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sella durant la première moitié

du XXe siècle

L’objectif de ce chapitre est de reconstituer le système agraire de la ré- gion étudiée durant la première moitié du XXe siècle, non comme un point de départ historique, mais comme la première étape de l’analyse de la trajectoire de la paysannerie sella-limba et du milieu exploité de- puis 1950.

Nous partirons des questions que soulèvent la décomposition du pay- sage proposée au chapitre précédent. En effet, le paysage qui s’offre à l’observateur aujourd’hui n’est ni le simple reflet de caractères « méso- logiques » donnés ni le simple résultat de la dégradation du milieu par les hommes. Il est le produit d’une histoire, celle des modes d’exploita- tion mis en place successivement par la paysannerie locale. Cette his- toire ne peut être comprise sans prendre en compte les rapports so-

ciaux et leur évolution. Dans un premier temps, nous expliciterons le cadre conceptuel, les méthodes et des sources qui permettent l’ana- lyse historique conjointe des paysages, des pratiques et des rapports sociaux à l’échelle de la région étudiée.

Dans un second temps, sur la base notamment des témoignages de ses membres les plus âgés, nous reconstituerons la société paysanne sella limba et son fonctionnement avant les grands bouleversements qu’elle va connaître durant la seconde moitié du XXe siècle. La périodi- sation proposée dans cette analyse repose sur l’identification des an- nées 50 comme une période charnière à partir de laquelle la marchan- disation des rapports sociaux a durablement infléchi la trajectoire de la paysannerie sella limba.

1

Introduction à l’histoire de la paysannerie sella

limba

1.1

Intégrer l'analyse diachronique des dynamiques agro-écologiques

et socio-économiques à l'échelle locale

1.1.1 Du paysage à l’histoire : les questions soulevées par l’analyse du

paysage en Sella Limba

La caractérisation de la mosaïque paysagère de la Sella Limba soulève des questions que seule, à ce stade, l’analyse historique des dynamiques agraires pourra contribuer à résoudre :

Si les trajectoires agro-écologiques, infléchies de manière diverse par les modes d’exploita- tions mis en place du milieu exploité, sont ni linéaires ni uni-factorielles, quelle est la part, dans la genèse de la diversité du milieu exploité, d’héritage bio-physique et historique ? S’il ne sera pas toujours possible de répondre intégralement à cette question, la poser de prime abord permet d’adopter une attitude prudente quant à la perception de ce qui est « donné par le milieu ». À travers deux exemples, l’influence de la culture du manioc sur billon et celle du pâturage par les bovins des éleveurs peuls sur le couvert arboré des savanes des marges de la Sella Limba, nous avons montré que l’exploitation du milieu ne se réduit pas à une « pres- sion » qui aurait pour conséquence une « dégradation » synonyme de déforestation / savanisa- tion. Remarquons également que les valeurs qu’attachent souvent les observateurs occiden- taux à tel ou tel type de paysage ne sont pas nécessairement partagées par les populations lo- cales. Les phénomènes d’aforestation évoqués plus haut ne sont pas décrits comme particuliè- rement positifs par les intéressés eux-mêmes.

Nous avons montré qu'à une zone centrale densément peuplée (entre 100 et 150 habitants / km²) s’opposent des marges relativement vides (moins de 40 habitants / km²). Nous avons vu que l’équation « pression démographique = savanisation » n’offre pas une image fidèle de la complexité de l’histoire du paysage. Au sud de la Sella Limba, les couverts graminéens et le passage du feu coïncident avec de fortes densités de population, tandis que dans les marges Est et Ouest, ils sont associés à de faibles densité. À l'inverse, le nord de la Sella Limba, den- sément peuplé également, est caractérisé par une végétation arborée dense. Quel est l’origine de ce peuplement disparate ? Comment a-t-il influencé la trajectoire des milieux cultivés ?

Les témoignages collectés nous apprendront qu’il faut effectivement distinguer le centre de la région étudiée de ses marges. Le peuplement de la première zone remonte à des temps im- mémoriaux. En son sein, la différenciation agro-écologique des zones Sud et Nord est récente. Au contraire, si le contraste avec les paysages des marges de la Sella Limba est ancien, leur peuplement actuel est récent.

