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Chapitre 1 : Le terrain

1.1 PDG, l’organisme d’accueil

1.1.2. Présentation générale11

Nous nous sommes rendue à Kabankalan, dans la région du Négros Occidental aux Philippines entre le 5 février 2016 et le 25 avril 2016. L’ONG dans laquelle nous avons fait notre terrain se nomme « PDG » ou « Paghidaet sa Kauswagan » Development Group, Inc. Celle-ci se situe dans le Sitio Mojon, dans le Barangay de Bincuil à Kabankalan12.

Dans les années 1980, alors que le pays est soumis à la loi martiale de Marcos, l’île du Négros connait une crise économique importante due à la chute du prix du sucre. Nous l’avons vu dans le contexte, cette île est très dépendante du cours du sucre, la canne à sucre y étant omniprésente. Le climat social est alors fort tendu et pour tenter d’apaiser le climat, Marcos envoie des troupes militaires pour faire régner l’ordre. Malheureusement, cela donne vite lieu à des débordements et, dans la foulée, les droits de l’Homme sont souvent bafoués. C’est à ce moment-là qu’apparaissent aussi un grand nombre d’ONG (Ramos, 2016).

C’est en 1987 que PDG voit le jour sous l’impulsion d’un petit groupe de professionnels, provenant de divers secteurs : l’économie, les sciences politiques, l’ingénierie, l’agriculture et le commerce. Ces jeunes se sont rencontrés dans d’autres ONG où ils étaient alors actifs. L’idée de créer

11 Cette partie est largement inspirée de notre rapport de stage de Master 2 (voir WATTIEZ Mélanie, 2016, Rapport de stage : « PDG » ou « Paghidaet sa Kauswagan » Development Group, Inc., Université de Liège)

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une nouvelle ONG leur vient de l’intérêt qu’ils ont pour l’agriculture, et en particulier les problèmes rencontrés par les pauvres paysans ainsi que par les travailleurs agricoles (Ramos, 2016).

Aujourd’hui, PDG est dirigé par toute une équipe, mais la figure de proue reste Ben Ramos, avocat de profession, l’un des fondateurs de l’association.

A l’origine, l’ONG concentre ses efforts au soutien des groupes marginalisés : les petits agriculteurs, les agriculteurs sans terre et les pêcheurs traditionnels. Rapidement, leur action c’est élargie suite aux violations perpétuelles des droits de l’Homme provoqué par les propriétaires terriens.

L’objectif premier de PDG est « de fournir des outils et du soutien aux initiatives locales afin de provoquer un changement social et des conditions de vie meilleures » (Quinoa, s.d). PDG compte aujourd’hui une trentaine d’associations partenaires, toutes situées autour de la ville de Kabankalan. Cela représente des centaines de familles, bénéficiaires du soutien de l’ONG.

PDG ne recrute pas les groupes de paysans. La philosophie de l’ONG est axée sur la participation et l’engagement volontaire. L’initiative vient d’un groupe de paysans qui identifie un problème auquel PDG peut apporter une solution. L’ONG aide le groupe à former une association. Pour ce faire, PDG aide à mettre en lumière un ou des leader(s) au sein du groupe. C’est ce dernier qui sera chargé de représenté la communauté et également de maintenir son unité.

Il y a trois intérêts à cette organisation : avoir une existence d’un point de vue juridique, une fois établi en association les paysans ont plus de poids face au DAR, enfin l’organisation en association oblige tous les membres à s’impliquer.

Chaque association est subdivisée en comité. On retrouve principalement les comités de la réforme agraire, de la protection environnementale, de l’agriculture durable, en charge des projets générateurs de revenus, en charge de la communication et en charge de la santé. Généralement une association ne compte pas plus d’une cinquantaine d’individus, chaque individu se retrouve dans un ou plusieurs comités.

C’est autour de ces comités que s’articulent les activités de PDG. On peut distinguer quatre types de programmes et d’activités :

1. Développement et renforcement de structures communautaires :  Construction et organisation d’associations populaires autonomes  Formation de leader des associations

 Soutiens aux campagnes/luttes locales pour la terre au travers de séances d’information  Éducation électorale et fonctionnement

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2. Programme de développement socio-économique :

 Promotion de l’agriculture durable et biologique au travers de formation

 Promotion de la médecine traditionnelle au travers de la formation du comité en charge de la santé

 Construction d’entreprises socio-économiques inter-organisation sur base du réseau

3. Programme en charge des droits humains :  Formation sur les droits de l’Homme

 Fournir des services et/ou soutiens juridiques aux familles et/ou témoins de violations des droits de l’Homme

Ce volet est très important puisque la plupart du temps les propriétaires terriens s’opposent à la récupération (même légale) des terres. Leur résistance s’incarne au travers de menaces physiques et/ou psychologiques.

