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Pays invités par le ministère de la Culture pour les Belles Étrangères (1987-2007)

CHAPITRE I. RENDRE VISIBLE : UN ENJEU MAJEUR

Encadré 1. Pays invités par le ministère de la Culture pour les Belles Étrangères (1987-2007)

Algérie Novembre 2003

Russie Novembre 2004

Roumanie Novembre 2005

Nouvelle Zélande Novembre 2006

Liban Novembre 2007 Brésil Mars 1987 RDA Juin 1987 Danemark Novembre 1987 Argentine Février 1988 Espagne Avril 1998 Chine Mai 1988 Portugal Novembre 1988 Finlande Février 1989 Hongrie Juin 1989

38. Elle oppose ainsi « ceux qui sont pour les premiers romans » et « ceux qui sont contre » (extrait d’entretien, 8 avril 2008) dans cette grande bibliothèque que son implantation dans un quartier d’universités et de bourgeoisie intellectuelle conduit à entretenir des collections de niveau rela- tivement élevé.

39. Organisées par le Centre national du livre pour le ministère de la Culture et de la Communica- tion depuis 1987, Les Belles Étrangères ont pour but de favoriser la découverte de littératures étrangères ou d’auteurs encore peu connus en France et accompagnent la politique d’aide à la traduction, à la publication et à la diffusion menée par le Centre national du livre.

40. Pascale Casanova a longuement analysé les mécanismes de circulation et de hiérarchisation de cet espace littéraire transnational structuré par les rapports entre les langues, mais aussi par les rapports entre les nations. Voir Pascale Casanova, La République mondiale des Lettres, Paris, Seuil, 2009 (coll. Points, Essais).

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Pays Baltes Novembre 1992

Afrique du Sud Janvier 1993

Turquie Mai 1993 Pays-Bas Novembre 1993 Israël Avril 1994 Égypte Décembre 1994 Suède Avril 1995 Corée Décembre 1995 Canada Mai 1996 Palestine Mai 1997

Amérique Centrale Novembre 1997

Albanie Mai 1998

Belgique Mai 1999

République Tchèque Novembre 1999

Bulgarie Mai 2001

Suisse Novembre 2001

Inde Novembre 2002

L’opération « Premiers romans » vise de la même manière à soutenir une partie moins visible de la production, comme le souligne sa coordina- trice Irène Itkine, mais aussi indissociablement à faire lire : « Cette opéra- tion sur les premiers romans, c’est une manière de faire lire au maximum, de susciter la curiosité des lecteurs, de faire connaître éventuellement des éditeurs qui ne sont pas connus puisque, dans la mesure où nous visons l’exhaustivité, nous offrons à lire des textes publiés chez des éditeurs qui n’ont jamais de presse. C’est cela notre but, faire lire. »41

41. Irène Itkine, « Accueillir, recueillir les premiers romans » / table ronde, in Marie-Odile André et Johan Faerber (dir.), Premiers romans : 1945-2003, Paris, Presses Sorbonne nouvelle, 2005, p. 210.

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Si la mise en visibilité constitue donc un enjeu majeur à la fois pour un champ éditorial marqué par une surenchère de la production et par une tendance à la concentration de l’attention sur un petit nombre d’objets culturels, elle est aussi essentielle en termes de politiques culturelles, qu’il s’agisse de soutenir la diversité culturelle ou de donner à tous les clés requises pour se repérer dans une offre pléthorique.

