositif, probablement pour des raisons de coût. Par contre, la traçabilité associée à la certification impose de s’appuyer sur des coopératives fonctionnelles et permet indirectement de limiter l’emprise du commerce informel effectué par les coxeurs.

• Coût opérationnel : il est assez élevé mais il est pris intégralement en charge par le secteur privé. Il est aussi (au moins en partie) compensé par un prix supérieur de vente des fèves certifiées sur le marché international. Le coût de la certification va très probablement s’accroître dans les prochaines années pour faire face à des exigences environnementales et sociales croissantes ou la nécessité d’une meilleure traçabilité des fèves.

• Acceptation par les acteurs : les firmes internationales sont les principaux promoteurs de cette approche et développent des actions d’appui aux producteurs, qui pallient en partie le désengagement de l’Etat en milieu rural. Les coopératives de producteurs soutiennent également la certification qui leur redonnent une place centrale dans la traçabilité des fèves. L’acceptation de l’administration de la certification privée est plus mitigée puisque plusieurs fonctions qu’elle est censée exercer sur le terrain sont aujourd’hui mises en œuvre par les firmes privées, notamment dans l’appui et le suivi des producteurs. Toutefois, devant les moyens limités de l’Etat pour soutenir la filière, plusieurs ministères semblent ouverts à concevoir une gouvernance hybride de la chaîne de valeur où certaines fonctions continueraient d’être assurées par l’administration tandis que d’autres seraient déléguées au secteur privé (Basse et al. 2019), comme on a pu le voir dans la filière du bois d’œuvre au Cameroun.

• Déforestation : l’impact de la certification cacaoyère sur le couvert forestier n’est pas connu car il existe encore des limites fortes pour géo-localiser les parcelles des producteurs engagés dans cette dynamique. Cependant, le référentiel Rainforest Alliance est en train d‘évoluer pour mieux prendre en compte l’objectif d’un cacao sans déforestation.

• Risques : Les procédures de certification tendent à favoriser les entreprises agricoles les plus à mêmes de faire face aux investissements nécessaires à la mise en place des bonnes pratiques agricoles, au détriment des agricultures familiales qui n’ont pas accès aux innovations, au capital social et économique, aux financements et aux formations.

De surcroît, la certification du cacao renforce la tendance à une privatisation de la gouvernance de la filière, avec le risque à terme qu’une poignée de firmes à capitaux essentiellement étrangers ait un rôle prédominant dans la régulation de la filière et favorisent leurs intérêts au détriment de tous les autres acteurs. En effet, cette gouvernance de la filière au niveau national laisse une marge de manœuvre arbitraire aux quelques grands exportateurs étrangers à travers le CICC dont les modes de décision sont inégalement distribués entre les différents collèges (exportateurs, producteurs, transformateurs) au profit des premiers dont les liens avec la classe politique sont historiquement contraints et participent de ce que d’aucuns appellent la stagnation de l’Etat (Eboko, 2018). La libéralisation de la filière n’a pas favorisé une redistribution équitable de la valeur ajoutée entre les acteurs de la chaine de valeur ni n’a permis de développement social et économique dans le milieu rural.

La durabilité sociale sera dépendante des formes de gouvernance de la filière plus démocratiques, équitables et plus redistributives au niveau national.

8.2.3 Exportation de masse de cacao

• Tendance actuelle : la seconde transformation de cacao a pendant longtemps stagné au Cameroun mais elle connaît un vif regain d’intérêt, qui se traduit par plusieurs nouvelles usines de transformation à court et moyen terme, et qui s’explique en partie par le taux de profit dégagé par cette activité et la valeur ajoutée qu’elle génère pour le pays. Ces investissements pourraient tripler le volume transformé de fèves de cacao dans les cinq prochaines années. Il est difficile de savoir dans quelle mesure l’augmentation future du volume de fèves utilisé pour fabriquer la masse de cacao se fera au détriment des exportations de fèves (par exemple un accroissement de 30 000t de fèves pour la transformation réduit de 30 000t le volume de fèves exportées) ou si cet effort de transformation se fera sans vouloir réduire le volume exporté de fèves sèches.

• Inclusivité : c’est une sous-filière peu sélective sur la qualité du cacao et elle est donc peu discriminante pour les petits producteurs. Elle est également promue par le Plan de relance de la filière. Enfin elle est plébiscitée par plusieurs investisseurs internationaux et nationaux, avec des projets en cours de montage.

• Coût opérationnel : le renforcement de cette sous-filière ne requiert pas un appui (coûteux) à l’amont de la filière puisque la qualité et la traçabilité des fèves ne sont pas des conditions de mise en œuvre. Par contre, les usines envisagées visent la transformation de gros volumes de fèves pour bénéficier de rendements d’échelle et réclament ainsi des investissements importants. Ces investissements peuvent cependant bénéficier de subventions publiques ou sont financés par des firmes internationales disposant de moyens financiers conséquents.

• Acceptation par les acteurs : augmenter les capacités nationales de transformation du cacao semble être un objectif consensuel pour les pouvoirs publics et les firmes privées. Cet objectif table sur une augmentation du volume produit de fèves, sans nécessairement avoir besoin d’améliorer la gouvernance de la filière, par exemple en réhabilitant le rôle des coopératives.

• Déforestation : le développement probable de cette sous-filière va probablement accroître la demande de fèves de cacao de qualité moyenne et vraisemblablement pousser les producteurs à étendre assez rapidement les surfaces de cacaoyère au détriment de la forêt.

• Risques : on constate depuis dix ans à l’échelle internationale une concentration très forte des industries de broyage du cacao, avec une très vive compétition sur les coûts de transformation (Amiel et al. 2019). La multiplicité des projets d’usine de transformation au Cameroun depuis quelques années semble aller à l’encontre de cette tendance, et on peut s’attendre à des difficultés importantes pour certaines de ces usines à être rentables dans un tel contexte concurrentiel à l’international.

8.3 Stratégies d’actions pour un développement durable de la filière cacao au