4. Campagne et plaidoyer :

 Campagne et plaidoyer sur différentes questions telles que la réforme agraire, l’environnement, l’agriculture, ces campagnes tentent d’atteindre un public plus large que le public cible habituel de l’ONG ainsi que les instances gouvernementales concernées.  Volonté de donner au plaidoyer une portée plus international grâce à la venue de stagiaires

et de volontaires Quinoa.

1.1.3 PDG en tant qu’organisme fédérateur

Comme nous l’avons déjà mentionné précédemment, nous nous sommes rapidement rendu compte que PDG était l’organisme fédérateur des communautés paysannes.

En ce sens, on peut qualifier PDG d’organisation faîtière : « Une organisation faîtière est un regroupement des structures (associatives ou coopératives) légalement constituées et ayant des objectifs communs en matière de développement socioéconomique […] Une faîtière nationale est constituée d’unions de groupements, de fédérations d’un pays » (Afrique Verte, 2008 : 4).

Afrique Verte (2008) caractérise aussi ce type d’organisation comme chapeautant un ensemble d’organisations ayant les mêmes visions du développement. Or, PDG est une organisation qui regroupe un réseau d’associations indépendantes, mais partageant toutes les mêmes objectifs et la même vision du développement. Plus qu’une organisation « mère » qui gère un réseau, PDG est à l’origine des associations : c’est elle qui organise les paysans.

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Les organisations faîtières ont plusieurs missions, toutes similaires à celles de PDG. (1) Elles doivent défendre l’intérêt général des membres (2) elles doivent se concerter et négocier avec l’État et d’autres partenaires possibles pour défendre cet intérêt général. (3) Elles sont chargées de représenter leurs membres au niveau national et international (4) elles doivent donner les compétences à leurs membres afin qu’ils soient capables d’analyser les politiques agricoles, de les comprendre. (5) Elles doivent mener des actions de plaidoyer en faveur des intérêts qu’elles défendent (Afrique Verte, 2008).

Il semble désormais évident que PDG fait partie du tiers secteur définit par Uphoff (1987), évoqué dans notre partie théorique. L’ONG se démarque effectivement par les trois avantages issus de ce secteur : l’efficacité, l’équité et l’élargissement du pouvoir.

Concernant l’efficacité, nous savons à présent que l’organe gouvernemental qui est chargé de la réforme agraire est le DAR. Il est tout à fait possible de devenir bénéficiaire du programme de la réforme agraire, sans en passer par PDG. L’ONG n’est qu’un intermédiaire, un médiateur, un vulgarisateur de jargon juridique employé par le DAR. Cela nous permet de dire que si le DAR avait une connaissance approfondie du terrain, la nécessité d’un « médiateur – vulgarisateur » ne serait pas nécessaire.

Ensuite, concernant l’équité il est évident que PDG renforce les communautés en les intégrant à des structures auxquelles elles n’ont pas accès habituellement. Arlène, coordinatrice de projet pour PDG, nous dit à ce sujet « La constitution des communautés en association est essentielle. Cela leur donne une existence juridique et légale. Et par extension, une légitimité aux yeux du DAR. De fait, le DAR préfère généralement travailler avec des groupements de paysans qu’avec des individus seuls »13.

Enfin, en ce qui concerne l’élargissement au pouvoir, nous l’avons déjà mentionné : grâce à leur mobilisation en association, les paysans peuvent faire entendre leurs voix à un niveau auquel ils n’ont généralement pas accès. Ils ont ainsi un certain contrôle sur la planification et l’évaluation des politiques les concernant.

Nous avions également évoqué l’existence de quatre espaces sociaux, définit par Barbedette (2002). Nous avions déjà associé PDG au quatrième niveau qui est le dernier espace du niveau local à savoir celui des organisations paysannes. PDG est à cheval entre l’espace néo-coutumier et l’espace de l’aide. Nous le verrons dans la description générale des communautés, il n’est pas rare que la confusion liée à la possession de la terre relève du droit coutumier. PDG fait aussi indéniablement partie du monde de l’aide puisque l’ONG est ou a été en relation avec des bailleurs de fonds étrangers. Ils sont ceux qui sont reconnus par les acteurs de l’aide, c’est avec eux que les bailleurs traitent et non pas avec les associations paysannes directement.

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Finalement les organisations faîtières cherchent à s’imposer comme interlocuteurs incontournables de l’Etat et pour justifient leur légitimité en étant représentants des organisations paysannes (Barbedette, 2002)

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