DES USAGERS SUBMERGÉS

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Un coût de recherche élevé

Le second enjeu de la mise en visibilité par les bibliothèques concerne en effet leur fonction de prescription en lien avec la question des usages et des usagers qu’il s’agit d’encourager et d’accompagner face au possible effet de submersion produit par l’abondance de l’offre. La masse de titres disponibles et même de nouveautés engendre de fait pour les usagers ou lecteurs potentiels un important coût de recherche. En d’autres termes, le prix à payer pour disposer de toute l’information nécessaire à un bon choix est élevé et nécessite de multiples ressources. Pour repérer dans l’offre éditoriale, ou même dans l’offre d’une librairie ou d’une bibliothèque, un ou des livres susceptibles de l’intéresser, de lui plaire, de répondre à ses besoins, le lecteur doit avoir à la fois du temps et du capital culturel, plus particulièrement du capital littéraire. Pour choisir par lui-même en mini- misant les risques de prendre un livre qui s’avère ne pas lui convenir, il doit en effet disposer d’une information suffisante qui requiert du temps et/ou d’autres types de ressources.

Au-delà du temps que demande l’analyse de l’objet proprement dite (feuilletage, lecture d’extraits), le choix nécessite des repères généraux fondés sur une formation et une expérience, qui permettent notamment d’associer des auteurs à des types d’écriture ou des éditeurs à des genres, et d’identifier ceux qui correspondent à ses propres goûts et attentes. Il s’appuie aussi sur des informations, tirées de la lecture de critiques ou de l’écoute d’émissions littéraires, mais aussi des réseaux de sociabilité, notamment des cercles familial, professionnel ou amical dans lesquels peuvent s’échanger des livres mais aussi des discours sur les livres. Il peut enfin mobiliser des conseils de prescripteurs que le lecteur a identifiés comme fiables (c’est-à-dire adaptés à ses propres besoins) pour les avoir déjà éprouvés.

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Martine Poulain souligne que la « curiosité » elle-même dépend de la possession de repères : « Comment choisir un livre lorsqu’on est confronté à une masse devant laquelle on ne dispose d’aucun repère, lorsqu’un titre égale un autre titre, lorsque rien n’introduit de différence, donc de préférence ? Le lecteur assidu, le familier de la lecture ignore même tout ce qu’il met en jeu dans le choix d’un livre : connaissance de l’auteur, de l’éditeur, de la collection, lecture en diagonale de la quatrième de couverture, évocation de lectures antérieures sur un sujet proche, consultation éventuelle de critiques, conversations avec des proches. Ce qu’il ressent comme une curiosité individuelle est une curiosité construite par l’élabora- tion progressive de tout un patrimoine intérieur. »42

La nécessité de posséder des moyens à la fois matériels et cognitifs pour maîtriser l’offre est mise en avant par Jean-Claude Passeron : « On oublie qu’une offre de lecture est toujours plus virtuelle qu’une offre de biens : l’utiliser, c’est toujours être capable d’en choisir une partie en connaissance de cause. Comment donner à tous les publics les moyens, matériels et mentaux, de prendre la mesure de l’ensemble de l’offre, d’em- brasser tout ce qu’elle contient pour n’en retenir qu’une partie ? Les titres d’un catalogue ou d’un étalage de livres ne sont pas aussi explicites que l’aspect ou l’intitulé des produits d’un supermarché. »43

L’emprunt en bibliothèque réduit certes le risque puisque l’usager n’a pas d’argent à débourser : il peut plus facilement s’autoriser à prendre un livre qu’il n’est pas sûr d’apprécier et de lire jusqu’au bout, mais il reste un coût qui est celui du temps mis à lire ce livre, même partiellement, et des éventuelles difficultés rencontrées dans cette lecture. En d’autres termes, la gratuité ne suffit pas à réduire à zéro le « coût de recherche ».

Or les ressources qui diminuent ce coût de recherche sont inégale- ment distribuées entre les lecteurs, non seulement selon leur niveau de diplôme, mais aussi selon leur expérience de lecture, qui est en partie corrélée à leur position sociale. Ceux que la sociologie de la lecture a

42. Martine Poulain, « Lecteurs et lectures », in Martine Poulain (dir.), Pour une sociologie de la lec- ture : lectures et lecteurs dans la France contemporaine, Paris, Éditions du Cercle de la Librairie, 1988, pp. 29-58. Ici, pp. 40-41.