1.1.2 Marginalisation de la paysannerie et marchandisation des rapports

sociaux

La précarité des conditions matérielles de vie dans les campagnes sierra léonaises frappent immédiatement l'observateur occidental. L'équipement des foyers reste rudimentaire, une mar- mite en fonte, un peu de vaisselle en émail et en plastique. Il n'y a nulle part ni eau courante, ni électricité. Les outils sont tous individuels et manuels, les produits agricoles sont transpor- tés sur la tête. Ce constat superficiel est renforcé par les statistiques de base (IDH, espérance de vie à la naissance, taux de mortalité infantile, etc). Cette situation est évidemment étroite- ment liée à la faiblesse de la productivité de l’agriculture paysanne (voir chapitre 4). L'objectif de ce chapitre et du suivant (chapitre 3) est montrer que cette situation est le produit de l'inté- gration économique, au niveau régionale et mondiale, de la paysannerie. Cette intégration a pris diverses formes, mais nous verrons que depuis la seconde moitié du XXe siècle la ten- dance générale est à la marginalisation de la paysannerie en Sierra Leone. Nous montrerons comment se décline cette tendance générale dans le cas de notre région d'étude.

À l'échelle des villages et au sein des unités de production, cette tendance accompagne la marchandisation des rapports sociaux qui organisent la répartition des moyens de production et du produit. Malgré la stagnation des conditions matérielles d'existence, la vie dans les cam- pagnes sierra léonaise a été bouleversée en profondeur. Ces analyses nous conduisent à inter- roger la différenciation économique et sociale au sein de la paysannerie (au chapitre 5).

Toutes ces transformations ne sont pas propres à l'une ou l'autre des zones agro-écologiques que nous avons identifiées ou au territoire administratif que nous étudions. Les dynamiques socio-écomiques d'une part, agro-écologiques d'autre part, se déploient avec une relative auto- nomie, à des échelles différentes et selon des rythmes spécifiques. L'analyse diachronique à l'échelle locale proposée dans ce chapitre et le suivant a donc pour objectif de montrer com- ment ces dynamiques interagissent à cette échelle.

Ainsi, le choix de la Sella Limba comme région d'étude n'implique pas que l’on cherche à écrire l'histoire des Sella Limba comme groupe ethnique ni l'histoire de la Sella Limba comme territoire administratif (au sujet desquelles on trouvera des éléments éparses dans Sayers, 1927 ; McCulloch, 1950 ; Finnegan, 1965 ; Reed et Robinson, 2012). Dans ce travail, l'appar- tenance à un groupe ethnique ne constitue pas « en soi » une variable explicative des dyna- miques agraires. On considère en effet que si les Limba ne font pas ce que font les Susus ou les Temnes (deux autres groupes voisins importants respectivement au nord et au sud de la ré- gion étudiée) ce n’est pas parce qu’ils parlent ou qu’ils sont Limba (ou Susus ou Temnes). Nos informateurs attachent parfois un groupe ethnique (Limba ou Temne par exemple) ou un groupe dialectal (Limba Sella ou Limba Biriwa, par exemple) à certaines pratiques agricoles. Nous prendrons ces qualificatifs comme une indication de l'origine géographique de la pra- tique en question.

Le choix des concepts, de la méthode et des sources mobilisées pour cette analyse histo- rique découle de ces objectifs.

Carte 8 : Localisation des groupes ethniques, dialectals et des chiefdoms voisins à la Sella Limba

Sources : Clarke (1969)

1.2

Concepts, méthodes et sources pour écrire l’histoire des

dynamiques agraires

1.2.1 Système social et système agraire

Le système social : un modèle socio-économique à porté heuristique

Dans Femmes Greniers et Capitaux, Claude Meillassoux (1975) propose un modèle de la « communauté domestique » structurée autour des « cycles d’avances et de restitutions du produit » agricole. Ces cycles, calqués sur les cycles agricoles expliquent l’importance de

l’institution de la parenté dans ces sociétés dites « lignagères ». La reproduction de ces groupes domestiques31

de taille réduite repose sur la mobilité des femmes (en tant que por- teuses de capacité génésique) entre les groupes d’une « aire matrimoniale » donnée.

