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La richesse archéologique de l’Algérie reste encore souvent méconnue, aussi bien chez les algériens eux même qu’à l’étranger, d’autant plus que durant les dix dernières années de 1992- 2002, le terrorisme, la crise sécuritaire ont hélas laissé dans l’ombre toute activité de recherche archéologique et de développement dans la gestion des sites historiques.

Certains s’étonnent même que des sites antiques de l’Algérie soient inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.

Il faut donc le rappeler : oui, des villes antiques comme Timgad, Djemila ou Tipaza figurent sur cette liste prestigieuse aux yeux de la communauté internationale.

Ainsi les vestiges de l’antiquité témoignent donc de façon évidente de l’importance d’une civilisation à laquelle le Maghreb dans son ensemble et l’Algérie, de part sa position centrale, ont si grandement contribué43. En Algérie, seuls quelques grands centres urbains de l’Antiquité ont été dégagés au cours des travaux de fouilles qui ont eu lieu au XIX è siècle et dans la moitié du XX è siècle durant la période coloniale.

Au cours de ces travaux, il est bien connu que la préoccupation majeure résidait souvent dans la recherche des objets d’art, des parements de mosaïques, ou dans le dégagement des monuments jusqu’au « bon niveau », sans attention particulière pour un certain nombre de couches archéologiques ou pour une stratigraphie des niveaux postérieurs qui les recouvraient.

On a trop souvent dit, à propos des sites archéologiques antiques du pays, que les premières villes furent des colonies romaines et que « dans ce pays barbare occupé par des tribus nomades, les premiers habitants sédentaires furent des soldats romains libérés du

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: voir la notice de l’orientaliste HOUDAS, octave, « le habous ou wakf », La Grande Encyclopédie. Paris, Larousse, t.19. dans :l’ouvrage de Nabila Oulebsir ; les usages du patrimoine : monuments, musées et politique coloniale en Algérie (1830-1930) ; Edition de la maison des sciences de l’homme, Paris 2004.

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: Mounir Bouchnaki, dans l’introduction à l’ouvrage : L’Algérie antique. De Massinissa à Saint Augustin de Serge Lancel, Edt,Menges, 2003.

service44 ». Sans doute, cette conception de l’histoire ancienne privilégiant l’action de Rome dans la romanisation et l’urbanisation de l’Afrique antique, n’est plus de mise.

Elle a eu pourtant une influence que Mounir Bouchnaki45 qualifie de pernicieuse auprès d’un certain nombre de responsables algériens qui, au lendemain de l’indépendance du pays ne voyaient dans la présence des vestiges « romains » que des signes d’une colonisation et bien entendu la réminiscence de la colonisation française.

C’était en effet, pour justifier et légitimer la colonisation française que de nombreux historiens et archéologues de la fin du XIX è siècle et le début du XX è siècle, ont contribué a présenter le France comme l’héritière de Rome en Afrique du Nord.

Une phrase de Jules Toutain, en introduction à un ouvrage sur les cités romaines, est tout à fait édifiante à cet égard « Mieux nous connaissons l’œuvre accomplie par les Romains dans leurs provinces africaines, mieux nous pourrons diriger nos efforts, et plus vite en assurer le succès ».

La conception, désormais dépassée, de l’histoire du Maghreb vue uniquement à travers le prisme de la conquête romaine fait l’objet d’une révision de la part de la nouvelle école d’historiens à laquelle appartient Serge Lancel46qui nous rappelle, à juste titre que Rome fut aussi l’héritière des civilisations libyque ou « amazigh » et punique que l’on commence à mieux appréhender.

C’est sous un éclairage nouveau que doivent alors nous apparaître ces villes antiques d’Algérie, dont une part des ruines dégagées est d’époque romaine, mais dont l’origine est bien souvent antérieure à la conquête romaine.

C’est d’ailleurs dans le même ordre d’idées qu’il faut se débarrasser d’un certain nombre de préjugés ou de clichés qui font passer dans certains guides, ou dans certains travaux et même parfois sur les plaques de signalisation, pratiquement tous les vestiges archéologiques antiques pour des ruines romaines.

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: Jules Toutain, dans l’ouvrage : L’Algérie antique. De Massinissa à Saint Augustin de Serge Lancel, Edt,Menges, 2003.

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: Mounir Bouchnaki, dans l’introduction à l’ouvrage : L’Algérie antique. De Massinissa à Saint Augustin de Serge Lancel, Edt,Menges, 2003.