43. Jean-Claude Passeron, Le raisonnement sociologique  : l’espace non poppérien du raisonnement naturel, Paris, Nathan, 1991 (coll. Essais et recherches), pp. 342-343.

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nommés « faibles lecteurs » ou encore « lecteurs précaires »44, qui lisent

peu et dont la pratique est fragile, sont en effet plus nombreux parmi les individus issus des classes populaires que chez les cadres.

Graphique 3. Part des non-lecteurs et des faibles lecteurs dans chaque profession et catégorie socioprofessionnelles (PCS)

Source : enquête 2008 sur les pratiques culturelles des Français.

L’embarras du choix

Mis dans une situation d’hyperchoix, les lecteurs les moins dotés peuvent se trouver en difficulté et éprouver un sentiment d’inconfort, voire de malaise, qui peut aller jusqu’à l’évitement. L’énorme masse des livres ran- gés sur les rayonnages le long des travées ou des murs peut facilement décourager celui qui ne vient pas chercher à la bibliothèque un livre d’un auteur précis qu’il connaîtrait déjà ou dont il aurait entendu parler par ailleurs. Il se retrouve alors dans la position de ce visiteur de musées décrit par Pierre Bourdieu, « placé devant un message trop riche pour lui ou, comme dit la théorie de l’information, “submergeant” (overwhelming), [qui] se sent “noyé” et ne s’attarde pas »45.

Une bibliothécaire, responsable de la sélection des imprimés après avoir occupé différents postes dans le réseau, reprend ce quali- ficatif « trop riche », qu’elle associe au risque de perdre l’usager démuni de référence : « On est trop riche ! […] [Ou bien on arrive 44. Joëlle Bahloul, Lectures précaires : étude sociologique sur les faibles lecteurs, Paris, Bibliothèque publique d’information – Centre Pompidou, 1987  ; Véronique Le Goaziou, Lecteurs précaires  : des jeunes exclus de la lecture ?, Paris, L’Harmattan, 2006.

45. Pierre Bourdieu, Alain Darbel, L’amour de l’art, op. cit., p. 71.

%

Nombre de livres déclarés lus au cours des 12 derniers mois

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avec des titres précis, ou bien] on est perdu. Si c’est ça l’accès à la culture, ça n’est pas évident… Ça peut être rébarbatif de dire : “Je ne sais pas choisir, ou je prends n’importe quoi, mais je vais être déçu.” » (extrait d’entretien, 28 juin 2007)

Une autre bibliothécaire d’une quinzaine d’années plus jeune, en poste dans une bibliothèque moyenne, reprend cette idée pour mettre en avant l’importance des présentoirs de sélections : « Ce n’est pas évident d’arriver dans une bibliothèque comme ça, à moins préalablement d’avoir réfléchi au truc… Il y a plein de gens qui arri- vent sans idée préconçue, donc ils vont prendre en fait ce qu’ils vont trouver sur le moment. » (extrait d’entretien, 8 avril 2005)

Le sentiment de l’usager peut ainsi s’apparenter à une forme de désar- roi lié à un sentiment d’incapacité : incapacité à appréhender l’offre dans sa globalité, incapacité à discerner le bon du mauvais, l’accessible de l’inaccessible, l’adéquat de l’inadéquat, et donc incapacité à faire un choix pertinent (à ses propres yeux, mais aussi aux yeux des autres). Véronique Le Goaziou rapporte ainsi la perception d’une adolescente d’un foyer de la protection judiciaire de la jeunesse qui, dans la lecture, ne retient que les affres du choix : « Je n’imagine pas mettre dix livres sur la table d’un coup et devoir choisir. Je veux qu’on m’en propose, je ne veux pas avoir à en chercher et je veux qu’on me raconte l’histoire avant. »46

Il n’est qu’un pas de ce sentiment d’incapacité à la sensation de n’être pas à sa place dans une bibliothèque et à l’impression que l’institution, tout ouverte qu’elle soit avec ses grandes baies vitrées, n’est finalement pas faite pour soi, ou pire, qu’on n’est pas fait pour elle.

