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Patterson & Kay (1982) incriminent chez leur patient une difficulté de transfert de l’information en provenance du système d’identification des lettres vers le lexique

a-description et interprétation :

3. Patterson & Kay (1982) incriminent chez leur patient une difficulté de transfert de l’information en provenance du système d’identification des lettres vers le lexique

orthographique d’entrée, par ailleurs intact, amenant le patient à utiliser un système alternatif d’identification explicite et sérielle des lettres ; celle-ci seraient alors reconnues par reconstitution de l’épellation.

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4. Warrington & Shallice (1980) suggèrent chez deux de leurs patients l’existence d’un déficit situé au niveau même des représentations orthographiques des mots. Ceux-ci sont en effet incapables d’apparier les lettres, individuellement bien identifiées, à la représentation orthographique correspondante. Ils utiliseraient dès lors une stratégie de compensation qui consisterait à insérer les lettres identifiées dans le lexique orthographique spécifique à l’écriture, leur permettant de reconnaître les mots par un mécanisme de reconstitution de l’épellation (« reverse spelling »), non spécifié par les auteurs. Selon cette hypothèse, la localisation fonctionnelle du déficit présenté par les lecteurs lettre-à-lettre ne serait pas différente de celle de certaines formes de dyslexies de surface.

Ces explications fonctionnelles sont loin d’être mutuellement exclusives et pourraient rendre compte de différentes formes de lecture lettre-à-lettre.

Des données récentes, a priori paradoxales, indiquent qu’en dépit de difficultés évidentes en lecture de mots, certains dyslexiques lettre-à-lettre manifestent une reconnaissance lexicale et/ou sémantique implicite : un effet de supériorité des mots sur les pseudo-mots dans une tâche d’identification de lettres est observé chez certains d’entre eux, tandis que d’autres seraient capables de réaliser des tâches de décision sémantique sans pouvoir lire explicitement les mots. Coslett & Saffran (1989 ; pour une revue, Saffran & Coslett, 1998) attribuent ces performances de « lecture implicite » aux capacités de lecture de l’hémisphère droit. Ces auteurs postulent que tout dyslexique lettre-à-lettre disposerait de deux procédures de lecture distinctes, la lecture lettre-à-lettre et l’accès direct à la signification des mots. L’utilisation de l’une et l’autre procédure serait en fait stratégique et largement induite par la consigne donnée au patient. En faveur de cette hypothèse, les auteurs relèvent deux comportements de lecture chez un patient selon l’instruction qui lui est fournie. Quand il lui est demandé d’identifier explicitement les mots présentés rapidement, le patient produit 21 % de réponses correctes,

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alors qu’il lui est impossible de procéder à une tâche de catégorisation sémantique des items mal lus. Inversement, quand il reçoit la consigne de réaliser un jugement sémantique à partir de mots présentés rapidement, le même patient identifié à peine 5 % des mots et ne rapporte aucune lettre des mots non identifiés tandis qu’il réalise nettement mieux les tâches de catégorisation sémantique.

b-Rééducation :

L’évolution spontanée de la lecture de ces patients (Behrmann, Black & Bub, 1990 ; Friedman & Alexander, 1984) ainsi que les effets rééducatifs mettent généralement en évidence une réduction des latences tant en lecture à haute voix qu’en décision lexicale en même temps qu’une diminution Ŕsans disparition- de l’effet de longueur. Les travaux rééducatifs vont dépendre de l’interprétation cognitive apportée au comportement de lecture lettre-à-lettre.

La plupart des travaux portent sur l’entraînement à l’identification des lettres. Dans les cas les plus sévères, la rééducation vise à utiliser les feed-back kinesthésiques, tactiles ou tacto-kinesthésiques pour modifier l’afférence sensorielle (Luria, 1970 ; Lott, Friedman & Linebaugh, 1994). Cette technique consiste à entraîner le patient soit à copier (feed-back kinesthésiques), soit à palper des lettres en trois dimensions (feed-back tactiles), soit à les tracer sur des surfaces rugueuses ou sur la paume de la main (feed-back tacto-kinesthésiques), pour ensuite nommer chacune des lettres du mot en séquence. Cette stratégie est maintenue jusqu’à ce que l’identification des lettres et la lecture via la reconnaissance du mot épelé se réalise rapidement. L’identification orale des lettres est ensuite estompée jusqu’à obtenir leur reconnaissance par la seule perception visuelle.

