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Pathologies associées au virus d’Epstein-Barr

Partie 2 : Physiopathologie de l’infection par le virus d’Epstein-Barr

III. Pathologies associées au virus d’Epstein-Barr

L’EBV est le premier virus tumoral humain décrit et est impliqué dans un large spectre de

pathologies bénignes et malignes.

III.1. Pathologies chez l’individu immunocompétent

III.1.1. La Mononucléose Infectieuse (MNI)

La mononucléose infectieuse (MNI) est une infection bénigne généralement spontanément

résolutive. C'est la forme clinique symptomatique de la primo-infection à EBV. Elle se

caractérise par une amygdalite, de la fièvre, des adénopathies, une splénomégalie et une asthénie

sévère. Cette affection se caractérise par une hyperleucocytose et la présence de lymphocytes T

CD8+ atypiques de grande taille.

Dans de rares cas, la MNI peut évoluer vers une infection chronique active (CAEBV ou

Chronic Active Epstein-Barr Virus infection). Dans sa forme sévère, elle est associée à une

mortalité élevée et peut évoluer vers un lymphome (Kimura et al., 2001).

III.1.2. Le Lymphome de Burkitt (LB)

L’EBV a été découvert dans des cultures de cellules tumorales issues de patients atteints de

lymphomes de Burkitt (LB). Il s’agit d’un lymphome malin non hodgkinien de haut grade. La

cellule lymphomateuse a pour origine un lymphocyte B et est caractérisée par la présence d’une

translocation du gène c-myc (chromosome 8) au niveau du locus de gènes codant des

immunoglobulines (chaîne lourde ou chaîne légère, sur les chromosomes 2, 14 et 22). Ces

translocations chromosomiques conduisent à la surexpression de c-Myc. Ces cellules présentent

une latence de type I restreinte à l’expression d’EBNA1.

III.1.3. Le Lymphome de Hodgkin (LH)

Les lymphomes hodgkiniens (LH) représentent environ 30% des lymphomes et les 2/3 sont

associés à l’EBV. Le LH est une pathologie néoplasique caractérisée par la présence de cellules

géantes appelées cellules de Reed-Sternberg (RS) et la désorganisation de l’architecture

ganglionnaire (Kapatai & Murray, 2007). Les cellules RS sont de grandes cellules binucléées,

elles constituent 2% de la masse tumorale qui est surtout constituée de cellules infiltrées non

cancéreuses. De plus, ces cellules présentent une latence virale de type II avec l’expression

d’EBNA1, LMP1 et LMP2 ainsi que l’expression des ARN EBER et BART.

III.1.4. Le Carcinome indifférencié du Rhinopharynx (CRP)

Le carcinome du rhinopharynx est une tumeur maligne d’origine épithéliale. Ce type de

cancer est relativement peu présent dans la population caucasienne mais est très fréquent dans

certains pays du Sud-est de l’Asie (Chine, Indonésie, Viêt-Nam) et d’Afrique du Nord

(Tunisie,…). Son incidence dans ces régions peut être influencée par des facteurs

environnementaux comme des habitudes alimentaires ou culturelles (méthodes de conservation

des aliments,…). Ce carcinome est caractérisé par des cellules carcinomateuses indifférenciées

associées à un important infiltrat lymphocytaire. Ces cellules présentent une latence virale de

type II (EBER, BART, EBNA1, LMP1 et LMP2).

III.1.5. Autres cancers

D’autres pathologies malignes sont associées à l’EBV, notamment : des carcinomes de

type lymphoépithéliome, certains carcinomes gastriques, des désordres lymphoprolifératifs des

cellules T, des tumeurs associées aux cellules dendritiques folliculaires, et quelques carcinomes

hépatiques et mammaires. Ces pathologies ont en commun le fait que la présence de l’EBV n’y

représente qu’un événement rare, mais si l’infection a lieu, l’expression des gènes viraux peut

conduire à la tumorigenèse via de nombreuses voies de signalisation que l’on rencontre dans les

lymphomes B.

III.2. Pathologies chez l’individu immunodéprimé

L’immunodépression observée notamment chez les sujets atteints du SIDA (Syndrome

d’Immunodéficience Acquise) ou chez les patients transplantés est un facteur de risque dans le

développement de lymphomes ou de lymphoproliférations B induits par l’EBV.