Une conservatrice d’une cinquantaine d’années, responsable d’un grand établissement parisien, dénonce ainsi l’illusion de facilité d’accès qui a présidé à la multiplication des nouvelles médiathèques de verre et que celles-ci ont participé à entretenir : « Les générations d’avant moi, très militantes, disaient : “Si on ouvre… on va faire des bibliothèques vitrées, donc c’est fini le temple poussiéreux, parquet, impressionnant, bon… vitré, de plain-pied, on va dire : ‘Entrez ! Entrez ! C’est gratuit !’, tout le monde rentrera.” Sauf que tout le monde n’est pas rentré. C’était confondre l’accessibilité et surtout 46. Véronique Le Goaziou, Lecteurs précaires : des jeunes exclus de la lecture ?, op. cit., p. 123.

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ce qu’il y a dans les têtes, la familiarité. “C’est pas pour nous, diront les gens, c’est pas pour nous !” » (extrait d’entretien, 28 mai 2008) Véronique Le Goaziou a observé une telle perception de la bibliothèque chez de jeunes « lecteurs précaires » de la maison d’arrêt de Metz : « À la maison d’arrêt de Metz, les jeunes nous ont paru très seuls face à la lec- ture. L’offre existait, elle était accessible physiquement, mais il s’agissait d’une offre inerte, nue et froide qui, en tant que telle et sans aucun travail de médiation, leur demeurait lointaine et étrangère, inaccessible donc, mentalement et symboliquement. »47

L’effet d’embarras du choix est susceptible d’être favorisé par l’orga- nisation même des bibliothèques. Le modèle du libre accès censé favori- ser les circulations et les découvertes et lever les barrières pratiques et symboliques séparant le lecteur des collections montre ici ses limites : il expose sous les yeux du lecteur l’ensemble de l’offre disponible et suppose de sa part une autonomie à la fois dans l’usage des catalogues et dans la recherche d’un volume sur les rayonnages, ce qui exige une maîtrise des classifications, des outils de recherche bibliographique et de l’ortho- graphe. Mais il exige aussi de savoir quoi chercher, c’est-à-dire d’avoir une idée préalable de ce qui pourrait convenir à son besoin. Le modèle du libre accès est donc susceptible de mettre dans l’embarras ceux qui sont les plus démunis dans ces différents domaines et qui vont se trouver dans l’obligation de recourir au bibliothécaire (ce que précisément la mise en place du libre accès était censée éviter) pour trouver ce qu’il cherche ou ce qui lui convient. En l’absence même de recherche précise, il s’agit de dénicher quelques titres intéressants au sein d’une masse d’ouvrages presque indistincts. En effet, la mise en espace des collections, en don- nant la priorité au gain de place, ne laisse voir que le dos des livres, qui donne peu d’éléments d’information sur les contenus et ne suffit ni à situer un ouvrage ni à attirer l’œil. Or, en l’absence d’autres informations sur un livre (dont on aurait par exemple entendu parler par ailleurs), la visualisation de la couverture est un élément important dans le choix, ne serait-ce que parce qu’elle aide à identifier un type de production, en particulier un genre48. Le « facing », c’est-à-dire l’exposition qui donne à

47. Ibid., p. 113.

48. Huguette Rigot, Les couvertures de livres  : approches sémiologiques et sociologiques des marques éditoriales, Thèse de doctorat, sous la direction de Jean-Claude Passeron  : Paris, EHESS, 1993.

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voir la couverture, est ainsi une technique élémentaire du marketing push qui consiste à attirer l’œil sur certains ouvrages.

Face à l’embarras du choix, plusieurs voies sont possibles : la prise d’informations, la restriction de l’espace du choix, la remise de soi et l’abandon. La première solution est mise en œuvre par le lecteur assez doté en capital culturel pour pouvoir retrouver des repères même s’il a cessé de suivre l’actualité éditoriale pendant quelque temps et qu’il se sent un instant démuni  : la lecture de critiques, l’écoute d’émissions, la consultation d’amis ou l’examen direct des nouveautés des libraires, nourri par son expérience antérieure, lui permettront de faire son choix.