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Dans les cas où les lettres isolées sont bien identifiées mais où la difficulté réside dans leur identification séquentielle, d’autres stratégies rééducatives vont être envisagées sous pression temporelle.

Ainsi, Arguin & Bub (1994) publient un travail rééducatif mené avec un patient qui présente un déficit de la conversion de la représentation visuelle interne des lettres en sa représentation graphémique. L’objectif rééducatif consiste à rétablir cette procédure de conversion. Le programme d’entraînement comporte une tâche d’appariement rapide de paires de lettres de différentes typographies (minuscules et majuscules d’imprimerie) sur base de leur identité nominale ainsi qu’une tâche d’identification explicite de séquences orthographiquement légales de 4 lettres (par exemple, HUC+UCK=HUCK) sous pression temporelle pour favoriser l’encodage de la représentation abstraite et pour entraîner l’intégration des identités individuelles des lettres dans des représentations orthographiques d’ordre supérieur.

Les résultats mettent en évidence un changement quantitatif important des performances se traduisant par une réduction très sensible des temps de réaction et par une généralisation aux lettres non entraînées. Ce changement quantitatif signe a priori une amélioration de la capacité à encoder la représentation visuelle des lettres en une représentation de leur identité. Ces résultats ne signifient pas pour autant que la rééducation est arrivée à restaurer chez le patient une procédure « normale » basée sur des représentations graphémiques abstraites. En effet, les auteurs n’observent aucun changement qualitatif au niveau des effets d’amorçage :l’effet facilitateur sur l’identification des lettres se limite toujours aux amorces normalement et physiquement semblables, les amorces neutres et les amorces nominalement et physiquement différentes ne présentant aucun effet facilitateur. A l’inverse des lecteurs …., les performances de lecture du patient restent toujours sensibles à la longueur des séquences écrites. Cette absence de changement appuierait l’hypothèse selon laquelle l’identification des

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lettres continue à être réalisée selon une procédure sérielle. Plutôt que de restaurer une procédure de conversion, la rééducation aurait eu par conséquent pour …d’optimiser les effets fonctionnels d’une procédure « pathologiques » ; il s’agirait dans ce cas davantage d’une rééducation de type « réorganisation » que d’une rééducation de type « restauration ».

Dans d’autres travaux, le comportement de lecture lettre-à-lettre présenté par les patients relève davantage d’un déficit de transfert de l’information graphémique au système de reconnaissance orthographique. Les auteurs se rallient à l’hypothèse selon laquelle la compréhension des mots écrits peut se réaliser directement à partir d’une séquence de lecture incomplète, court-circuitant en cela l’étape de reconnaissance orthographique des mots. L’objectif rééducatif consiste dès lors à limiter chez ces patients l’utilisation explicite d’une stratégie de lettre-à-lettre qui inhiberait la compréhension directe des mots.

Rothi & Moss (1989), par exemple, décrivent chez un patient les effets d’un programme rééducatif se fondant sur la présentation tachystoscopique de séquences de lettres, suivie par des jugements lexico-sémantiques oui/non de trois types : dans la première tâche, il est demandé au patient de juger si un mot-cible (par exemple, RAIN) ou homophone (par exemple, REIGN) correspond à celui qui est produit dans une phrase émise oralement par l’expérimentateur (par exemple, « i twill rain today ») ; dans une deuxième tâche, le patient doit décider si un mot écrit (par exemple, HORSE) constitue un exemplaire d’une catégorie sémantique (par exemple, « is it an animal ? ») ; dans une troisième tâche, il est demandé au patient de réaliser une tâche de décision lexicale (mots réels/ pseudo-mots homophones). L’objectif de la rééducation vise à la fois à accroître la correction des réponses tout en diminuant progressivement le temps de présentation des stimuli écrits. Les résultats montrent une nette amélioration des performances du patient qui s’exprime davantage en termes d’accroissement des réponses correctes (100 % de réponses correctes contre 72 % à la tâche

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1 ; 90 % contre 71 % à la tâche 2 ; 90 % contre 57 % à la tâche 3) qu’en terme de diminution des temps de présentation.