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II.1.1/ Critères de bonne réponse à la transplantation hépatique

Une transplantation hépatique évolue favorablement lorsque qu’il y a une reprise correcte et rapide de la fonction biliaire. Celle-ci est appréciée grâce au débit biliaire du drain de Kehr [60]. Celui-ci est placé, lors d’une intervention chirurgicale, au niveau de la voie biliaire principale qui draine normalement la bile de la vésicule biliaire vers l’intestin grêle. Il permet de dériver vers l'extérieur du corps la bile, qui est recueillie dans un collecteur. Ceci permet à la voie biliaire principale, encore fragile, de reprendre progressivement ses fonctions et de surveiller l’aspect et la quantité de bile [61]. Comme vu précédemment, la bile est un liquide jaune clair, limpide légèrement visqueux, à pH neutre ou légèrement alcalin et dont la sécrétion moyenne est de 0,5 à 0,7 L/jour.

Par ailleurs, ce drain permet également de réaliser une cholangiographie, après injection d’un produit de contraste, pour vérifier l’absence de calcul [58][59].

Le retour à la normale des cofacteurs de la coagulation, des taux sanguins de transaminases et de bilirubine, sont également de très bons critères de viabilité du greffon [58][59].

Les normes de ces paramètres sont indiquées dans le tableau suivant :

Paramètres biologiques Normes Transaminases ALAT (ALanine AminoTransférase) < 40 UI/L

ASAT (ASpartate AminoTransférase) < 40 UI/L

Bilirubines Totale < 10 mg/L / < 17 µmol/L

Libre < 7 mg/L / < 2 µmol/L

Conjuguée < 3 mg/L / < 5 µmol/L

Cofacteurs de la coagulation

TP (Taux de prothrombine) 80-100 %

INR 1

TCA (Temps de Céphaline Activée) 24-41 secondes

TS (Temps de Saignement) 2-4 minutes (technique de Duke)

3-6 minutes (technique d’Ivy)

Fibrinogène 2-4 g/L

D-dimères < 500 µg/L

Anti-Xa 0,2-0,5 UI/mL

Tableau 6 : Normes biologiques [62].

UI/L : Unité Internationale par litre, mg/L : milligrammes par litre, µmol/L : micromoles par litre, g/L : grammes par litre, µg/L : microgrammes par litre

II.1.2/ Un patient polymédiqué

Les protocoles d’immunosuppression (développés plus loin) sont variables en fonction de l’état physiopathologique et l’immunisation du patient, l’efficacité et la tolérance du traitement, mais également des habitudes des centres de greffe. Ils comprennent généralement plusieurs médicaments immunosuppresseurs ayant des mécanismes d’action différents, afin d’obtenir une meilleure efficacité.

Cependant, cette polymédication peut être à l’origine d’interactions médicamenteuses qui seront développées plus loin.

II.1.3/ Un patient immunodéprimé

Les traitements immunosuppresseurs ont pour but de prévenir le phénomène de rejet et d’augmenter la durée de vie du greffon. Le traitement doit être maintenu pendant toute la durée de vie du greffon.

Les immunosuppresseurs actuels n’étant pas spécifiques du greffon, ils abaissent donc les défenses immunitaires du receveur. Les complications liées à cette immunosuppression, outre les effets indésirables, sont d’ordre infectieux et tumoral.

Lors d’une demande de conseil à l’officine, le pharmacien ne doit donc jamais omettre qu’un patient transplanté hépatique sous immunosuppresseurs est un patient immunodéprimé.

II.1.4/ Un patient insuffisant hépatique

On parle d'insuffisance hépatique lorsque le foie a des difficultés à assurer toutes ses fonctions (métabolisme, détoxification, etc.).

À l’état normal, le foie joue un rôle essentiel dans le métabolisme des nutriments, et l’intégrité des fonctions hépatiques est nécessaire au maintien de l’état nutritionnel [63].

Au cours de l’insuffisance hépatique, une dénutrition, notamment due à une alimentation défectueuse, une malabsorption, et des anomalies du métabolisme des nutriments, peut apparaître [64].

- Métabolisme protéique : Le foie joue un rôle dans l'uréogenèse, la synthèse de protéines plasmatiques et de protéines de structure, et la redistribution postprandiale des acides aminés vers les tissus périphériques.

Au cours de l'insuffisance hépatique, une baisse de la synthèse de l'urée est retrouvée. Elle est due à une diminution de l'activité des enzymes du cycle de l'urée, à la réduction de la masse hépatique fonctionnelle et aux perturbations hémodynamiques. Cette diminution de l'uréogenèse entraîne l'apparition d'une hyper-ammoniémie et d'une hyper-aminoacidémie.