Ce modèle a valeur heuristique : il vise notamment à comprendre comment se sont articu- lés ou confrontés les systèmes sociaux des sociétés « primitives », « traditionnelles » ou « lo- cales » (en fonction de la rhétorique de l’époque) africaines avec l’économie « marchande », « capitaliste » ou « moderne ».

Ainsi du modèle de cet auteur on retiendra d’abord la méthode, décrite dans un article de 1964-65 : « Élaboration d’un modèle socio-économique » :

Sur le plan logique, le point de départ le plus pertinent semble être la rencontre entre l’homme et la nature, entre la vie et la matière, là où se nouent les problèmes que pose la double relation de l’homme avec le milieu (c’est-à-dire les problèmes de la production) et vis-à-vis de sa propre nature (c’est-à-dire les problèmes de la reproduction). […] La production se fait par la mise en relation de l’homme – pourvu de techniques matérielles et intellectuelles données par le niveau de développement de cette société – et du milieu. L’examen des techniques et du milieu sur lequel elles s’appliquent nous renseigne sur les relations sociales qu’exigent ces techniques, sur les rapports de coopération nécessaires et sur les rapports d’autorité. […] En résolvant les problèmes de production, la société assure sa perpétuation pendant une durée limitée, mais elle n’assure pas sa reproduction. La reproduction biologique d’un groupe est réalisée par l’accomplissement des rapports sexuels entre ses membres, mais la reproduction sociale, c’est-à-dire la reproduction du système dans ses structures, n’est possible que par la régulation de ces rapports c’est-à- dire, en l’occurrence, par l’élaboration d’institutions matrimoniales. (Meillassoux,1977 : 73-76, c’est l’auteur qui souligne)

Pourquoi cette méthode « d’élaboration d’un modèle économique et social », ou « système social » comme on le qualifiera à la suite de Paul (Paul, 2003), nous a paru utile dans le cadre de notre étude sur la paysannerie sella limba ?

L’efficacité heuristique de ce modèle réside dans l’articulation dialectique des rapports de production – l’ensemble des relations sociales qui organisent le partage des moyens de pro- duction (terre, travail et capital) – et des rapports de reproduction – relations sociales qui orga- nisent les moyens de la reproduction sociale, notamment, mais pas seulement, les relations matrimoniales. Les premiers assurent la survie à court terme des groupe domestique (d’un cycle agricole à l’autre) ; les seconds assurent leur perpétuation sur le long terme (d’une géné-

31 Meillassoux utilisent le terme de « communauté domestique », mais pour éviter la confusion avec la commu-

nauté villageoise (ensemble des membres d’un village) nous préférons le terme de « «groupe domestique »qui souligne mieux que le terme d’« unités de production » l’importance de l’articulation des rapports de produc- tion et de reproduction.

ration à l’autre). On verra que c’est bien au niveau de cette articulation que l’on peut expliquer aussi bien certaines évolutions rapides de l’agriculture sella limba (chapitre 3) que certains hé- ritages des structures du passé dans la société paysanne actuelle (chapitre 5, section 2).

Reconstituer une trajectoire historique n’est pas faire le récit d’une histoire : dans ce cha- pitre on analyse les caractéristiques les plus saillantes du système social précisément pour ex- pliquer la crise et l’involution rapide qu’il va connaître durant la seconde moitié du XXe siècle.

Point de départ de notre analyse diachronique, ce système social n’est pas un état initial, un « t = 0 », de la société limba. L’histoire des paysans qui vivent dans le territoire actuel de la Sella Limba ne commence évidemment pas au XXe siècle. Des auteurs ont montré l’intégra- tion marchande multiséculaire du nord de la Sierra Leone et les impacts, plus récents, des pre- mières décennies de la colonisation (Howard et Skinner, 1984 ; Johnny et al, 1981 ; Grace, 1975 ; Deveneaux 1973 ; Finnegan, 1965). Cependant, dans le cas de la Sella Limba, les té- moignages collectés nous indiquent qu'avec l’intégration marchande consécutive au boom de l’économie minière nationale au milieu du XXe siècle, la société paysanne a connu des boule- versements profonds. L'objectif est de caractériser le fonctionnement de cette société à une époque donnée, la première moitié du XXe siècle, pour comprendre les mécanismes qui ont conduit à sa crise.

