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1. État de la situation

1.3 Influences sur les relations parents-intervenants

1.4.2 Perceptions de parents consommateurs de leurs relations avec les intervenants

D’abord, notons que plusieurs études révèlent que les mères qui consomment de l’alcool et des drogues se représentent les intervenants comme des personnes ayant des attitudes de méfiance, de rejet ou d’incompréhension profonde envers elles (Hall et van Teijlingen, 2006; Simmat-Durand, 2009; Toner, Hardy et Mistral, 2008). En outre, dans l’étude de Klee (2002a) des mères consommatrices ont reproché aux intervenants de leur

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tenir des discours agressifs ou moralisateurs lorsque leur nouveau-né présentait des symptômes de sevrage. Cette auteure relève que, selon les mères consommatrices interviewées, l’attitude parfois très protectrice de certains intervenants envers le poupon les amenait parfois à se sentir reléguées à un rôle de parent malveillant. Ainsi, pour ces mères et leur partenaire, l’évaluation des risques potentiels pour le poupon ou les discussions à cet effet, peuvent être considérées comme des jugements de valeur de la part des intervenants à propos de leurs capacités à assumer leurs nouveaux rôles parentaux. Simmat-Durand (2009) va même jusqu’à affirmer que, pour certaines mères, l’évaluation des risques dans un contexte de consommation maternelle d’alcool et de drogues devient synonyme « d’interrogatoire », où ils ont l’impression d’être d’emblée en confrontation avec les intervenants.

Dans les études de Kroll et Taylor (2004, 2010), d’autres parents qui vivent en contexte de consommation maternelle ont exprimé que l’écoute et la compréhension des situations qu’ils vivent dépendent en partie des connaissances que possèdent les intervenants et de la capacité de ces derniers à donner un sens à leurs expériences comme parents. À titre d’exemple, autant dans l’étude d’Adams (1999) que celle de Klee et ses collègues (2002), plusieurs mères consommatrices ont identifié que certaines difficultés et exigences associées au traitement à la méthadone n’étaient pas bien comprises par certains intervenants. Ces mères attribuent cela à un manque de connaissances ou de formation de

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ces intervenants. Par ailleurs, étant donné cette perception d’absence de connaissances spécifiques, les mères consommatrices de substances et leur partenaire sont craintifs des observations professionnelles faites et de l’interprétation que les intervenants peuvent faire de leurs propos.

Concernant l’expérience émotionnelle des parents pour qui la consommation de substances fait partie intégrante de leur mode de vie, certains vivent de l’impuissance lorsqu’ils perçoivent que les intervenants ont le pouvoir de leur retirer la garde de leur nouveau-né malgré les efforts fournis pour modifier leur consommation ou leur mode de vie (De Koninck, Guyon, Morissette, 2003; Morissette, Chouinard-Thompson, et coll., 2009; Ruthman, Field, Jackson, Lundquist et Callahan, 2005; Simmat-Durand, 2009). Quand des intervenants nomment avoir une inquiétude par rapport à la situation de l’enfant d’une mère consommatrice, les parents se perçoivent en relation de confrontation avec les intervenants pour décider ce qui est dans le meilleur intérêt de l’enfant. Selon Harbin et Murphy (2001), ils seraient alors moins enclins à collaborer avec eux pour modifier la situation. Pour les parents, esquiver les relations devient une stratégie viable pour éviter que les intervenants recueillent plus d’informations et qu’il s’en suive des conséquences indésirables pour eux. Nous pourrions aussi supposer que le manque de collaboration des mères consommatrices et de leur partenaire avec les intervenants pourrait être perçu comme un facteur de risque supplémentaire pour la protection du poupon.

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Même si certaines mères continuent à consommer, elles désirent parfois maintenir le secret de leur consommation vis-à-vis de quelques personnes de leur entourage ou de certains intervenants (Hall et van Teijlingen, 2006; Templeton, Zohhadi, Galvani et Velleman, 2006; Weir, Stark, Fleming, He et Tesselaar, 1998). Dans ce cas, plusieurs de ces mères dénoncent des incidents où un intervenant a fait preuve d’un manque de confidentialité ou de discrétion devant autrui en lien avec leur consommation de substances ou concernant des aspects relatifs à leur situation parentale (Klee, 2002a; Poole et Isaac, 2001; Hall et van Teijlingen, 2006). Selon ces mères, il est donc essentiel que les intervenants soient discrets et vigilants aux écarts de confidentialité lorsqu’ils échangent avec des pairs alors qu’ils tentent d’établir une relation de confiance avec des parents.

Cependant, les perceptions de ces parents à l’égard de leurs relations avec les intervenants ne sont pas toutes négatives. Les recherches mentionnées mettent en évidence que parmi les perceptions des parents interrogés, plusieurs mères consommatrices et le partenaire de celles-ci indiquent avoir eu des relations très positives avec les intervenants et avoir été très satisfaits des services reçus. À titre d’exemple, Hall et van Teijlingen (2006) soulignent que dans un service intégré de maternité, de traitement de la dépendance et de services sociaux, l’expérience des mères utilisatrices de substances était généralement plus positive et les relations avec les intervenants étaient meilleures. Les mères de cette étude, comme celles de l’étude de Poole et Issac (2001), ont exprimé que le soutien des

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intervenants spécialisés et des équipes multidisciplinaires était apprécié en raison du non- jugement, du respect de la confidentialité, de leurs connaissances relatives à leur expérience particulière de la maternité et que le soutien obtenu procurait aux mères une motivation nouvelle pour modifier leur situation. Malheureusement, ce type de programmes intégrés qui semblent particulièrement appréciés n’est pas également accessible ou disponible, et ce incluant le Québec. En l’absence de tels programmes, les mères consommatrices et leur partenaire pourraient bénéficier d’interventions concertées où un intervenant pivot aurait comme rôle d’établir une relation de confiance continue tout en étant clair sur les rôles et les responsabilités de chaque personne impliquée dans la situation, et ce en incluant les parents (Kroll et Taylor, 2010).

En définitive, malgré leurs réticences, les parents consommateurs ont le désir d’avoir une bonne relation avec les intervenants. Il dépend alors des intervenants de faciliter les rapports et de tenter d’atténuer les différentes contraintes pour que des relations de confiance puissent se développer.

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2. S’intéresser aux discours des mères consommatrices

et des pères

Dans ce chapitre nous retrouvons la méthodologie que nous avons privilégiée pour explorer et décrire le discours des mères consommatrices et des pères qui les accompagnent dans les moments qui entourent la naissance de leur enfant. D’abord, nous exposons le cadre théorique qui soutient cette démarche de recherche et qui accorde la parole à ces parents. Ensuite, nous présentons les concepts auxquels nous nous sommes particulièrement intéressé. Enfin, nous expliquons la méthodologie utilisée, puis nous présentons les critères éthiques prévus pour la recherche.