III.2.1. Désordres Lymphoprolifératifs Post-Transplantation (PTLD)

L’EBV est associé à plus de 80% des désordres lymphoprolifératifs survenant après

transplantation. Il s’agit, quasi exclusivement, de proliférations qui ont pour origine des

lymphocytes B des centres germinatifs. Le contexte d’immunosuppression, chez les patients

transplantés, conduit à une diminution des lymphocytes T cytotoxiques spécifiques d’EBV et à

une augmentation de la charge virale, ce qui favorise ainsi leur développement.

III.2.2. Pathologies chez les patients atteints du SIDA

III.2.2.1. Leucoplasie chevelue de la langue

Au cours de l’infection par le VIH (Virus de l’Immunodéficience Humaine), la leucoplasie

chevelue de la langue est fréquente. Cette pathologie est rencontrée lors d’immunodéficiences et

est due à la réplication de l’EBV au niveau des cellules épithéliales de la langue. Il s’agit de la

seule pathologie associée à une infection lytique par l’EBV (Greenspan & Greenspan, 1989).

III.2.2.2. Lymphomes associés à l’EBV

Ces lymphomes sont principalement des lymphomes non-hodgkiniens (LNH) (lymphomes

primaires du système nerveux central (PCNSL), lymphomes primitifs des séreuses (PEL),

lymphomes diffus à grandes cellules B (DLBCL), lymphomes plasmablastiques et LB. L’EBV

est retrouvé dans 60% des lymphomes de patients atteints du SIDA avec une très forte incidence

pour les PCNSL (100%), les LH (100%), les PEL (90%), les DLBCL (80%), les lymphomes

plasmablastiques (50%) et les LB (30%) (Tran et al., 2008).

III.2.3. Leïomyosarcomes liés à l’immunodéficience

Dans de rares cas, les patients immunodéprimés (après transplantation ou atteints du

SIDA) présentent des néoplasies de cellules musculaires lisses associées à l’EBV (McClain et

(Rogatsch et al., 2000). Les cellules musculaires lisses ne sont pas des cibles de l’EBV,

cependant une expression variable de CD21, le récepteur de l’EBV, a été détecté dans ces

cellules tumorales (Lee et al., 1995 ; Rogatsch et al., 2000). Aucune infection des cellules

musculaires lisses normales adjacentes à la tumeur EBV+ n’a été détectée, et l’EBV n’a pas été

trouvé associé aux leïomyosarcomes de patients immunocompétents.

III.2.4. Le syndrome de Purtilo

Le syndrome de Purtilo ou syndrome lymphoprolifératif lié au chromosome X (XLP) est

une maladie génétique rare atteignant les garçons porteurs d'un déficit immunitaire sélectif

vis-à-vis de l’EBV. En absence d’infection par l’EBV, ces garçons possèdent une immunité normale.

La primo-infection par l’EBV peut se traduire par 4 phénotypes majeurs : une mononucléose

infectieuse sévère ou fatale, un lymphome malin, une hypo ou agammaglobulinémie acquise et

une anémie centrale ou pancytopénie. L’évolution est mortelle dans 70% des cas.

La cause génétique est liée à un gène localisé sur le chromosome X qui code une protéine

impliquée dans l’activation des lymphocytes T. Cette protéine appelée SH2D1A ou SAP

(SLAM-Associated Protein) interagit avec SLAM (Signaling Lymphocyte Activation Molecule).

La mutation du gène codant SAP entraine la perturbation de l’immunité à médiation cellulaire

anti-EBV.

III.3. Pathologies auto-immunes

L’EBV est également incriminé dans certaines pathologies auto-immunes qui sont

associées à un risque plus élevé de développer des lymphomes (Toussirot & Roudier, 2008). Le

syndrome de Sjögren primaire (SSp), le lupus systémique érythémateux (LSE) et l’arthrite

rhumatoïde (RA) sont des troubles auto-immuns complexes qui dépendent de facteurs génétiques

et environnementaux, comme les virus. Dans ce contexte, l’EBV est un candidat plausible dans

la physiopathologie de ces maladies. En effet, on détecte des titres élevés d’anticorps dirigés

contre les protéines de latence et du cycle lytique dans les sera des patients atteints de ces

pathologies autoimmunes (Balandraud et al., 2004). Le mécanisme par lequel l’EBV contribue à

la survenue de ces pathologies n’est pas encore élucidé.