Le système agraire : un concept intégrateur

Le concept de système social, mobilisé en anthropologie économique, a une portée très gé- nérale. Le modèle de la « communauté domestique » de Meillassoux s'applique à toutes les so- ciétés paysannes dont le fonctionnement repose sur la circulation du produit entre les généra- tions et la mobilité des capacités génésiques entre les cellules productives (Paul, 2008).

A l'échelle locale, une situation agraire est une réalité complexe qu'il s'agit de saisir dans toutes ses dimensions : écologiques, techniques et sociales et économiques. Le concept de sys- tème agraire, appliqué à cette échelle, intègre ces différentes dimensions :

« [...] le système agraire englobe à la fois le mode d’exploitation et de reproduction d’un ou plusieurs écosystèmes et donc le bagage technique correspondant (outillage, connaissances, savoir-faire), les rapports sociaux de production et d’échange qui ont contribué à sa mise en place et à son développement, les modalités de la division sociale du travail et de la répartition de la valeur ajoutée, les mécanismes de différenciation entre les unités de production élémentaires, ainsi que les conditions économiques et sociales d’ensemble, en particulier le système de prix relatifs, qui fixent les modalités de son intégration plus ou moins poussée au marché mondial » (Cochet, 2011 : 34).

Dans ce travail, nous n'appliquons pas ce concept à une zone agro-écologique en particu- lier, mais à l'ensemble de la région étudiée. Ainsi, à cette échelle, le concept de système agraire englobe celui de système social. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'une construction intellectuelle qui vise à saisir ce qui caractérise une situation agraire donnée, à une époque donnée. Les processus de différenciation interne ou d'involution générale ne sont pas masqués : au contraire en saisissant ce qui caractérise un système agraire on peut mettre en exergue ce qui explique son évolution, son développement ou au contraire sa crise.

Cette approche offre tout d’abord la possibilité de penser le « technique » et l'« écolo- gique » avec l’« économique » et le « social ». Mais cette perspective n’est pas propre à l’ap- proche développée en anthropologie économique ou en agriculture comparée. (Nyerges , 1988b ; Johnny et al, 1981 ; Leach, 1994), avec des concepts différents, étudient ce genre de dynamiques « technico-sociales ».

L'efficacité d'une approche systémique et diachronique réside dans la possibilité d'identi- fier, au niveau des interactions entre des éléments de différentes natures, ce qui permet au sys- tème de se reproduire à l'identique, de se transformer et de se développer ou, au contraire, de rentrer en crise.

Crise écologique, économique et sociale

Quand le système cesse de fonctionner, il est courant de dire qu’il rentre en crise. On en- tend ici le terme de crise d’abord comme un processus et non comme un événement soudain (éclatement d’une guerre ou catastrophe naturelle).

La crise d’un système agraire se manifeste quand les conditions de sa reproduction d’une génération à l’autre ne sont plus assurées. L’augmentation de la population au sein du groupe domestique, par exemple, finit par être en contradiction avec les conditions techniques ou so- ciales de la production à l’échelle d’un territoire donné. Un trop grand nombre d’individus ne peuvent plus coopérer dans les conditions de l’agriculture manuelle d’auto-subsistance. Clas- siquement, la segmentation, c’est-à-dire le départ d’une partie du groupe résout cette contra- diction. Cette segmentation entraîne l’extension spatiale du système social, accompagnée par celle du système agraire et du (ou des) mode(s) d’exploitation du milieu qui le caractérise(nt). Les possibilités de cette extension sont-elles infinies ? Dans des conditions techniques don- nées, un système agraire atteint théoriquement ses limites spatiales et démographiques à un moment donné. On a vu que les systèmes agraires qui reposent sur l’abattis-brûlis ne peuvent

perdurer que tant que la densité de population dans une zone donnée ne dépasse pas un certain seuil au-delà duquel la durée des recrûs forestiers est trop faible pour assurer la reproduction de la fertilité.