Une seconde solution, qui entre d’ailleurs dans la stratégie décrite ci- dessus, consiste à restreindre d’une manière ou d’une autre l’éventail de l’offre à considérer. La table de nouveautés du libraire joue par exemple ce rôle. Cette solution permet de réduire le coût de la recherche en restrei- gnant le nombre d’ouvrages à examiner. Il peut s’agir par exemple de s’en tenir à une collection ou à un éditeur qu’on apprécie. Anne-Marie Thiesse montre ainsi l’importance de la logique de collection dans les lectures des lecteurs issus des classes populaires49. Une autre solution consiste à

restreindre la sélection en se fondant sur le jugement des autres, c’est- à-dire en s’approvisionnant parmi des livres dont le succès a conduit à les faire figurer soit au catalogue des clubs de vente par correspondance soit sur les têtes de gondoles et autres présentoirs de meilleures ventes, que ce soit dans les grandes surfaces culturelles ou dans les maisons de la presse. Françoise Benhamou analyse ainsi la concentration sur un petit nombre de best-sellers comme le résultat d’une stratégie de minimisation du risque : « La faiblesse de la diversité consommée relève aussi de l’in- suffisance de l’information, de la crainte du risque inhérent à l’achat de biens d’expérience. Le repli du consommateur sur des biens pour lesquels une information assez sûre est déjà disponible, et à faible coût, conduit à un mécanisme de sélection de quelques biens seulement. »50

De manière plus générale, la tendance à restreindre l’espace du choix apparaît à travers les lieux d’approvisionnement choisis par les lecteurs : la taille des structures d’achats de livres majoritairement fréquentées est proportionnelle au capital culturel et plus précisément liée au niveau d’études, la propension à s’approvisionner dans les maisons de la presse et 49. Anne-Marie Thiesse, Le roman du quotidien : lecteurs et lectures populaires à la Belle-Époque,

Paris, Le Chemin vert, 1984, p. 38.

50. Françoise Benhamou, Les dérèglements de l’exception culturelle : plaidoyer pour une perspective européenne, Paris, Seuil, 2006 (coll. La couleur des idées), p. 263.

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dans les clubs de livres étant au contraire surtout le fait des classes popu- laires51. C’est peu ou prou la même démarche qui conduit certains usagers

de bibliothèques à considérer non seulement les présentoirs établis par les bibliothécaires, mais aussi le chariot de retour sur lequel sont entreposés des livres en attente de rangement, qui ont donc été empruntés par d’autres.

Une troisième solution pour faire face à l’embarras du choix consiste en effet à s’en remettre au choix d’individus censés être plus avertis, proches ou prescripteurs professionnels. Le bouche-à-oreille, la circulation dans le cercle familial et le prêt de livres entre pairs sont autant de moyens d’éviter de se confronter à l’hyperchoix de la librairie ou de la bibliothèque. Il est frappant à cet égard de constater que ces échanges de livres et de paroles sur les livres, mis en évidence par les travaux d’histoire du livre, n’ont pas diminué en même temps que le livre devenait un produit plus accessible économiquement et physiquement. La demande de conseils de lecture se retrouve non seulement chez les lecteurs que leur bonne volonté culturelle conduit à vouloir s’instruire en évitant les impairs, mais aussi, beaucoup plus largement, chez un grand nombre de lecteurs, y compris gros lecteurs, en quête de livres « intéressants » et qui voient dans la sélection d’un expert un moyen de s’économiser une partie du coût de recherche induit par l’intensité de leur pratique. Les guides, listes de sélections et autres « Coups de cœur » remplissent ce besoin. Une récente enquête menée par la bibliothèque Flandre52 auprès de ses usagers faisait ainsi apparaître

la demande de « la mise en place d’une sélection “coup de cœur” par le

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