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1-1/ Patrimoine et recherche de nouveaux horizons

Depuis quelques années, les recherches historiques ont subi comme d’autres sciences humaines, le contrecoup de la colonisation.

Selon le conseil de l’historien Mohamed Sahli, qui recommandait de « décoloniser l’histoire », les concepts dépassés de cette histoire ancienne sont soumises à une révision radicale.

Parmi les travaux réalisés sur l’archéologie depuis le début du siècle dernier jusqu’aux années 1980, nous citons ; l’histoire ancienne de l’Afrique du Nord de Stéphane Gsell (1913-1929), qui demeure la référence pour tous les historiens de l’Antiquité au Maghreb.

Suite à ces travaux, nous mentionnons notamment l’Afrique romaine d’Eugène Albertini 1937, l’histoire de l’Afrique du Nord, Tunisie, Algérie, Maroc, des origines à la conquête arabe (647 A.C.J) de Charles André Julien, édition de 1951, revue et mise à jour par Christian Courtois. L’Algérie et son passé d’André Berthier (1955), l’Algérie, passé, présent d’Ives Lacoste ; André Nouschi et André Prenant (1961).

L’Algérie dans l’Antiquité de Mahfoud Kaddache (1978), et quelques années plus tard, le livre françois Decret et Mhamed Hassine Fantar ? l’AFRIQUE DU Nord dans l’Antiquité, histoire et civilisation (1981).

L’un des derniers ouvrages en date a été celui de Paul Albert Février (Approche du Maghreb Romain, Aix en Provence, 1989).

Depuis l’indépendance, les travaux de construction qui se sont développé à travers tout le pays n’ont pas manqué d’apporter, comme à l’accoutumer, un lot de découvertes archéologiques qui ont considérablement enrichi le patrimoine culturel de l’Algérie.

A côté des trouvailles que l’on peut qualifier de fortuites, comme celle de la célèbre mosaïque du triomphe de Bacchus, découverte à Sétif lors des travaux de VRD et qui fait l’orgueil du Musée de la ville.

Les recherches archéologiques programmées dans le cadre du Service des Antiquités ou du Centre de recherches sur l’archéologie, la préhistoire et l’ethnographie, ont également fourni des documents de première importance pour la connaissance du passé.

Face aux multiples problèmes qui se posaient pour la gestion d’un patrimoine culturel s’étendant sur plus de deux millions de kilomètres carrés, l’essentiel des activités menées par la jeune équipe d’archéologues algériens depuis 1965 a été consacré au renforcement de la protection des sites archéologiques afin d’éviter toute destruction ou pillage.

Les sites les plus importants, tels que Hippone ( Annaba), Khamissa, Thibilis (Announa), Tebessa, Timgad, Lambèse, Djemila, Sétif, Tipaza, Cherchel, ont été placés sous la surveillance de gardiens permanents.

Les grands mausolées de l’époque Numide et de l’époque Maurétanéenne, comme le Madracen, la « Soumaâ » du Khroub, le mausolée de Beni Rhinane à Siga, ont bénéficié également d’une protection et d’un gardiennage.

Si l’on s’en tient uniquement à la période antique, il est possible d’affirmer qu’au cours des quarante dernières années, la politique de recherches en archéologie est restée relativement empirique, d’une part à cause de l’insuffisance du personnel scientifique et d’autre part de l’absence de tradition nationale dans ce domaine.

Il existe en Algérie, tant de monuments qui attendent d’être publiés, et quantités d’objets qui « dorment » depuis des décennies dans les réserves des musées nationaux et municipaux, sans avoir fait l’objet d’une étude scientifique et d’une publication, qu’il a été plus sage de ne pas multiplier les programmes de fouilles archéologiques et de s’atteler plutôt à la publication des inédits47. En effet, comme le rappelait Paul Albert Février dans son dernier rapport en qualité d’inspecteur des Antiquités de l’Algérie en 1967, « celui qui étudie un texte ou même un monument peut le regarder sans l’endommager, celui qui fouille détruit au fur et à mesure de son avance une grande part de ce qu’il voit, et il ne peut faire autrement : une stratigraphie n’existe qu’un temps, le temps d’un regard ».

Pour conclure, nous dirons que c’est cette variété de cultures et cette diversité de trésors, d’arts et d’architecture et l’Antiquité qui font la richesse du patrimoine culturel de l’Algérie.