À mesure que ces limites se rapprochent, les ressources productives se raréfient et les ten- sions augmentent : entre les groupes domestiques qui se partagent le territoire et en leur sein entre les individus. On retrouve le schéma d’une crise malthusienne et de ses prolongements sociaux, économiques et éventuellement politiques. On a déjà vu que ce modèle est superficiel et qu’il s’applique mal, en général, à la situation historique et écologique au XXe siècle du nord de la Sierra Leone. Mais, si l’on ne peut plaquer aussi simplement ce modèle sur la réali- té d’un territoire, la Sella Limba, il ne faudra pas mettre entièrement de côté la possibilité d’une crise agro-écologique et ses conséquences potentielles sur le système social.

L’anthropologie économique s’est plutôt constituée autour de l’impact de l’intégration à marche forcée des sociétés « domestiques »32 dans le secteur marchand capitaliste mondial

dans le sillage de la traite esclavagiste (Meillassoux, 1986 ; Paul, 2003) et de la colonisation (Meillassoux, 1975 ; Geffray, 1989a et 1989b). La crise du système social est ici exogène. (Paul et al, 2013 ; 21) parlent de la « généralisation de la pénétration des rapports marchands dans l’économie villageoise, généralisation qui s’accompagne de et accompagne l’individua- lisation » (c’est l’auteur qui souligne), processus que l’on qualifie parfois de manière un peu euphémique « modernisation ». Mais, Paul insiste sur le fait que cette « modernité » ne s’est pas traduit jusqu’aujourd’hui, pour la plupart des paysanneries africaines, par le développe- ment des forces productives et un enrichissement des individus, mais plutôt par un appauvris- sement relatif et la dégradation générale des conditions matérielles d’existence .

L’agriculture comparée s’est également constituée autour de la question de la mise en concurrence des agricultures locales à l’échelle mondiale avec l’intégration croissante dans l’économie à l'échelle de la planète. Entre elles les écarts de productivité n’ont cessé d’aug- menter dans le même temps. Les outils conceptuels de l’agriculture comparée se sont dévelop- pés en partie pour analyser cette situation inédite historiquement (Voir pour la formalisation de cette approche à l’échelle mondiale ; Mazoyer et Roudart, 1997a : 445-501). La crise des agricultures paysannes « les moins bien dotées naturellement et historiquement », (Mazoyer et Roudart, 1997a : 19) entraîne une crise plus générale : les paysans ne peuvent plus assurer la « survie » de leur exploitation et partent à la recherche d’un autre emploi à la mine, en ville ou au nord.

32 Parfois qualifié, selon les époques et les points de vue des auteurs de sociétés « précapitalistes » (CERM,

Ces approches différentes analysent donc le même processus pris sous différents angles et à différentes échelles. On cherchera à comprendre dans ce travail comment s’articulent, à l’échelle d’un territoire, la Sella Limba, la crise d’un système social en relation avec la mar- chandisation des rapports sociaux et la crise d’un système agraire en relation avec la mise en concurrence croissante de la paysannerie avec d’autres agricultures plus performantes.

Enfin, l’histoire de la Sierra Leone en général et de la Sella Limba en particulier est mar- quée par l’éclatement de crises politiques, dont la manifestation la plus spectaculaire et la plus tragique a été la guerre civile qui s’est déroulée entre 1991 et 2001. Pour la Sella Limba, prise à part, cette crise politique est purement exogène. Du point de vue des paysans du chief- dom, la « rebel war » qui les frappe par surprise une première fois en 1996, n’a rien du « pro- cessus » et tout de la catastrophe brutale. Mais, la guerre, en Sierra Leone comme au Libéria et en Côte d’Ivoire a des « racines agraires » (Chauveau et Richards, 2012). Ces événements vio- lents, qui ne sont pas inédits dans l’histoire de la Sierra-Leone, sont, directement ou indirecte-

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