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3.1-Les dyslexies-dysorthographie ; phonologiques :

a-Sémiologie :

A plus d’un égard, le symptôme présentés par les dyslexiques phonologiques sont différents de ceux décrits dans les dyslexies de surface. La particularité des patients qui présentent une dyslexie phonologique,et/ou une dysorthographie phonologique (Baxter & Warrington;Patterson, Suzuki & Wydell, 1996 ; Roeltgen, Sevush & Heilman, 1983 ; Shallice, 1981) est de présenter une difficulté spécifique à lire ou à orthographier les pseudo-mots. Les cas les plus prototypiques montrent une dissociation très importante entre la lecture de mots et de pseudo-mots : LB (Derouesné & Beauvois, 1985) lit correctement de 74 % à 98 % des mots mais seulement 30 % des pseudo-mots. La dissociation est encore plus extrême chez HC et JD (Berndt et al., 1996 : 90 % des mots contre 10 % à 20 % des pseudo-mots) et chez KT (Berndt et al., 1996 : 90 % des mots contre 0 % des pseudo-pseudo-mots). Les erreurs observées en lecture de pseudo-mots sont le plus souvent des erreurs de lexicalisation, c'est-à-dire qu’un mot proche est produit à la place du pseudo-mot (par exemple, COITURE lu « voiture »). On observe également, chez ces patients, des erreurs morphémiques (flexionnelles er dérivationnelles), des erreurs visuelles et des substitutions de mots fonctionnels (voir tableau 4).

198 ERREURS EXEMPLES Lexicalisation Flexionnelle Dérivationnelle Visuelle

Substitution de mots fonctionnels

COUGIEUX → « courageux » MOURRAS → « mourir »

CONGRATULER → « congratulation » COUTUME → « couture »

JE → « il »

Tableau 4- Illustrations des différents types d’erreurs produites en lecture à haute voix par un patient qui présente une dyslexie phonologique

Un effet de fréquence des règles de conversion graphème-phonème (règles CGP) s’observe en lecture de mots. Ainsi, JD (Berndt et al., 1996) lit 24 % des pseudo-mots incluant des règles CGP fréquentes et aucun des pseudo-pseudo-mots impliquant des règles rares. Cet effet s’observe chez les sujets ayant un bon niveau de lecture des mots. Un effet de pseudo-homophonie est présent chez la plupart des sujets : le pseudo-mot FONTEINE, pseudo-homophone de FONTAINE sera, par exemple, mieux lu qu’un pseudo-mot non homophone apparié comme FONTAUNE. Cet effet peut être massif comme chez KT (Patterson et al., 1996) qui lit de73 % à 97 % des pseudo-homophones alors qu’il ne peut lire aucun pseudo-mot non homophone. L’effet de pseudo-homophonie semble modulé par la fréquence et la concrétude du mot source (Patterson et al., 1996). Il n’est pas corrélé avec la tendance à lexicaliser mais plutôt avec le nombre de phonèmes correctement lus au sein des pseudo-mots, ce qui suggère qu’une certaine partie de l’information phonologique doit être décodée pour activer le mot.

La dyslexie phonologique se distingue classiquement de la dyslexie profonde par l’absence d’erreurs sémantiques. On note cependant certains cas (EA, MF et FM de Berndt et al., 1996) chez qui des erreurs sémantiques sont obtenues en lecture de mots. Certains sujets

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présentent d’autres caractéristiques communes avec la dyslexie profonde dont les effets de classe grammaticale et de concrétude. Leurs performances de lecture décroissent significativement selon la classe grammaticale des mots qui leur sont présentés : des noms, des adjectifs, des verbes et des mots fonctionnels. L’effet de concrétude se traduit par la supériorité des performances en lecture de mots concrets. Ces caractéristiques communes suggèrent une certaine continuité entre les deux profils (Glosser & Friedman, 1990) qui pourraient correspondre à des degrés différents de sévérité du trouble (Friedman, 1996). La plupart des sujets ayant une dyslexie phonologique présentent des déficits phonologiques (Berndt et al., 1996) mis en évidence dans des tâches métaphonologiques qui impliquent la composante orale du langage sans faire intervenir la lecture. Ils ont, par exemple, des difficultés à omettre le phonème initial d’un mot qui leur est proposé oralement et à produire le reste, que celui-ci constitue ou non un autre mot (par exemple, /vaS/ → /aS/ versus /fok/ → /ok/). En fait, un seul cas seulement décrit par Derouesné & Beauvois (1985) présentait une dyslexie phonologique en l’absence de tout problème à manipuler volontairement les sons qui composent les mots. LB était capable de produire le dernier phonème d’un pseudo-mot qui lui était présenté oralement (40/40), de recomposer un pseudo-mot à partir de ses 3 phonèmes énoncés séparément (27/30) ou de dire, à partir de deux images qui lui étaient présentées, si le nom de l’une était inclus dans le nom de l’autre (36/40) (par exemple, « lit »- « coquelicot »). La plupart des dyslexiques phonologiques ont également des capacités de mémoire phonologique limitées lorsque celles-ci sont testées à travers des épreuves d’empan de mots de pseudo-mots ou de chiffres (Friedman, 1996).

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b-Interprétation :

Dans le cadre des modèles à double voie, ces déficits traduisent, tant en lecture qu’en écriture, une altération (relativement) spécifique de la voie non lexicale. En lecture, Beauvois & Derouesné (1979 ; Derouesné & Beauvois, 1985 ; Newcombe & Marshall, 1985a, b) mettent en évidence des altérations distinctes du traitement des pseudo-mots chez 5 patients dyslexiques phonologiques selon qu’elles portent sur les différentes opérations de la voie non lexicale, à savoir : la segmentation graphémique de la séquence de lettres, les conversions des segments orthographiques en segments phonologiques et la synthèse de ces segments en une forme phonologique unifiée.

Un déficit de la segmentation graphémique semble à l’origine des difficultés de lecture des pseudo-mots chez deux patients qui éprouvent plus de difficultés à traiter les pseudo-mots comportant des digraphes (par exemple, zou) que les pseudo-mots composés de graphèmes simples (par exemple, EBU). Les auteurs excluent chez ces deux patients tout déficits de conversion dans la mesure où ils sont capables de lire des pseudo-mots composés de graphèmes simples. On ne note aucun effet de pseudo-homophonie chez ces patients.

Un déficit de synthèse phonémique rendrait davantage compte des performances de lecture de deux autres patients qui sont parfaitement capables de produire les phonèmes correspondant aux différents graphèmes isolés (graphèmes simples ou digraphes) mais ne peuvent procéder à leur assemblage phonémique. Leurs performances présentent un important effet d’homophonie (par exemple, TONO mieux lu que TIKO). Lire des pseudo-mots homophones de mots réels permettrait, selon les auteurs, de se passer de l’assemblage phonémique dans la mesure où une représentation phonologique existe déjà en mémoire à long terme.

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Outre ces altérations très sélectives de la segmentation et de la synthèse phonémique, Funnell (1983) relève chez d’autres dyslexiques phonologiques des altérations dominantes ou isolées des conversions, les rendant incapables de produire la valeur phonologique des graphèmes, qu’il s’agisse de lettres isolées ou de diagraphes.

c-Rééducation :

La plupart des travaux rééducatifs de la procédure d’assemblage de lecture et/ou d’écriture ont été menés dans les formes mixtes de dyslexies et dysorthographies profondes qui présentent une altération plus importante encore de la procédure d’assemblage ; nous y reviendrons pour conséquent dans la section suivante.