On retrouve également un hyper-catabolisme protéique visant à alimenter la néoglucogenèse.

Ces anomalies peuvent entraîner d'importantes perturbations fonctionnelles et alimentaires.

- Métabolisme glucidique [63] : En cas d’insuffisance hépatique, on observe une insulino-résistance, caractérisée par une hausse de l'insulinémie basale et une réponse anormale à la charge glucidique, et qui affecte la synthèse de glycogène. Elle concerne principalement les tissus périphériques (musculaire et adipocytaire).

On observe également une intolérance au glucose et une diminution de son absorption par les tissus périphériques. La concentration sanguine en glucagon est, elle aussi augmentée, et contribue à l'insulino-résistance.

Un diabète proprement dit est observé dans 10% des cas.

- Métabolisme lipidique [63] : Les troubles du métabolisme du glucose entraînent des anomalies dans l’utilisation des substrats énergétiques, et notamment une lipolyse importante.

Celle-ci a pour conséquence une augmentation des concentrations plasmatiques des acides gras libres et du glycérol.

Par ailleurs, après une greffe de foie, on observe fréquemment une diminution de la filtration glomérulaire de 30 à 40% par rapport à la valeur avant la transplantation [47][65].

De plus, une insuffisance rénale modérée (créatininémie supérieure à 125 μmol/L pendant au moins six mois) a été observée chez 78% des patients transplantés hépatiques dont la survie est supérieure à cinq ans. L'apparition d'une insuffisance rénale après la transplantation hépatique diminue la survie du patient.

Un suivi thérapeutique régulier sera donc essentiel pour stabiliser la fonction rénale des patients transplantés hépatiques.

De plus, l'hypertension artérielle est fréquente après une transplantation hépatique et sa prévalence d’autant plus élevée avec le temps : 29% à trois mois et 46% à cinq ans [47].

Plusieurs éléments peuvent être à l’origine de cette hypertension : - L'existence d'une néphropathie chronique,

- Mais aussi certains médicaments immunosuppresseurs. Il faudra donc effectuer une surveillance régulière de la tension artérielle chez le patient transplanté hépatique, et éventuellement effectuer des changements de molécules immunosuppressives ou utiliser des anti-hypertenseurs.

Le foie est également un acteur essentiel dans la régulation de l’hémostase [66]. En effet, il participe à la synthèse de facteurs et inhibiteurs de la coagulation, de protéines de la fibrinolyse. Il permet également l’épuration des enzymes coagulantes ou pro-fibrinolytiques, et joue un rôle de protection de l’organisme contre les hémorragies ou une activation trop importante de la coagulation.

L’hémostase est généralement perturbée au cours des maladies hépatiques. On retrouve notamment une baisse du taux des protéines de la coagulation, avec, ou non, une thrombopénie, un dysfonctionnement plaquettaire et une augmentation de l’activité fibrinolytique circulante. Certains médicaments, comme les immunosuppresseurs, génèrent notamment des thrombocytopénies, et peuvent alors aggraver les troubles de la coagulation déjà présents. Il est donc nécessaire d’effectuer une surveillance des thrombocytes et des paramètres de la coagulation au cours de ces traitements, mais également de surveiller l’apparition d’hémorragies ou d’ecchymoses.

Enfin, en cas d'insuffisance hépatique, on observe :

- une diminution du métabolisme des médicaments due à une diminution de la synthèse enzymatique et donc une augmentation de la demi-vie d'élimination,

- et une diminution de la synthèse des protéines plasmatiques, ce qui entraîne une diminution de la fixation du médicament à ces protéines et donc une augmentation de sa fraction libre et donc active.

Tout ceci a pour conséquence une augmentation des concentrations maximales des médicaments, et particulièrement ceux à index thérapeutique étroit, et donc une augmentation de leur toxicité [67][68].

Il faudra donc être vigilant quant à l’utilisation des médicaments chez le patient transplanté hépatique, et notamment adapter leur posologie. Le dosage des transaminases doit être pris en compte. Les taux sanguins normaux des transaminases sont compris entre 20 et 40 UI/L de sang. Si les taux sanguins d’ALAT et d’ASAT sont compris entre trois fois et huit fois la limite supérieure normale, il faut réduire la dose des médicaments métabolisés et/ou éliminés par le foie. Et si les taux sanguins d’ALAT et d’ASAT sont supérieurs à huit fois la limite supérieure normale, il ne faut pas utiliser ces médicaments.

II.2) Le patient transplanté hépatique et les traitements médicamenteux